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Est-il facile d'être libre ?

Publié le 10/03/2004

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C- La liberté semble ne pouvoir jamais être définitivement conquise : il n'est jamais facile d'être libre de ce point de vue. 1- La liberté conçue comme libération peut apparaître comme une tâche permanente pour l'homme : la conquête est toujours à recommencer, n'est jamais réalisée une fois pour toutes. 2- Il faut de ce point de vue être toujours vigilant, et envers soi-même, et envers la société ou l'Etat, afin de se garder de toute forme d'aliénations. (Cf. le «droit de résistance » chez Locke) III- Etre libre et le rester se manifestent comme des exigences pour l'homme. A- La liberté peut apparaître comme un idéal. 1- Etre libre et le rester serait possible mais difficile : ce serait, si on reprend le vocabulaire de Kant dans la Critique de la Raison Pure un « idéal régulateur ». 2- Cet idéal régulateur est une exigence que les hommes peuvent se donner à eux-mêmes, qui doit guider leurs actions, même s'il n'est pas certain qu'il soit réalisable. 3- Etre libre et le rester n'est pas facile mais est ainsi une tâche qui doit permettre aux hommes d'être qui ils sont dignement. B- Mais la liberté, difficilement conquise et conservée, peut aussi être considérée comme le mode d'action concret des hommes.

Lorsque l’on affirme qu’il est facile de marcher sur terrain plat, on veut dire par là que cette action est réalisée sans peine. Au contraire, marcher en montagne peut se révéler difficile et exiger un effort de la part du randonneur. D’autre part, être libre signifie très généralement pouvoir choisir : lorsque je peux choisir de rester dans une pièce ou de la quitter, on peut dire que je suis libre de le faire. Il s’agit donc de se demander si avoir la faculté de choisir exige peine, effort de la part de celui qui est libre ou qui veut l’être. Se libérer est-il aisé ? Et rester libre, est-ce chose facile ? Il s’agit de chercher à comprendre pourquoi être libre semble être une donnée pour l’homme et qu’en même temps la liberté se manifeste aussi comme une tâche. De prime abord, il nous semble que si nous ne sommes pas en prison, ou que nous ne vivons pas sous un régime dictatorial, nous sommes libres, et que cette liberté s’acquiert sans difficulté. Mais la liberté est-elle donnée une fois  pour toutes ?

« Cette question peut s'entendre en deux sens très différents : on peut en effet comprendre .«< Est-il facile dedevenir et de rester libre ? », ou bien : « Est-ce une chose facile — qui ne demande pas de peine, qui est agréable— que d'être libre ? ».

C'est en ce second sens que nous traiterons le sujet. Introduction « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui » (article IV de la Déclaration des droits del'homme et du citoyen, 26 août 1789).

Nous savons bien, en effet, qu'autrui peut opprimer notre liberté, et nous lasienne.

Ma liberté peut être un poids pour celle des autres, et inversement.

Mais celui qui est libre, sa liberté peut-elle l'accabler lui-même ? La liberté peut-elle être un fardeau ? Est-il facile d'être libre ? 1.

Le fardeau socio-politique de la liberté La liberté, en un premier sens, est l'absence de dépendance par rapport à autrui.

Le prisonnier, par exemple, oul'esclave, ne sont pas libres.

Il est alors paradoxal, voire incompréhensible, de soutenir que la liberté est un fardeau,c'est-à-dire quelque chose de pénible qu'il faudrait supporter, puisque c'est au contraire l'absence de liberté qui estvécue comme fardeau intolérable.D'ailleurs, l'histoire, dit-on, est l'histoire d'une libération progressive de l'humanité : abolition de l'esclavage, del'absolutisme, conquête des droits politiques, avènement de la démocratie, autant de faits qui interdiraient dequalifier la liberté de fardeau.Cf.

Hegel : « Les Orientaux ont su seulement qu'un seul homme était libre ; le monde grec et romain que quelques-uns étaient libres ; mais nous savons que tous les hommes sont libres » (La Raison dans l'Histoire).Sans chercher si la libération de l'humanité qui se manifeste dans le cadre de l'État n'inclut pas des formes nouvellesd'asservissement qui en limitent la portée, on peut noter que la possibilité juridique, et même matérielle, de la libertén'implique pas encore la pratique effective de cette liberté dans la vie quotidienne.

La proclamation de la liberté n'enest pas l'usage.

