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Faut-il être connaisseur pour apprécier une oeuvre d'art ?

Publié le 17/01/2022

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D'une façon générale, un connaisseur reconnaît autant qu'il connaît, il sait reconnaître autant qu'il prend plaisir à connaître.Il sait donc dépasser les apparences et dénicher les choses rares. L'art étant unique et rare, il faut donc être connaisseur.Enfin, une oeuvre d'art n'a pas que du sens par rapport à elle-même ou à nous. Elle en a parce qu'elle fait histoire. Comme l'a dit Hegel elle fait événement.Cela dit, il convient d'être prudent. La connaissance peut être un piège. Connaître peut donner la tentation d'aborder l'art avec le préjugé du connaisseur qui croit connaître ou qui veut connaître.Or, l'art ne doit-il pas être abordé sans préjugé ?

Kant nous explique dans la Critique de la faculté de juger que les hommes sont portés à discuter au sujet de leur désaccord en ce qui concerne ce qu'ils jugent "beau", alors qu'ils admettent bien le principe relativiste "à chacun son goût" pour ce qui est de "l'agréable". Dans cette perspective kantienne d'un échange à propos de la satisfaction esthétique, on peut s'interroger sur ce qui fait que, devant telle oeuvre, l'un éprouve une satisfaction, alors que l'autre ne l'éprouve pas. L'un apprécie, l'autre non: on peut s'interroger notamment sur le rôle de la culture: pour apprécier une oeuvre d'art faut-il être cultivé? Mais cette formulation reste doublement floue: que signifie au juste être cultivé? et apprécier a une double connotation: celle d'un goût: j'apprécie signifie: j'aime, cela me plaît, mais  j'apprécie peut aussi signifier: je fixe le prix, je juge de la valeur. Dans un premier temps, il semble qu'on puisse admettre une certaine coupure entre le plan du plaisir et le plan de la culture, tout d'abord conçue comme connaissance; mais une analyse des obstacles à la satisfaction nous conduira à nuancer et à envisager un lien, dont il faudra préciser la nature, entre ce qui relève du sentiment ( "de plaisir ou de peine" selon l'expression de Kant) et ce qui relève de la culture. Ce terme devra être entendu en un double sens: se cultiver c'est faire croître l'ensemble des connaissances qu'on peut prendre de  l'oeuvre de l'art et qui fait de nous un "connaisseur", c'est aussi développer sa sensibilité: accéder à une forme particulière de perception qui n'est pas spontanée parce qu'habituellement nous percevons en vue de l'action, et non en vue de la contemplation des oeuvres ( ou du monde).

« Demande d'échange de corrigé de Martin Antonia ( [email protected] ). Sujet déposé : Pour apprécier une oeuvre d'art faut-il être cultivé? Kant nous explique dans la Critique de la faculté de juger que les hommes sont portés à discuter au sujet de leurdésaccord en ce qui concerne ce qu'ils jugent "beau", alors qu'ils admettent bien le principe relativiste "à chacunson goût" pour ce qui est de "l'agréable".

Dans cette perspective kantienne d'un échange à propos de la satisfactionesthétique, on peut s'interroger sur ce qui fait que, devant telle oeuvre, l'un éprouve une satisfaction, alors quel'autre ne l'éprouve pas.

L'un apprécie, l'autre non: on peut s'interroger notamment sur le rôle de la culture: pourapprécier une oeuvre d'art faut-il être cultivé? Mais cette formulation reste doublement floue: que signifie au justeêtre cultivé? et apprécier a une double connotation: celle d'un goût: j'apprécie signifie: j'aime, cela me plaît, mais j'apprécie peut aussi signifier: je fixe le prix, je juge de la valeur.

Dans un premier temps, il semble qu'on puisseadmettre une certaine coupure entre le plan du plaisir et le plan de la culture, tout d'abord conçue commeconnaissance; mais une analyse des obstacles à la satisfaction nous conduira à nuancer et à envisager un lien, dontil faudra préciser la nature, entre ce qui relève du sentiment ( "de plaisir ou de peine" selon l'expression de Kant) etce qui relève de la culture.

Ce terme devra être entendu en un double sens: se cultiver c'est faire croître l'ensembledes connaissances qu'on peut prendre de l'oeuvre de l'art et qui fait de nous un "connaisseur", c'est aussidévelopper sa sensibilité: accéder à une forme particulière de perception qui n'est pas spontanée parcequ'habituellement nous percevons en vue de l'action, et non en vue de la contemplation des oeuvres ( ou dumonde).

