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Kant, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, §§ 74, 80, 81

Publié le 20/03/2015

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kant

Celui qui va en colère vous trouver dans votre chambre pour vous dire des gros mots dans son emportement, engagez-le poliment à s'asseoir ; si cela réussit, ses injures seront déjà moins violentes, parce que la commodité d'être assis est une absence de tension musculaire qui va mal avec des gestes menaçants et les cris de l'homme dressé.

 

La passion, au contraire, se donne du temps, si violente qu'elle puisse être, pour atteindre sa fin ; elle est réfléchie.

 

L'émotion agit comme une eau qui rompt sa digue ; la passion comme un torrent qui se creuse un lit de plus en plus profond [...].

 

L'émotion ne porte qu'une atteinte momentanée à la liberté et à l'empire sur soi.

 

C'est pourquoi la passion constitue une atteinte à la liberté et à l'empire sur soi beaucoup plus profonde que l'émotion.

 

L'émotion est accompagnée de réactions corporelles plus ou moins marquées : tremblements, rires nerveux et, dans le cas de la colère, une tendance à frapper.

 

La haine ne s'oublie pas du jour au lendemain.

 

Elle est, contrairement à la colère, lourde d'arrière-pensées et calcule, avec un sang-froid qui fait r frémir, les moyens d'atteindre son but.

 

L'homme en proie à la haine trouve toujours plus de raisons d'haïr son ennemi, l'amoureux d'aimer sa belle, le jaloux de suspecter sa compagne --- qu'on pense à Othello...

 

Les passions

« Ce que l'émotion de la colère ne fait pas dans le moment de l'exaspération, elle ne le fait pas du tout ; de plus, elle s'oublie aisément. Mais la passion de la haine prend son temps pour s'enraciner profondément et pour penser à son ennemi [...1. Celui qui va en colère vous trouver dans votre chambre pour vous dire des gros mots dans son emportement, engagez-le poliment à s'asseoir ; si cela réussit, ses injures seront déjà moins violentes, parce que la commodité d'être assis est une absence de tension musculaire qui va mal avec des gestes menaçants et les cris de l'homme dressé. La passion, au contraire, se donne du temps, si violente qu'elle puisse être, pour atteindre sa fin ; elle est réfléchie. L'émotion agit comme une eau qui rompt sa digue ; la passion comme un torrent qui se creuse un lit de plus en plus profond [...].

Où il y a beaucoup d'émotion, il y a généralement peu de passion [...].

On voit facilement que les passions, justement parce qu'elles peuvent se concilier avec la réflexion la plus tranquille, portent une grande atteinte à la liberté, et que, si l'émotion est une ivresse, la passion est une maladie qui résiste à tous les moyens thérapeutiques [...]. L'émotion ne porte qu'une atteinte momentanée à la liberté et à l'empire sur soi. La passion en est l'abandon et trouve son contentement dans le sentiment de la servitude. «

Kant, Anthropologie d'un point de vue pragmatique, §§ 74, 80, 81,

kant

« Textes commentés 45 Kant distingue ici entre passion et émotion.

Celle-ci est éphémère et : irréfléchie, celle-là, durable et réfléchie.

C'est pourquoi la passion• constitue une atteinte à la liberté et à l'empire sur soi beaucoup plus • profonde que l'émotion.

Il peut être bon de considérer cette déduction .

comme un paradoxe.

Pour quelles raisons, en effet, Kant, alors qu'il • admet l'alliance de la plus froide réflexion et de la passion, prétend-il que 1 celle-ci est plus préjudiciable à la maîtrise de soi que l'émotion qui ; 1 déroute notre raison ? · : L'émotion est soudaine et, parce qu'elle est imprévisible, l'homme qui en est la victime perd subitement tout empire sur lui-même ; il est « hors de lui ».

La colère fournit ici un excellent exemple, mais il serait également possible d'évoquer la frayeur.

L'émotion est accompagnée de réactions I corporelles plus ou moins marquées : tremblements, rires nerveux et, : dans le cas de la colère, une tendance à frapper.

Certains philosophes, comme William James, se sont d'ailleurs demandés si ces réactions n'étaient pas la cause véritable de l'émotion.

Si, en effet, nous essayons de nous représenter un homme en colère sans les phénomènes corporels qui accompagnent cette émotion, nous imaginons un homme qui juge, sans s'émouvoir un seul instant, opportun de frapper qui l'a offensé.

Autrement dit, cet homme, qui n'a pas du tout perdu le contrôle de lui- ' même, joue la colère mais ne l'éprouve pas vraiment.

On comprend alors l la sagesse du conseil de Kant : ôter à l'émotion son cortège de corrélats corporels, c'est réduire aussitôt son intensité.

L'homme en colère qui accepte de s'asseoir se calme sans délais.

Un tel remède n'a malheureusement aucune efficacité sur les passions.

La haine ne s'oublie pas du jour au lendemain.

Elle est, contrairement à la colère, lourde d'arrière-pensées et calcule, avec un sang-froid qui fait frémir, les moyens d'atteindre son but.

Dès lors, on comprend que l'aliénation passionnelle soit beaucoup plus grave que l'égarement émotionnel.

La passion se sert de la raison, l'enrôle [ à son service.

Croyant disposer d'une certitude qu'il ne veut pas remettre .

1 en doute, l'homme passionné use de sa raison pour justifier sa passion.

i 1 L'homme en proie à la haine trouve toujours plus de raisons d'haïr son 1 ennemi, l'amoureux d'aimer sa belle, le jaloux de suspecter sa compagne [ - qu'on pense à Othello ...

Leur servitude est totale car si la raison est 1 1 momentanément déroutée par l'émotion, elle est durablement dévoyée par la passion.

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