KANT: Bonheur et despotisme
Publié le 02/05/2005
Extrait du document

Ce texte comporte deux parties :
• de la ligne 1 à la ligne 7 : Kant affirme d'emblée que le bonheur est une affaire privée. La seule limite : respecter la liberté d'autrui.
• de la ligne 7 à la fin : un gouvernement qui se charge de dicter au peuple quel est son bonheur, tue la liberté. Ce gouvernement est despotique, d'autant plus tyrannique s'il est paternaliste.
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3 ) Le rôle du gouvernement est-il seulement de garantir la liberté ?
Pour que l'Etat soit conforme à ce qu'il doit être, pour qu'il soit légitime, on exige de lui qu'il respecte les droits del'homme, c'est-à-dire qu'il garantisse aux individus certains droits ou certaines libertés.
Mais, si l'Etat se bornait àgarantir ces libertés ou droits, il se réduirait à quelques institutions comme la police et la justice.
Or, il ne semblepas que ces institutions soient à elles seules capables de fonder la légitimité de l'Etat : précisément, legouvernement, c'est-à-dire l'exécutif, est une des institutions fondamentales de l'Etat.
Mais, si tel est le cas, alors ilfaut reconnaître que pour être légitime, l'Etat ne doit pas seulement garantir les libertés, mais tout au contraire leslimiter, les orienter, les gouverner afin de contraindre les individus à se conduire en vue de réaliser des butspolitiques, des buts qui sont appelés d'intérêt général.
Mais alors, quel est au juste le rôle de l'Etat : garantir les libertés individuelles ou les soumettre à la poursuite defins politiques?
Avec Kant, nous pouvons soutenir que le rôle du gouvernement ou de l'Etat est bien de garantir les libertésindividuelles sous peine de cesser d'être acceptable par les individus.
Pourquoi? Pour deux raisons.
D'abord parceque comme le dit Kant, les individus ont besoin de libertés pour pouvoir être heureux, même si ces libertés doiventnécessairement être limitées.
On ne peut pas en effet en avoir qui pourraient porter préjudice aux autres et quipermettraient aux autres de me nuire.
Mais aussi, indépendamment du bonheur, parce qu'il appartient à l'homme dedisposer d'un certains nombre de droits dont il ne peut être privé sans être nié en tant qu'homme, à savoir les droitsqui se trouvent exposés dans la déclaration universelle des droits de l'homme.
Ce n'est plus ici une question debonheur, mais de dignité et d'humanité.
C'est du reste avec ce critère du respect des droits de l'homme que nous apprécions le caractère libéral ouoppresseur d'un Etat, d'un régime politique, donc sa légitimité.
Un Etat qui prive tout le monde de certains droitsjugés fondamentaux n'est pas tenu pour légitime.
On estime qu'il ne remplit pas sa fonction comme il le devrait.
Mais peut-on en rester là? Suffit-il pour dire d'un Etat qu'il est légitime qu'il respecte et fasse respecter les libertésindividuelles? Il semble que non parce que si tel était le cas, l'Etat devrait par exemple laisser librement sedévelopper toutes les inégalités, devrait ne jamais s'occuper de la santé, de la scolarisation, de la formation, de lasituation économique … des individus sur lesquels il étend son pouvoir et qui par ailleurs forment ensemble unesociété, qui à l'occasion est une nation ou une communauté, dont il faut ménager la cohésion.
Cela serait contraireau but même que se donne l'Etat en garantissant les libertés : si en effet il les garantit pour que les individuspuissent être heureux et vivre dignement, comment pourraient-ils être heureux et dignes si par ailleurs certainsd'entre eux sont misérables, exclus, sans formation, sans accès à l'emploi et à la culture? Or, qu'est-ce qui est àl'origine de tout cela sinon les libertés individuelles? Elles contredisent donc ce qu'elles étaient sensées rendrepossible.
Qu'est-ce que cela signifie? Que l'Etat doit aussi non pas seulement limiter les libertés mais encore lesgouverner, c'est-à-dire inviter ou obliger les individus à adopter des comportements qui permettent de garantir àtous les conditions d'un bonheur et d'une dignité réels.
Il faut donc soutenir, contre ce que soutient Kant, que l'Etat ne peut tirer sa légitimité de cela seul qu'il garantit leslibertés individuelles sous la forme de droits.
Au contraire, il n'est légitime que s'il fait faire aux individus ce qui doitêtre fait pour que les conditions du bonheur et de la dignité individuels soient remplies.
Mais qu'est-ce que celasignifie? Que l'Etat doit faire poursuivre par les individus des fins qu'on appelle d'intérêt général, c'est-à-dire desobjectifs dont la réalisation est dans l'intérêt de tous donc de chacun.
Assurer l'instruction de tous les individus,créer des mécanismes de redistribution des richesses destinés à limiter les inégalités sociales et donc à garantir lacohésion sociale, mais aussi construire et entretenir des voies de circulation, etc.
… autant d'exemples de finsd'intérêt général.
Or, poursuivre ce type de fin n'est possible que si les individus, qui en bénéficieront finalement,acceptent de faire certains sacrifices ou de renoncer à certains droits.
On ne pourra pas par exemple financer tel outel projet d'intérêt général si les individus ne versent pas une partie de leurs revenus à l'Etat sous la forme d'impôts,donc sans qu'ils renoncent à une partie de leur pouvoir d'achat.
Et c'est pourquoi l'Etat ne peut pas ne pascontraindre à le faire tous ceux qui veulent bien profiter des fins d'intérêt général sans participer à leur réalisation.En somme, l'Etat ne peut pas, pour être légitime, ne pas contraindre les individus, les obliger à faire certaineschoses et cela de telle sorte qu'au lieu de garantir leurs libertés, il les limite et même en détermine l'usage, indiquece qu'il faut en faire pour assurer à tous les conditions du bonheur de chacun.
Mais soutenir que l'Etat doit assurer la poursuite de fins d'intérêt général pour garantir non pas seulement le droit aubonheur et à la dignité, mais leur possibilité effective, n'est-ce pas s'exposer à la critique de Kant? N'est-ce pasvouloir un Etat paternaliste qui détermine pour les individus ce que doit être leur bonheur et par quels moyens ondoit y parvenir, au mépris de ce que désirent spontanément les individus? Je pourrais trouver telle ou telle fin dited'intérêt général discutable, vaine, trop coûteuse… Je pourrais ne pas vouloir qu'on assure malgré moi les conditionsde mon bonheur et me penser assez avisé et assez doué pour y pourvoir seul..
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