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Etre heureux est-ce assouvir tous ses désirs ?

Publié le 08/09/2005

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Au contraire, il faut être capable de mettre son courage et son intelligence au service de si grandes passions et de les assouvir avec tout ce qu'elles peuvent désirer. Seulement, tout le monde n'est pas capable, j'imagine, de vivre comme cela. C'est pourquoi la masse des gens blâme les hommes qui vivent ainsi, gênée qu'elle est de devoir dissimuler sa propre incapacité à le faire. La masse déclare donc bien haut que le dérèglement est une vilaine chose. C'est ainsi qu'elle réduit à l'état d'esclaves les hommes dotés d'une plus forte nature que celle des hommes de la masse ; et ces derniers, qui sont eux-mêmes incapables de se procurer les plaisirs qui les combleraient, font la louange de la tempérance et de la justice à cause du manque de courage de leur âme. Socrate : Mais, tout de même la vie dont tu parles, c'est une vie terrible ![...] En effet, regarde bien si ce que tu veux dire, quand tu parles de ces genres de vie, une vie d'ordre et une vie de dérèglement, ne ressemble pas à la situation suivante. Suppose qu'il y ait deux hommes qui possèdent, chacun, un grand nombre de tonneaux. Les tonneaux de l'un sont sains, remplis de vin, de miel, de lait, et cet homme a encore bien d'autres tonneaux, remplis de toutes sortes de choses. Chaque tonneau est donc plein de ces denrées liquides qui sont rares, difficiles à recueillir et qu'on obtient qu'au terme de maints travaux pénibles.

« Une des premières cause d'angoisse chez les humains est, selon Epicure , l'inquiétude religieuse et la superstition.

Bien des hommes vivent dans la crainte des dieux.

Ils ont peurque leur conduite, leurs désirs ne plaisent pas aux dieux, que ceux-ci jugent leurs actesimmoraux ou offensants envers leurs lois et ne se décident à punir sévèrement les pauvresfauteurs, en les écrasant de malheur dès cette vie ou en les châtiant après cette vie.

Ilspensent aussi qu'il faut rendre un culte scrupuleux à ces divinités, leur adresser des prières,des suppliques, leur faire des offrandes afin de se concilier leurs bonnes grâces.

Car lesdieux sont susceptibles, se vexent pour un rien, et sont parfois même jaloux du bonheur dessimples mortels, qu'ils se plaisent alors à ruiner.

Toutes ces croyances qui empoisonnent lavie des hommes ne sont que des superstitions et des fariboles pour Epicure . Pour s'en convaincre, il faut rechercher quels sont les fondements réels des choses, il fautune connaissance métaphysique, cad une science de la totalité du monde.

Celle-ci nousrévélera que le principe de toutes choses est la matière, que tout ce qui existe est matériel.Ainsi, la science peut expliquer tous les événements du monde, tous les phénomènes de laNature, même ceux qui étonnent et terrorisent le plus les hommes, comme procédant demécanismes matériels dépourvus de toute intention de nuire, et nullement d'esprits divinsaux volontés variables.

Par exemple, les intempéries qui dévastent vos biens et vous ruinentne sont nullement l'expression d'une vengeance divine pour punir vos fautes passées, maisseulement la résultante de forces naturelles aveugles et indifférentes à votre devenir.

C'estce qu'établira de façon complète Lucrèce, en donnant même le luxe de plusieurs explicationspossibles des mêmes phénomènes, arguant du fait que l'essentiel n'est pas de connaître lavraie cause du phénomène, mais de savoir qu'il possède une cause matérielle nonintentionnelle.

C'est en effet cela seul qui importe à notre bonheur, puisque ce savoir nousdélivre des angoisses religieuses.

La mort n'est rien pour nous.

La métaphysique matérialiste va aussi permettre de délivrer l'humanité d'une de ses plusgrandes craintes : la crainte de la mort.

Les hommes ont peur de la mort.

Mais queredoutent-ils en elle ? C'est précisément le saut dans l'absolument inconnu.

Ils ne savent pasce qui les attend et craignent confusément que des souffrances terribles ne leur soientinfligées, peut-être en punition de leurs actes terrestres.

Les chrétiens, par exemple,imagineront que quiconque à mal agi et n'a pas obtenu le pardon de Dieu ira rôtir dans lesflammes de l'enfer.

La peur de la mort a partie liée avec les superstitions religieuses dont lamétaphysique matérialistes nous libère.

De plus, si tout dans l'univers n'est fait que dematière, si nous, comme tous les êtres vivants, ne sommes que des agrégats d'atomes,lorsque nous mourons, ce ne sont que nos atomes qui se séparent, qui se désagrègent, cen'est que notre corps qui se décompose, en un point d'abord (celui qui est blessé oumalade), puis en tous.

Dès lors, rien de notre être ne survit, il n'y a rien après la mort, « la mort n'est rien pour nous ».

Ceux qui pensent que la vie du corps, la pensée, la sensation, le mouvement viennent de l'âme, et que cette âme pourrait survivre après la mort du corps,ont tort.