L'expérience montre que la puissance de l'oeuvre est quelquefois telle qu'elle peut produire un effetintense sur un individu non cultivé, qui ne sait rien de l'oeuvre, de l'auteur , du contexte, etc...

dès l'abord, onrencontre la question du beau, qui reste pour nous liée à la mutation qu'elle a subi au dix huitième siècle: lejugement sur le beau témoigne d'une satisfaction subjective que je ressens et n'est plus un jugement "logique" oude connaissance par lequel je juge que tel objet est conforme à un critère du beau objectivement défini et valablepour un lieu et une époque définie de l'histoire de l'art.

Dès lors en toute ignorance des critères donnés dans uneesthétique historiquement définie, je peux être touché par une oeuvre, pris, ravi, emporté, transporté par elle, ( àcertaines conditions qu'on montrera plus loin) .

Inversement, il peut arriver qu'un connaisseur n'aime pas uneoeuvre, et la somme des savoirs qu'on peut développer, de l'oeuvre et autour de l'oeuvre, ne produit pas en elle-même une satisfaction, ce n'est pas le discours sur l'oeuvre qui produit l'émotion esthétique, c'est l'oeuvre ellemême.

Kant montre que je suis poussé à la discussion, à l'argumentation parce qu'il y a dans la satisfactionartistique quelque chose qui ne veut pas se laisser réduire à un pur et simple goût subjectif, " j'exige de l'autre unesemblable satisfaction" écrit-il, non bien sûr pour commander quoi que ce soit, cela n'aurait aucun sens, mais cedésir de communiquer mon plaisir, et d'essayer d'en rendre raison est significatif de la présence d'une exigenced'universalité.

D'où l'expression audacieuse de Kant, d'une "universalité subjective"! Je ne peux jamais en effetconvaincre l'autre de la valeur universelle de mon goût puisque je ne témoigne , par l'usage du terme "beau" que dema satisfaction.

Mais, implicitement je reconnais en l'autre une faculté de juger, semblable à la mienne, je reconnaisla présence d'un sens commun, je suppose qu'il peut lui aussi apprécier l'oeuvre; mais cela ne me donne en rien lesmoyens de le convaincre.

Seule l'expérience esthétique personnelle du beau peut l'amener au même jugement quemoi.

Ni le discours sur le sens de l'oeuvre, ni le discours sur sa forme, ni le discours sur la technique mise en oeuvre,ni le discours sur le genre ou sur l'histoire ne permettent de convaincre.

Ces discours restent d'ailleurs valablesquelque soit la valeur proprement esthétique de l'oeuvre, qui peut être par ailleurs médiocre! Il y a de ce point devue un malentendu qu'il faut dissiper: il est fréquent que l'absence de satisfaction devant une oeuvre se traduise enterme de "sens", la personne exprime cette absence en disant qu'elle n'a pas "compris ce que l'artiste voulait dire",mais on sent bien qu'il y a là une sorte de déplacement: une oeuvre très lourdement symbolique est parfaitement"lisible", compréhensible, ce n'est pas pour autant qu'elle nous plaît! Tout au contraire un poème peut nousapparaître beau, alors que sa finalité n'est pas la transmission d'une idée claire et distincte, alors qu'il suggère,évoque par des images, des rythmes, des sonorités un "je ne sais quoi" qui n'est précisément pas dicible dans laprose, et qu'on ne peut donc pas traduire.

Ce que l'oeuvre a à dire, elle seule le dit par les moyens qui lui sontpropres.

De ce point de vue, en dehors des oeuvres symboliques les oeuvres ne veulent rien dire! Que veut dire labrioche peinte par Chardin? (si ce n'est que comme le disait Proust: " les choses sont si belles d'être ce qu'ellessont.") Que veut dire le premier thème du premier mouvement de la seconde symphonie de Brahms? On sent bienque le problème est mal posé et que la personne essaye d'exprimer un obstacle qui l'empêche d'apprécier l'oeuvre,dès lors, elle cherche une explication du sens! Mais l'obstacle n'est pas toujours lié au sens surtout pour les oeuvresqui ne prétendent pas vouloir dire quelque chose!. »

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