Devoir de Philosophie

Faut-il distinguer droit de l'homme et droit du citoyen ?

Publié le 14/01/2005

Extrait du document

droit
- Dans l'ordre de la pensée, la conception des droits de l'homme (et, comme nous l'avons précisé, de l'idéal dont ils procèdent) peut-elle s'accomplir indépendamment de celle des droits du citoyen ? Deux hypothèses peuvent ici structurer la réflexion : ou bien les droits de l'homme et ceux du citoyen ne sont concevables que d'un même mouvement (en concevant les droits du citoyen, on conçoit du même coup ceux de l'homme) ; ou bien la conception des droits de l'homme doit prendre en considération celle des droits du citoyen, qui constituent alors une base de réflexion. Dans la première hypothèse, il convient de se demander, de façon critique, si la conception des droits de l'homme est réductible à celle des droits du citoyen ; dans la seconde, il faut mettre à l'épreuve la préséance supposée des droits du citoyen.- Les définitions retenues pour les notions en jeu sont évidemment capitales. L'homme, dans l'expression « droits de l'homme », ce n'est pas seulement cet être qui se distingue de l'animal par un certain nombre de propriétés constitutives ; c'est aussi et surtout la plus haute idée que l'on peut se faire de l'être humain accompli, réalisant pleinement sa richesse potentielle. Les exigences consignées comme « droits de l'homme » prennent sens par rapport à un tel idéal. Le citoyen, ce peut être soit, simplement, celui qui jouit du « droit de cité », soit, par déploiement des implications d'un tel droit, l'auteur de la décision politique, le détenteur originaire de la souveraineté. Ce deuxième sens a été particulièrement développé par la philosophie politique inspiratrice de la Révolution française, notamment avec Rousseau et Condorcet. (cf. le livre de Catherine Kintzler Condorcet : l'instruction publique et la formation du citoyen, Éditions du Sycomore).


droit

« l'homme en tant que tel.

Peut-on rendre compte, sur le plan théorique, de la différence des deux déclarations ? Uneconception indépendante des seuls droits de l'homme est-elle possible, et tenable ? Peut-on concevoir les droits del'homme indépendamment des droits du citoyen ? — Première partie : analyse ordonnée du sujet (cf.

ci-dessus). — Deuxième partie : l'homme vivant dans la cité peut-il se prévaloir de droits qui feraient abstraction desexigences de la vie sociale ?L'homme, animal politique (Aristote, Politique, I, 1253a).

« La cité est par nature antérieure à l'individu ».Reconnaissance du caractère constitutif de la vie sociale, donc de son antériorité logique.

Mais ne sont citoyensque les hommes libres.

S'il existe vraiment des esclaves par nature (c'est-à-dire des êtres « dont l'activité se réduità user de leurs corps ») l'idée d'égalité, présupposée dans l'entité « homme » des droits de l'homme n'a pas de sens.La « politeïa », constitution de la cité, définit bien des droits du citoyen, mais la sphère de la citoyenneté apparaîtcomme bien étroite par rapport à celle de l'humanité réelle (ne sont reconnus comme citoyens, à Athènes et àRome, ni les femmes, ni les esclaves, ni les étrangers).

Dans l'idéal, l'homme, qui n'est « ni brute ni Dieu »,n'accomplit sa destination finale que dans et par la Cité.

Il s'agit pour lui de bien vivre (eupraxia) et d'exercerpleinement sa faculté de délibérer et de décider, donc la pensée par laquelle il s'apparente à un Dieu.

L'idéal del'homme est donc bien défini comme référence première (cf.

Éthique à Nicomaque, X, 7) mais une conceptionidéologique de l'emprise de la citoyenneté ne permet pas de promouvoir cet idéal comme idéal pour tous les hommes.L'égalité présupposée des hommes — y compris dans la précarité d'une existence conflictuelle antérieure à toutcontrat social — rend possible chez Hobbes et, d'une autre manière, chez Rousseau, une problématique «artificialiste », c'est-à-dire dans laquelle il y a construction de la communauté politique.

