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Faut-il respecter en autrui le semblable ou l'être différent de nous ?

Publié le 17/01/2022

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Mais d'autre part, l'affirmation des différences, leur reconnaissance, ne suffit pas non plus à fonder un respect universel puisque leur reconnaissance peut fort bien être une stigmatisation, donc servir à un processus d'exclusion. Que cette reconnaissance soit affirmée en vue de la paix et dans la paix (et non pas pour justifier une guerre), ne suffit pas. Que l'on songe à l'équivocité de l'usage du principe des quota culturels dans l'université américaine, à l'équivocité des Women studies, du gynocriticisme ou à celle des gay studies. Que l'on songe au risque permanent de ghettoisation lorsqu'on veut permettre aux membres d'une même culture de vivre ensemble dans un ensemble plus vaste; que l'on se rappelle la violence de l'acculturation produite par la politique d'assimilation.Aussi pouvons-nous dire que le principe du respect ne peut être ni la pure et simple reconnaissance des différences sociales, culturelles ou physiques, ni non plus l'affirmation simple de l'identité universelle des hommes rassemblés dans un genre unique. Ces deux positions sont sources de danger; elles doivent donc être équilibrées. Comme elles sont chacune dotée d'une certaine nécessité, elles doivent être équilibrées l'une par l'autre. Il faut donc affirmer que le respect a pour principe à la fois l'affirmation de l'identité des hommes, c'est-à-dire leur commune appartenance à l'humanité, leur égale dignité humaine, et la reconnaissance de leur différence de fait d'ordre culturel, social ou physique (couleur de peau, coutumes, langues, classes sociales, etc ...).Du même coup nous voyons une solution aux apories de l'universalisme et du droit à la différence.

Si l’amitié désigne cette relation fusionnelle qui fait dire à Montaigne dans les Essais, Livre 28, livre 1 : « En l’amitié nos âmes se mêlent et se confondent l’une l’autre d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent la couture qui les a jointe. Si l’on me presse de dire pourquoi je l’aimais je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant parce que c’était lui parce que c’était moi «. Ici autrui apparaît comme un prolongement de moi-même. Pour autant  autrui en tant qu’homme apparaît sous des figures opposés et contradictoires, il est certes l’ami mais il est aussi le voisin, l’étranger.

L’étranger est la figure antinomique de l’ami, puisqu’il est celui qui intrinsèquement autre, il est inassimilable. Avec lui, il semble que je ne puis avoir de dialogue, je ne puis réellement sympathiser avec lui ou le comprendre. Comment respecter autrui indifféremment de la place qu’il occupe dans notre existence, sans tomber dans ni l’assimilation qui nie toute identité propre à autrui, ni dans l’incompréhension voire l’irrespect qui dénigre totalement autrui ?

Tout homme en tant qu’il appartient au genre humain n’a-t-il pas une proximité voire une similitude qu’il partage avec tout les hommes et donc avec moi ? Mais alors tout homme n’est-il pas mon alter ego ? Cependant peut-on ramener tous les hommes à cette égalité, cette identité qui interdit de voir tout autre comme radicalement autre ? Respecter autrui n’est-ce pas avant tout de ne pas le ramener à de l’assimilable ?

 

« l'essence du respect, nous respectons en l'autre l'être semblable en tant que nous respectons la dignité humaine oul'humanité, qui est le prédicat commun et universel qui me définit comme homme de même qu'il définit l'autre commehomme.

Cependant il y a une difficulté essentielle.

Quels sont les critères qui permettent de définir l'humanité? Sonconcept n'est pas d'une parfaite stabilité.

La violence historique et sociale essaye habituellement de se justifier àses propres yeux en posant que le respect n'est pas dû à ce qui n'est pas humain: il suffit de dire que tels hommesn'en sont pas c'est-à-dire de déterminer des critères suffisamment restrictifs pour exclure tels ou tels hommes del'humanité.

Kant définissait l'humain par le caractère d'être raisonnable: tout homme est un être doué de raison.Faut-il alors exclure de l'humanité ceux dont la raison paraît affectée? ou faut-il comme Hegel, à la suite de Pinel"l'aliéniste" français, le prescrit (Encyclopédie des sciences philosophiques, Philosophie de l'esprit, addition au § 408)continuer de considérer les fous comme des êtres éthiques souffrant de contradiction entre leur subjectivité etl'objectivité et les faire vivre, comme le faisaient les arabes de la période abbasside (VIIe au XIIe siècle) pour leurpropre "fous", dans des jardins où on leur faisait écouter de la musique? L'enfant est-il un être raisonnable? Qu'est-ce que nous appelons être doué de raison? Si l'on nommait raisonnable tous ceux qui pensent qu'on doit écarteravec ou sans violence des hommes qui ont une autre religion, une autre couleur de peau, une autre façon de vivre,alors le respect et la rationalité autoriserait toute violence à l'égard de ces derniers.

Si l'on renonce à la définitionkantienne, il faut de toute façon déterminer la dignité humaine.

