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HEGEL: Réalité du droit, rationalité de la philosophie

Publié le 22/02/2012

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Aussi faut-il considérer que ç'a été un bonheur pour la science (d'ailleurs en réalité cela était conforme à la nécessité des choses), que cette philosophie, qui aurait pu se développer en elle-même comme une doctrine scolaire, se soit mise dans un rapport plus étroit avec la réalité; dans celle-ci, les principes du droit et du devoir deviennent quelque chose de sérieux, et la lumière de la conscience y règne. Dès lors la rupture ne pouvait manquer d'être manifeste. C'est à propos de cette situation de la philosophie par rapport à la réalité que les erreurs se produisent et j'en reviens à ce que j'ai remarqué précédemment, que, précisément parce que la philosophie est le fondement du rationnel, elle est l'intelligence du présent et du réel et non la construction d'un au-delà qui se trouverait Dieu sait où, ou plutôt, on sait bien où il se trouve; il est dans l'erreur, dans les raisonnements partiels et vides. Au cours de cet ouvrage, j'ai indiqué que la République de Platon elle-même, qui est l'image proverbiale d'un idéal vide, ne saisit essentiellement rien d'autre que la nature de la moralité grecque. Il a eu conscience d'un principe plus profond qui faisait brèche dans cette moralité, mais qui, à ce degré, ne pouvait être qu'une aspiration insatisfaite et par suite ne pouvait apparaître que comme un principe de corruption. Platon, ému par cette aspiration, a cherché une ressource contre cela, mais comme le secours n'aurait pu que descendre d'en haut, il ne pouvait le chercher d'abord que dans une forme extérieure particulière de cette moralité, croyant ainsi se rendre maître de la corruption et ne réussissant qu'à blesser intimement ce qu'il y avait là de plus profond : la personnalité libre infinie. Pourtant, il a prouvé qu'il était un grand esprit parce que précisément le principe autour duquel tourne ce qu'il y a de décisif dans son idée est le pivot autour duquel a tourné la révolution mondiale qui se préparait alors Ce qui est rationnel est réel et ce qui est réel est rationnel. Principes de la philosophie du droit (1821). Préface.
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« paragraphe les mésaventures de philosophes croyant pouvoir traiter de tout sans jamais rencontrer de réalité, sous forme de résistance des principes; à leuraveuglement s'oppose la lumière de la conscience qui règne, non dans les seuls droits et devoirs, mais dans laréalité qu'ils rencontrent malgré eux, en tentant de sortir du cercle seulement scolaire.

Cherchant le monde, ilsne trouvent pas la mondanité, mais le sérieux de l'histoire.

L'épilogue, c'est que la rupture se manifeste, et nepouvait s'éviter : la formule appelle un effort d'interprétation.

Hegel n'écrit pas qu'il « se produit une rupture »,mais que la rupture (donc préexistante) ne peut plus manquer de se manifester : de quoi s'agit-il ? La suite indique le point de rupture : il concerne la manière dont la mauvaise philosophie, la doxologie, serapporte à la réalité.

Mais la solution vient d'un troisième terme que Hegel introduit comme médiation : lerationnel. On comprend alors qu'il ne cherche pas à régler des comptes avec ses collègues contemporains, mais veutillustrer l'impasse de toute conception de la philosophie comme discours inopérant, parallèle au cours deschoses, ne le modifiant ni n'en étant modifié.

Ce qui arrive aux agnostiques en matière de philosophie est alorsrévélateur : croyant se préserver de ['erreur en suspendant leur jugement, ils détachent la philosophie de larationalité; mais à leur insu, ils se retrouvent bien dans l'erreur, c'est-à-dire dans l'a fausseté du jugementporté sur la réalité.

La cause en est que la réalité n'est pas étrangère à la rationalité, mais que l'une est la clédécisive pour l'intelligence de l'autre, à cause d'une commune nature dont on a l'indice, sinon la cause,précisément dans de telles mésaventures.

