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En quel sens peut-on dire que nos paroles nous trahissent ?

Publié le 17/01/2022

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Ce sujet peut être traité de différentes manières, précisément en fonction du sens qu'on donne à « trahir «. Par « nos paroles nous trahissent « on peut en effet entendre :

  • que nos paroles révèlent ce que nous voudrions tenir caché. On peut alors traiter le sujet à travers la problématique freudienne des manifestations de l'inconscient par le biais des lapsus de la parole;
  • que nos paroles expriment de manière peu fidèle nos pensées : est alors posé le problème des rapports entre le langage et la pensée;
  • que nos paroles nous trompent et nous induisent en erreur, et c'est le problème de l'ambiguïté et de la cohérence du langage.

Il est possible de traiter toutes ou seulement certaines de ces problématiques.

« faire autrement que les accoler les unes derrière les autres.

A l'égard du monde, les mots sont comme desétiquettes que l'on collerait sur les objets, et qui tout en les nommant, les dissimulent.

Tous les mots, à l'exceptiondes noms propres désignent des genres, soit des généralités. Selon Bergson, en effet, le langage est une sorte de prisme, propre à la penséeconceptuelle, qui masque et déforme la réalité, car le mot, parce qu'il dépassel'individuel et appartient au genre, est incapable d'exprimer cette réalité danstoutes ses nuances.

Dès que le mot est général, on tombe dans le concept.

Orle terme général, selon Bergson, déforme la réalité dans la mesure où il rendcommunes à un nombre indéfini de choses des propriétés singulières : lorsque jeparle de la douceur d'une chose, par exemple, j'emploie un terme général que jepuis appliquer à de nombreuses autres choses, à toutes les choses douces ; orchaque chose est unique, et unique est la douceur de chacune.

En outre lelangage morcelle l'unité concrète des choses : lorsque je dis qu'une chose estdouce et légère et fraîche, je sépare ce qui en réalité ne peut l'être car la chosen'est pas un assemblage de qualités distinctes, mais une union intime de toutesses qualités; de plus, en disant qu'une chose est douce et légère, je sépare lachose de ses qualités, c'est-à-dire d'elle-même.

Enfin le langage fige la réalitéen disant ce qu'elle est, alors qu'elle devient toujours, qu'elle change, s'écoulecontinuellement.On comprend, dans ces conditions, que l'on puisse dire que nos paroles noustrahissent : que nous voulions décrire la réalité du monde extérieure ou notreréalité intérieure, les mots se révèlent des outils imparfaits, ils nous secondentmal, parfois même ils nous abandonnent complètement.

Et ce qui vaut pournotre expérience ordinaire du monde vaut évidemment davantage encore pourcette expérience proprement extraordinaire qu'est l'expérience mystique du divin : tous les mystiques s'accordent àreconnaître que toute parole est fondamentalement inapte à exprimer le divin et l'expérience qu'en peut fairel'homme. La seule expression possible de la pensée et du réel ? Une pensée pure inexprimable ? Mais si selon Bergson la pensée demeure incommensurable au langage, cela signifie qu'il existe au-delà de la penséeformulée dans le langage (c'est-à-dire de la pensée conceptuelle) une autre forme de pensée, une pensée pure etvraie, qui est la pensée intuitive « vision directe de la réalité ». C'est dans les mots que nous pensons. Mais on peut remettre en cause une telle vue, et aussi bien affirmer qu'une telle pensée au-delà du langage n'estpas autre chose qu'une pensée qui n'existe pas encore, qu'il n'est pas de pensée sans langage, qu'une pensée nonformulée dans le langage n'est qu'un fantôme qui s'évanouit aussitôt qu'il surgit.

Ainsi Hegel observe-t-il que «c'estdans les mots que nous pensons.

[...] Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons des penséesdéterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notreintériorité, et que par suite nous les marquons de la forme externe, mais d'une forme qui contient aussi le caractèrede l'activité interne la plus haute.

C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe etl'interne sont si intimement unis.

Par conséquent, vouloir penser sans les mots, c'est une tentative insensée.

[...] Etil est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de la pensée cette nécessitéqui lie celle-ci au mot.

On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut, c'est l'ineffable.

Mais c'est làune opinion superficielle et sans fondement; car, en réalité, l'ineffable, c'est la pensée obscure, la pensée à l'état defermentation, et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot.

Ainsi le mot donne à la pensée son existence laplus haute et la plus vraie » (Philosophie de l'esprit).

Les paroles ne trahissent pas en fait notre pensée.

Nossentiments et nos impressions, qui nous paraissent inexprimables ou mal rendus par les possibilités expressives de lalangue, ne sont en fait que confus et manquent de réalité pour pouvoir être exprimés dans l'élément du langage.. »

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