Qu'est-ce qui la définit? Est-ce l'identité propre,c'est-à-dire ce qui différencie de tout autre, autrement dit la différence? Est-ce l'appartenance à une communautédont il faut alors définir les limites? Mais l'identité commune n'est-elle pas soumise au risque d'être vide si l'on veut larendre valable dans toutes les cultures? D'un autre côté, si on la précise trop, ne risque-t-on pas de faire du typed'homme qui s'est historiquement imposé (le plus souvent par la violence) aux autres communautés, le référent pourla détermination de l'humain, justifiant ainsi par le fait ce que l'on présente comme une justification de droit? D'autrepart si l'on prend pour principe de la détermination de l'humain non pas des communautés culturelles, dont ladescription et la catégorisation impliquait en soi déjà un processus de nivellement et d'uniformisation, mais descomportements, à partir de quoi va-t-on déterminer le critère qui permet de distinguer des comportementsproprement humain de ceux qui ne le sont pas? Ainsi, bien que nous ayons déterminé l'essence du respect, le problème du critère se pose, qui définit l'humanité oula qualité humaine. Comment définir le concept de l'humanité, le concept de ce qui est humain en l'homme? Dire que les hommes ontune égale dignité suffit à fonder un respect d'autrui égal à celui auquel chacun prétend pour lui-même.Théoriquement cette égalité suppose une identité.

En effet l'attribution pratique -dans l'action- de la dignitésuppose la reconnaissance préalable de l'appartenance de l'autre à la même espèce humaine.

Or précisément l'unitéde l'espèce humaine n'est pas une évidence immédiate.

La définition de l'homme est indissociable de la prise encompte de capacité et de comportements qui dans les faits varient selon les cultures.

Ainsi chaque cultureconstitue sa propre définition de l'homme, définition valable dans le groupe et pour le groupe (tribal, ethnique,social, national, religieux...).

On ne voit pas comment il pourrait en être autrement: toute détermination de l'hommeest faite dans un milieu culturel précis et a pour but la cohésion du groupe.

Mais du même coup les différences dansla manière dont les individus ou les groupes sociaux remplissent le programme valorisé et tenu pour caractéristiquede l'être humain, conduisent à considérer les hommes comme plus ou moins humains, donc à exclure certains, tropdifférents, du champ de l'humanité.

Le concept de l'humanité, quand il est formulé, à partir d'une culturedéterminée, risque d'être ethnocentrique, et ainsi ne répond plus à l'exigence d'universalité que nous avons reconnuappartenir de droit au concept du respect.

Concrètement, ce problème se manifeste dans la rencontre avec deshommes venant de cultures très différentes de la nôtre.

Que l'on pense à l'ethnocentrisme des cultures européennesconsidérant les autres continents comme peuplés de sauvages tout juste bon à recevoir quelques élémentsd'éducation occidentale; prosélytisme, conversion des païens, colonialisme (politique d'abord puis économique aprèsque l'indépendance a été accordé, ce qu'on appelle le "néocolonialisme") ont toujours eu au moins pour alibil'élévation des peuplades barbares à la civilisation hautement élevée de l'Occident; avec le succès que l'on sait(massacres collectifs, génocides organisés et systématiques, esclavage, guerres, destruction des cultures et desoeuvres, pillages...).

Que l'on pense à la difficulté que nous avons dans la vie quotidienne d'avoir des relations richeset directes avec des individus vivant dans un autre monde culturel que le monde occidental.

Ainsi la position d'ununiversel humain strictement défini par l'identité donne au respect ou bien un principe trop vague parce que vide,indéterminé, et donc inutilisable dans la pratique, dans la détermination de l'action concrète; ou bien un principeplus déterminé mais qui conduit à une ségrégation, à un rejet hors de l'humanité, de ceux qui n'entrent pas dans leslimites du concept défini.

Le concept de dignité humaine fondée sur la seule reconnaissance de l'identité ne peutfournir de principe au respect sans faire contradiction avec l'universalité requise; puisque cette prétendue identitéest en fait une généralisation d'un point de vue particulier. A cette difficulté les partisans classiques de l'universalisme éthique ont tenté une réponse.

Kant estimait possible dedéfinir des "traits descriptifs fondamentaux du caractère de l'espèce humaine" (Anthropologie du point de vuepragmatique, partie II: "L'homme est destiné par sa raison à être en une forme de société avec d'autres hommes età se cultiver, à se civiliser et à se moraliser dans cette société par l'art et par les sciences; si grand que soit sonpenchant animal à se livrer passivement aux incitations du confort et du bien-vivre qu'il appelle félicité, sa raison ledestine à l'inverse à se rendre digne de l'humanité de manière agissante, en combattant les entraves dont le chargela grossièreté de sa nature").

Ces traits se caractérisent en une formule célèbre: "l'insociable sociabilité de l'homme"c'est-à-dire leur tendance à entrer en société, tendance cependant liée à une constante résistance à le faire, quimenace sans cesse de scinder cette société.

Par cette tendance à s'isoler, l'homme lutte, travaille fait des effortsdans la société afin de s'y faire une place et contribue ainsi au développement culturel de l'espèce toute entière qui. »

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