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Être bienfaisant, quand on le peut, est un devoir

Publié le 19/03/2014

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« Être bienfaisant, quand on le peut, est un devoir, et de plus il y a de certaines âmes si portées à la sympathie, que même sans un autre motif de vanité ou d'intérêt, elles éprouvent une satis¬faction intime à répandre la joie autour d'elles et qu'elles peu¬vent jouir du contentement d'autrui en tant qu'il est leur oeuvre. Mais je prétends que dans ce cas une telle action, si conforme au devoir, si aimable qu'elle soit, n'a pas cependant de valeur morale véritable, qu'elle va de pair avec d'autres incli¬nations, avec l'ambition par exemple qui, lorsqu'elle tombe heureusement sur ce qui est réellement en accord avec l'intérêt public et le devoir, sur ce qui par conséquent est honorable, mérite louange et encouragement, mais non respect ; car il manque à la maxime la valeur morale, c'est-à-dire que ces actions soient faites, non par inclination, mais par devoir. Supposez donc que l'âme de ce philanthrope soit assombrie par un de ces chagrins personnels qui étouffent toute sympathie pour le sort d'autrui, qu'il ait toujours encore le pouvoir de faire du bien à d'autres malheureux, mais qu'il ne soit pas tou¬ché de l'infortune des autres, étant trop absorbé par la science propre, et que, dans ces conditions, tandis qu'aucune inclina¬tion ne l'y pousse plus, il s'arrache néanmoins à cette insensibi¬lité mortelle et qu'il agisse, sans que ce soit sous l'influence d'une inclination, uniquement par devoir, alors seulement son action a une véritable valeur morale.«

Kant, Fondements de la métaphysique des moeurs (1785), traduit par V Delbos, Ed. Delagrave, 1969, p. 96.

La bienveillance n'a pas de valeur morale

L'action faite avec bienveillance est-elle morale ? Pour répondre à cette question, Kant passe en revue les différents motifs de l'action. On peut faire son devoir par vanité, par intérêt, mais on ne sera guère porté à admettre qu'une action accomplie selon ces motifs soit morale. Ironiquement même, Kant déclare qu'on peut faire 

« contrepartie.

Elle peut-être comme une forme subtile de l'égoïsme.

Faire du bien à autrui, c'est faire du bien à soi.

Plus qu'une satisfaction : une jouissance, où le sentiment du pouvoir a sa place.

Le sujet - à l'égard duquel j'exerce ma bienveillance -n'est pas une fin, mais le moyen par lequel je satisfais mon penchant à la domination.

1 Seule l'action faite par devoir a une valeur morale L'essentiel est la distinction des actions conformes au devoir et des actions faites par devoir.

Et Kant d'avancer sa thèse centrale : seules les actions faites par devoir ont une valeur morale .

La bienveillance n'est pas bonne moralement en tant que telle, elle peut-être une inclination comme une autre, par exemple comme l'ambition .

L'action conduite par inclination peut aboutir à de bonnes choses : «sur ce qui est réellement en accord avec l'intérêt public ».

Il convient dès lors, dit Kant, de la reconnaître comme «honorable », de lui décerner « des louanges » et des « encouragements ».

Mais ne sommes nous pas pour autant dans la sphère de la moralité, qui est celle des principes qui commandent la formule de l'action .

Aussi ne pouvons-nous pas avoir du « respect » à l'égard de telles actions .

Seule l'action faite par devoir mérite le respect .

1 La valeur morale d'une action relève de la raison Pour se faire mieux comprendre Kant sollicite l'imagina­ tion : « Supposez donc que l'âme de ce philanthrope soit assom­ brie ...

» Ce qui était dans son cas inclination heureuse ne relevait pas d'une nature profonde, mais était déterminé par les événements mêmes de la vie .

L'inclination bienveillante disparaît .

Le tableau est noirci à souhait : la sympathie pour le sort d'autrui s'effondre , l'infortune des autres n'a plus de puissance sur les sentiments de notre philanthrope d'antan.

Le lecteur pressent l'inéluctable, le repliement sur soi, le des­ sèchement de l'âme.

Plus d'actions morales.

Mais le lecteur est allé trop vite.

Kant opère un retournement brutal, dont la violence aide à faire admettre sa thèse.

Cet homme jadis bienveillant, qui a perdu toute inclination pour autrui, s'est élevé à l'action morale, justement parce qu'il a perdu toute raison d'être bienveillant .

«Son action a une véritable valeur morale » dans la mesure où elle est faite par devoir • 37. »

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