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Est-ce seulement les lois qui nous empêchent le plus de tuer ?

Publié le 27/02/2008

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  • Introduction:

- La loi est un impératif universel. A ce titre, elle peut prendre trois formes distinctes: loi physique (ex: pesanteur, attraction universelle, etc.), loi morale et loi politique (c’est-à-dire relative à la législation positive d’un Etat).

- Concernant notre sujet, il est évident qu’aucune loi physique ne nous interdit de tuer: nous avons la capacité physique de tuer un autre homme, sans compter les capacités techniques. C’est d’ailleurs ce qui justifie l’emploie du terme « empêcher «.

- En effet, on « empêche « un mouvement lorsque celui-ci est physiquement réalisable par un corps, mais que nous limitons de l’extérieur la puissance de celui-ci. Nous sommes « empêchés « lorsque quelque chose nous retient d’accomplir un geste dont nous serions capable.

- A ce titre, les lois morales et politiques, par leur caractère impératif, semblent de bonnes candidates au fondement de l’interdit de tuer. Cependant, une étude plus précise de la nature de ces lois et de leur impact sur notre comportement nous révèle certaines difficultés:

1- A première vue, la loi politique nous interdit de tuer. Nous ne pouvons pas nier que les lois, au sens de législation positive d’un Etat, nous empêchent bien de tuer. Cependant il semble difficile d’en faire le fondement ultime de l’interdit de tuer. En effet, le propre des lois politiques est d’être relatives à une communauté étatique: les lois d’un pays diffèrent de celles du pays voisin. Or, l’interdit de tuer ne possède pas une telle relativité: il est commun à toutes les sociétés humaines. Il nous faut donc lui penser un fondement plus profond, à un niveau qui serait partagé par tous les hommes. Ce qui empêche le plus de tuer semble alors inscrit dans la nature humaine, bien plus que dans les lois d’un Etat.

2- Cela n’exclut cependant pas que cela prenne la forme d’une loi, à condition de la penser non plus comme loi politique mais comme loi morale. La loi morale, en effet, n’est pas relative, mais s’impose à tout homme en tant que tel. Cependant, une seconde difficulté nous empêche de tenir cette thèse jusqu’au bout. Nous pouvons comprendre l’effectivité des lois politiques: elles sont accompagnées par la force d’un appareil répressif. Mais, qu’en est-il d’une loi morale? Comment un tel impératif peut-il avoir la puissance de modifier notre comportement? En effet, il semble dépourvu de toute force capable de s’opposer à ce qui motive notre action (le désir, les passions). Si bien, que même si nous possédons bien un principe moral qui condamne le meurtre, ce n’est pas lui qui nous « empêche « à proprement parler de passer à l’acte. 

 

  • Problématique:

 

Au vue de ces difficultés, devons-nous renoncer à penser un fondement légal de l’interdit de tuer? Mais dans ce cas, peut-on accepter de le concevoir comme relatif à la sensibilité et à la subjectivité de chacun?

« II) Ce ne sont pas les lois politiques qui nous empêchent le plus de tuer: celles-ci ne font que traduire un impératifplus universel, celui de la loi morale.

- Il existe un autre type de loi, plus profond que les lois positives: les lois morales.

En effet, ces dernières neconcernent pas seulement une société politique donnée, mais s'imposent universellement à tous les hommes.Comment penser la possibilité d'une telle législation? Dans les Fondement de la métaphysique des mœurs , Kant la fonde sur la reconnaissance d'une valeur absolue de la raison.

Son raisonnement est le suivant: les êtresraisonnables (c'est-à-dire qui possèdent une raison) ont une valeur en eux-mêmes, ils sont des fins en soi.Autrement dit: la nature les a créés pour eux-mêmes et pas comme simple moyen en vue d'autre chose.

De ce fait,un impératif s'impose universellement: nous devons toujours traiter autrui (au sens de: tout autre être doué deraison) comme une fin, et non pas seulement comme un moyen à notre usage.

Ce qui interdit évidemment, entreautre, de le tuer.- Nul besoin, donc d'attendre l'institution de l'Etat pour penser l'interdit de tuer.

Celui-ci est présent,indépendamment de toute loi politique, au sein de la raison.

Tout être rationnel connaît cet impératif: n peutdésobéir à la loi morale, mais on ne peut pas ne pas entendre en nous sa voix.