On croit parler sans conséquence, on se fourvoie en fait dans leprésent, dans l'appréciation du présent historique. Si bien que les relations qu'entretiennent la philosophie et le présent historique, souvent considérées commenulles et insignifiantes quand on prend inconsidérément l'exercice de la pensée pour une fuite du temps et de laréalité, renvoient au contraire à l'intelligence de la structure même de la réalité dont la philosophie apparaîtalors comme la seule saisie authentique.

C'est ce que la suite du texte cherche à établir. 3.

Il faut revenir à une phrase du texte qui précède : la philosophie.., n'est pas la construction d'un au-delà qui se trouverait Dieu sait où. C'est bien en réponse à cette objection qu'il se fait à lui-même pour y répondre que Hegel a précisé sondiagnostic sur la doxologie : elle est bien dans l'erreur, non dans la neutralité.

Il n'y a pas d'utopie, lieu sanslieu ou pensée sans historicité, il n'y a que le rapport à la vérité. Le problème qui se pose est alors celui de l'idéalisme, cette composante universelle de toute vraie philosophie,de celle de Hegel même. Il faut se garder d'assimiler la conception hégélienne du platonisme, dont il développe ici un aspect, à unecritique de l'irréalisme philosophique, comme celle qui occupe la première partie.

Le seul point commun, c'estd'illustrer la relation nécessaire de la raison à la réalité historique donnée.

La différence tient à ce que Platon, grand esprit, aperçoit dans la réalité grecque de son temps la tension entre une moralitécommune et un principe supérieur qui la menace; mais Hegel s'en prend à la solution platonicienne :paradoxalement, elle accorde trop peu au rationnel et trop à la réalité, puisqu'il cherche dans une formeextérieure de cette moralité ce qui en fait la dépasse et l'englobe : la personnalité libre infinie.

Il faut rejeter latentation de considérer comme une critique de Hegel envers Platon la formule initiale : la République de Platon elle-même, qui est l'image proverbiale d'un idéal vide, ne saisit essentiellement rien d'autre que la nature de lamoralité grecque.

On peut comprendre à la lecture de ce qui suit que Hegel considère bien le platonismecomme une saisie philosophique de l'essence de la moralité grecque, c'est-à-dire de son présent, la réalitéhistorique de son temps. La relative faiblesse de cette saisie, c'est de rester enfermée dans l'époque sans comprendre que le principe decorruption qui s'y manifeste au présent est gros d'une révolution, étant la part de la réalité grecque qui endépasse les limites historiques et la fait passer du fini à l'infini : la Grèce platonicienne est travaillée par l'Esprit,même si elle prend les aspirations profondes du temps pour une corruption ou un désordre. On ne peut comprendre ce débat philosophique entre le platonisme historique et sa reprise hégélienne sansidentifier le problème ici abordé allusivement; il n'est pas difficile de mettre un nom sous le principe decorruption : c'est Socrate, accusé de corrompre la jeunesse, en réalité soucieux d'éveiller tous les esprits à lalibre recherche du vrai, sans égard pour les idoles du temps (les moeurs).

C'est sa manière de manifester leprincipe de la personnalité libre infinie dans un cadre historique trop étroit pour lui; il est plus délicat d'établiren quoi Platon est coupable d'avoir blessé intimement ce principe en cherchant une ressource contrel'insatisfaction de cette aspiration infinie dans une forme extérieure particulière de la moralité grecque. Puisque Hegel renvoie explicitement dans ce texte à son propre ouvrage qu'il préface, on signalera que laquestion est reprise et développée au paragraphe 185, troisième partie : « La moralité objective ».

Ensupprimant le particulier et ses biens et propriétés dans sa République idéale, Platon aurait méconnu le contenuspirituel infini de la personnalité, réservant au monde romain mais surtout au christianisme germanique ledéveloppement du principe dans le droit.

Par forme extérieure particulière, il faudrait alors entendre : la. »

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