Car l'âme elle-même est faite de matière, certes plus subtile, puisque invisible ;mais si elle n'est qu'un agrégat d'atomes, elle aussi se décompose lorsque la mort survient,et même, selon l'expérience la plus commune, il faut penser qu'elle est la première à sedécomposer puisque le mort apparaît immédiatement privé de vie, de sensation, de penséeet de mouvement, alors que le reste de son corps semble encore à peu près intact et mettra plus de temps à commencer à se décomposer.

Aussi, la mort se caractérise bien enpremier lieu par l'absence de sensation : « Habitue-toi à la pensée que le mort n'est rien pour nous, puisqu'il n'y a de bien et de mal que dans la sensation, et que la mort estabsence de sensation. » En effet, les sensations que nous avons de notre corps et, à travers lui, des choses dumonde sont la source de toute connaissance, et aussi de tout plaisir et de toute douleur,donc le vrai lieu de tout bien et de tout mal, puisque le bien réel n'est que le plaisir et lemal la douleur.

Nous pouvons désigner la pensée d' Epicure comme un sensualisme qui fonde toute la vie intérieure sur la sensation.

La mort étant la disparition des sensations, ilne peut y avoir aucune souffrance dans la mort.

Il ne peut pas y avoir davantage de surviede la conscience, de la pensée individuelle: « Ainsi le mal qui effraie le plus, la mort, n'est rien pour nous, puisque lorsque nous existons, la mort n'est pas là, et lorsque la mort est là,nous n'existons plus.

» Dès lors je peux vivre, agir et profiter de cette vie sans redouter aucune punition post-mortem.

Et je sais que c'est ici et maintenant qu'il me faut être heureux, en cette vie, car je n'en ai aucune autre.

Mon bonheur dans la vie est une affaire sérieuse qui ne souffreaucun délai.

Tel est l'enseignement de la sagesse matérialiste.

La modération des désirs.

Maintenant que nous avons vu les deux conditions négatives du bonheur, cad les pensées etles craintes qu'il faut éliminer pour pouvoir jouir de la vie, il nous faut encore définirpositivement comment atteindre le bonheur.

Un peu de réflexion nous montre qu'il estabsurde de désirer des plaisirs inaccessibles, ou qui ont des conséquences fâcheuses et sepaient de plus grandes souffrances, comme les plaisirs de la gourmandise qui, pratiqués àl'excès, finissent par nous rendre affreusement malades.

Il convient donc de modérer sesdésirs, d'opérer un tri entre eux.

Mais jusqu'à quel point ? Il faut rejeter tous les désirs quine sont pas naturels et aussi ceux qui ne sont pas nécessaires à notre survie, à notre santéou à notre bonheur.

Mais qu'est-ce qui est naturel dans les désirs humains ? Et surtout,qu'est-ce qui est absolument nécessaire à notre bonheur ? Epicure ne donne pas de réponse très précise, mais il nous dit qu'il faut savoir se contenter de peu.

Ainsi, celui quidésire des mets raffinés risque fort d'être déçu et malheureux s'il n'a pas toujours lesmoyens de se les offrir, ou si le cuisinier rate son plat, ou si mille autres ennuis viennent l'enpriver.

Avoir des désirs de luxe nous expose à souvent souffrir.

Il faut donc les éliminer.

Enrevanche, celui qui ne désire que des nourritures « naturelles », un peu de pain parexemple, trouvera facilement à se satisfaire, et peut même en retirer un très vif plaisir s'il avraiment faim et soif.

En outre, le sage qui ne désire rien de plus pourra tout de même, s'ilest invité à un banquet, jouir de la nourriture succulente.

De tels plaisirs ne sont nullementinterdits, à condition de ne pas les désirer toujours, de ne pas en être dépendant.

Il fautdonc passer ses désirs au crible de sa raison et éliminer impitoyablement tous ceux qui nesont pas naturels et nécessaires, tous ceux qui sont vains, artificiels, superflus ou excessifs .alors nous serons sages et nous atteindrons l'ataraxie, l'état d'absence de trouble de l'âme,cad le bonheur.

En effet, ce sont les angoisses, les passions, les désirs inassouvis quitroublent notre âme, nous font souffrir et nous empêchent d'être heureux.

Se délivrer detout cela, c'est déjà être heureux, de même qu'il faut penser que le plaisir se trouve déjàdans l'absence de souffrance.

Nous voyons qu' Epicure redéfinit le plaisir (et corrélativement le bonheur) à l'encontre de la pensée commune, qui n'aperçoit de plaisirque dans un excitation positive des sens ou de l'esprit.

Nous voyons aussi quelle est lavraie nature de l'hédonisme d' Epicure et quel monumental contresens a fait la tradition en en faisant « une morale de pourceaux libidineux se vautrant dans la luxure », alors qu'il s'agit avant tout d'une ascèse, d'une maîtrise des désirs, assez semblable à ce que peuventpratiquer certains religieux, ermites ou ascètes, même si c'est dans de tout autres buts.. »

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