Cela explique que l'interdit de tuer nesoit pas relatif à un Etat, mais s'impose à tous les hommes, en tout lieu et en tout temps: il suffit de posséder laraison pour connaître sa nécessité.

- Cependant, un nouveau problème se pose alors: nous pouvions comprendre l'efficacité des lois politiques à l'aidede la peur que suscitait la punition.

Mais où trouver un équivalent en ce qui concerne la loi morale? En quoi nous« empêche »-t-elle, concrètement, de tuer? Où est l' « épée » qui nous dissuade de transgresser une loi morale?Ainsi Schopenhauer affirme, dans le Monde comme volonté et comme représentation (paragraphe 66) que le concept est impuissant à modifier une volonté, ainsi « il est aussi impossible de faire un homme de bien avec desimples considérations morales ou par la pure prédication, qu'il l'a été aux auteurs de Poétique, depuis Aristote, defaire un seul poète ».

Si la loi morale est bien le fondement de l'interdit de tuer, on voit cependant mal comment ellepourrait, à elle seule, nous empêcher de passer à l'acte.

Transition:L'universalité de l'interdit de tuer nous a incité à en chercher le fondement, non plus dans les lois politiques, maisdans la loi morale.

En effet, celle-ci s'impose immédiatement à tout être rationnel.

Cependant, nous ne sommes pasparvenu à penser une influence effective de cette loi sur nos actes, celle-ci étant absolument couper de notresensibilité.

De sorte que, qu'une telle loi existe ou pas, ce n'est de toute façon pas elle qui nous « empêche »concrètement de tuer.

Comme nous l'avons dit, un principe capable de modifier réellement notre volonté doit avoiraffaire avec notre sensibilité.

Or, celle-ci est singulière et changeante.

Ce principe ne pourra donc pas avoir lestatut d'une loi: universelle et nécessaire.

III) Ce n'est pas une loi qui nous empêche de tuer, mais une certaine intuition de la valeur d'autrui: - Prenons au sérieux la critique de Schopenhauer: un principe rationnel ne peut jamais modifier ma volonté, doncmon geste.

Cependant, seul un principe purement rationnel est susceptible d'avoir le statut de loi: tout ce qui faitappel à une autre partie de moi ne se retrouve pas nécessairement à l'identique chez tous les hommes.

Seule laraison est identique chez tous: le désir, la sensibilité, etc.

dépendent de la singularité de chacun et sont doncincapables de fonder une loi universelle.

Doit-on alors conclure que ce n'est pas la loi qui m'empêche de tuer?- C'est en tout cas ce la position que choisit d'assumer Schopenhauer.

En effet, selon lui (§66) la vertu « ne peutnaître que de l'intuition, qui reconnaît en un étranger le même être qui réside en nous ».

La vertu ne consiste pas enl'application d'un principe rationnel, mais elle est la réalisation d'une intuition, c'est-à-dire la vision particulière,extraordinaire, d'une vérité d'habitude cachée.

Quelle est cette vérité? La reconnaissance qu'autrui participe dumême être que moi (la Volonté).

Il s'agit donc d'une prise de conscience de la valeur d'autrui, au moins égale à lamienne.

Ainsi je respecte la Volonté en lui, ce qui implique entre autre de ne pas le tuer.

De plus, cette intuition n'enreste pas au niveau des principes abstraits mais a une réelle effectivité: ma volonté elle-même s'en trouvetransformer.

C'est elle qui fait de moi un homme juste, « juste » étant celui qui « ne va jamais dans l'affirmation desa propre Volonté jusqu'à la négation de la même Volonté chez un autre individu » (§67).- Finalement, c'est donc une connaissance intuitive qui nous procure la vertu et donc qui nous empêche « le plus »de tuer.

Cela pose cependant une difficulté: une telle vertu n'est pas prescriptive, nous ne pouvons imposer à tousd'avoir la même intuition.

Il est dans ce cas fort probable que beaucoup ne possèdent pas la vertu et nereconnaissent pas la valeur d'autrui (ceux que Schopenhauer appellent « les méchants »), or une intuition nes'enseigne pas.

Il semble donc finalement que, si l'intuition de la valeur d'autrui nous empêche « le plus » de tuer (au sens où elleconstitue le fondement de cet interdit au plus profond de notre sensibilité), elle n'empêche cependant pas « tout lemonde » de tuer.

Elle perd en extension ce qu'elle gagne en intention.

C'est pourquoi les lois politiques et leurappareil de répression sont bien nécessaires pour garantir la sécurité des membres d'une société.. »

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