Combien d'hommes pourraient être indépendants des autres et ne le sont pas, observait Kant, parcequ'ils ne le veulent pas ; responsables de leur propre minorité, ils ont un livre qui leur tient lieu d'intelligence, unmédecin qui décide de leur régime, etc.

(Réponse à la question : Qu'est-ce que les Lumières ? 1784).D'où vient la volonté, qui peut être inavouée, de rester sous la dépendance des autres ? Kant parlait de paresse etde lâcheté, de manque de courage, attitudes encouragées par ceux qui en tirent profit, et signalait que celui quin'en a pas l'habitude peut craindre de marcher seul.

Dostoïevski fera dire au Grand Inquisiteur, beaucoup plusgravement, que « l'éternelle inquiétude de l'humanité — individus et collectivité — (est de) savoir "devant quis'incliner ?" Car il n'y a pas pour l'homme, demeuré libre, de souci plus constant, plus cuisant que de chercher unêtre devant qui s'incliner » (Les Frères Karamazov, livre V, 5).

Il parlera explicitement de « ce fardeau terrible : laliberté de choisir ».D'un fardeau, on se décharge si on le peut.

N'y aurait-il pas, par exemple, des bulletins de vote qui permettraient delaisser à d'autres le soin de nous diriger ? Être conscient des sacrifices qui ont été faits pour acquérir cette libertépolitique ne devrait pas faire oublier que Rousseau voyait dans l'aliénation de la souveraineté du peuple (l'élection dureprésentant détenant le pouvoir législatif), une menace permanente pour la liberté des citoyens : le souverain (lepeuple) « ne peut pas dire : "ce que cet homme voudra demain, je le voudrai encore", puisqu'il est absurde que lavolonté se donne des chaînes pour l'avenir » (Contrat social, livre II, 1).Sur le plan social et sur le plan politique, on peut ainsi soupçonner l'homme de préférer à une liberté qui pèse, ladépendance à autrui, si son poids est moindre.

Ce ne serait pas la liberté qui serait toujours recherchée, mais «l'inquiétude » qui serait fuie.

La liberté peut être ce fardeau inquiétant que nous ne voulons pas porter.

On dit en cesens : « il faut prendre ses responsabilités ».

C'est qu'on n'y tient pas toujours. 2.

Un fardeau métaphysique ? Rousseau liait la liberté du citoyen à son humanité même : « renoncer à sa liberté, c'est renoncer à sa qualitéd'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs » (Contrat social, I, 4).

Se décharger du fardeau de la libertéserait de la sorte abdiquer son humanité.

Doit-on dire de celle-ci qu'elle est un fardeau ?L'analyse sartrienne de la liberté rejoint celle de Rousseau en ce sens qu'elle aussi définit l'humanité par sa liberté :la liberté « est l'être de l'homme ».

D'où l'homme est « condamné à être libre », nous ne sommes pas libres de cesserd'être libres.

Il ne s'agit plus d'une liberté garantie légalement, etc., mais d'une liberté de choix qu'il faut diremétaphysique parce qu'elle est extérieure au monde des preuves, « par-delà toutes les raisons ».

Cette liberté,nous y sommes condamnés précisément dans la mesure où elle « coïncide en son fond avec le néant qui est aucoeur de l"homme ».

L'homme n'est rien d'autre que ce qu'il se fait être.

Il n'a pas de nature, pas d'essence.Abandonné, « sans aucune aide d'aucune sorte », il ne peut que se choisir.

C'est nécessairement dans l'angoisseque nous découvrons notre « condition d'être jeté dans une responsabilité qui se retourne jusque sur sondélaissement » (l'Être et le Néant, coll.

Tel, IV, 1, pp.

494-495 et IV, I, 3, p.

615).

Mais « la plupart du temps, nousfuyons l'angoisse dans la mauvaise foi », « pour fuir ce qu'on ne peut pas fuir, pour fuir ce qu'on est » condamné àchoisir.

Par une sorte de mensonge à nous-mêmes, nous tentons de nous enfermer (et d'enfermer les autres) dansune définition, une essence, une loi ou une passion qui nous libéreraient de notre liberté, si c'était possible, commeon se libère d'un poids.

Comme notre liberté est tout notre « être », une telle conduite, ambiguë nécessairement, nepeut aboutir.

Mais elle manifeste que la liberté de l'homme peut être un fardeau pour l'homme, « quelque chose »qu'il ne peut pas ne pas porter, et qu'il porte même lorsqu'il ne le voudrait pas.

Fuir « l'inquiétude », l'angoisse, estici impossible.

Le fardeau, pour l'homme, est l'homme lui-même.. »

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