Qu'il aliène, qu'il transfère,ou qu'il médiatise son propre pouvoir d'agir, chaque homme est le détenteur originaire de la souveraineté : il est ence sens pleinement citoyen, même s'il devient chez Hobbes sujet d'un souverain personnalisé auquel il a conféré un pouvoir illimité dans la sphère De la vie commune.

pans les silences de la loi,chaque citoyen redevient, en quelque sorte, homme, libre de faire absolumenttout ce qui ne tombe pas sous la juridiction de la loi commune.

En ce sens,les droits de l'homme excèdent ceux du citoyen, dont l'emprise est délimitée,tout en délimitant, a contrario, ce que l'homme ne peut pas faire (réciprocitédes droits et des devoirs).La déclaration d'août 1789, signale en un sens cette différence dans l'articleV : « La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société ».— Troisième partie : peut-on à la fois faire dériver la définition des droits del'homme de ceux du citoyen, et leur conserver un caractère de recours ?n Quel est l'homme des droits de l'homme ? Nous l'avons vu, la nature desexigences consignées dans l'énoncé des droits dépend directement de l'idéed'homme que l'on érige en référence.L'avènement, en chaque homme, d'une humanité accomplie, n'implique-t-ellepas la réalisation d'un certain nombre de conditions concrètes ? Lareconnaissance à chaque homme du statut politique et juridique du citoyensuffit-elle ?Condorcet : l'instruction publique met chaque citoyen en mesure d'êtrepleinement lui-même, de décider en connaissance de cause.

(cf.

« Mémoirespour l'instruction publique », cité in Condorcet lecteur des Lumières, deMichèle Crampe-Cosnabet, PUF).

L'idéal des Lumières sous-tend la conception-référence d'une humanité accomplie.L'homme libre, capable de penser par soi-même, est à la fois l'idéal qui doit se réaliser, et le « moyen », si l'on osedire, d'une telle réalisation, grâce à l'École qui instruit (le maître d'école n'est pas le dominus qui domine ou opprime,mais le magister qui instruit et libère).Marx : l'exploitation de l'homme par l'homme rend inopérantes certaines proclamations de droits.

Selon les cas,celles-ci peuvent avoir un rôle.

mystificateur (on se pare de droits formels dont les conditions de réalisation ne sontpas mises en oeuvre ; le discours juridique paraît dérisoire ou même mensonger du seul fait du décalage entre lestextes et la pratique) ; mais elles peuvent aussi avoir un rôle libérateur et critique (l'invocation de droits bafoués oupartiellement appliqués peut être un ferment révolutionnaire).De ce point de vue, l'inscription dans la « Déclaration universelle » de décembre 1948' de droits sociaux quiconcernent directement les conditions d'existence des hommes lève certaines des objections que Robespierre ouMarx, par exemple, adressaient à la Déclaration d'août 1789 (cf.

les articles 22 sur le droit à la sécurité sociale, 23sur le droit au travail et à la protection contre le chômage, 24 sur le droit au repos et à une limitation raisonnable dela durée du travail, 25 sur le droit à un niveau de vie décent, 26 sur le droit à l'éducation). • Conclusion. On peut se demander si, en fin de compte, la référence aux droits du citoyen ne pourrait suffire, dès lors que lecitoyen serait conçu dans la plénitude de ce qui le définit, et rend possible son avènement.

Pour être vraimentcitoyen, ne faut-il pas être libre dans sa vie, dans ses actes, dans ses jugements, tout en étant capable d'enrépondre, c'est-à-dire responsable ? Bref, ne faut-il pas être homme pleinement accompli ?Mais ce qui bien souvent fait écran à la perception de telles implications, c'est justement le divorce du droit et dufait, qui semble reléguer l'idéal dans une sphère inaccessible, ou en occulte complètement l'existence par la. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles