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Kant, idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique, 4ème proposition

Publié le 05/05/2005

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kant
Le moyen dont se sert la nature pour mener à bien le développement de toutes ses dispositions est leur « antagonisme » dans la Société, pour autant que celui-ci se révèle être cependant en fin de compte la cause d'un ordre légal de celle-ci. J'entends ici par antagonisme l'insociable sociabilité des hommes, c'est-à-dire leur tendance à entrer en société, tendance cependant liée à une constante résistance à le faire qui menace sans cesse de scinder cette société. Cette disposition réside manifestement dans la nature humaine. L'homme possède une inclination à s'associer, car dans un tel état il se sent plus homme, c'est-à-dire ressent le développement de ses dispositions naturelles. Mais il a aussi une forte tendance à se singulariser (s'isoler), car il rencontre en même temps en lui-même ce caractère insociable qu'il a de vouloir tout diriger seulement selon son point de vue ; par suite, il s'attend à des résistances de toute part, de même qu'il se sait lui-même enclin de son côté à résister aux autres. Or, c'est cette résistance qui éveille toutes les forces de l'homme, qui le conduit à surmonter sa tendance à la paresse et, sous l'impulsion de l'ambition, de la soif de domination ou de la cupidité, à se tailler un rang parmi ses compagnons qu'il supporte peu volontiers, mais dont il ne peut pourtant pas non plus se passer. Or c'est précisément là que s'effectuent véritablement les premiers pas qui mènent de l'état brut à la culture, laquelle réside au fond dans la valeur sociale de l'homme. [...] Sans ces qualités, certes en elles-mêmes peu sympathiques, d'insociabilité, d'où provient la résistance que chacun doit nécessairement rencontrer dans ses prétentions égoïstes, tous les talents resteraient à jamais enfouis dans leurs germes au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans un amour mutuel, une frugalité et une concorde parfaites : les hommes, doux comme les agneaux qu'ils font paître, n'accorderaient guère plus de valeur à leur existence que n'en a leur bétail. [...] Que la nature soit donc remerciée pour ce caractère peu accommodant, pour cette vanité qui rivalise jalousement, pour ce désir insatiable de posséder ou même de dominer. KANT
Ce texte est extrait que la quatrième proposition de l’Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique de Kant datant de 1784. Dans cet opuscule Kant développe l’une des premières grandes théories de l’histoire où il s’agit de dépasser le simple statut de l’individu en vue de définir des régularités remarquables pouvant nous montrer un but de l’histoire ou une orientation. Or c’est bien ce qu’indique le titre avec le terme d’Idée qui chez Kant a un usage régulateur depuis la Critique de la raison pure de 1781. Dans les trois précédentes propositions Kant a montré que toutes les dispositions naturelles d'une créature sont destinées à se développer un jour complètement et en raison d'une fin, que chez l'homme (en tant qu'il est la seule créature raisonnable sur terre), les dispositions naturelles, dont la destination est l'usage de la raison, devaient se développer seulement dans l'espèce, pas dans l'individu ; enfin, la nature a voulu que l'homme tire entièrement de lui-même ce qui va au-delà de l'agencement mécanique de son existence animale, et qu'il ne participe à aucune autre félicité ou à aucune autre perfection, que celles qu'il s'est procurées lui-même par la raison, en tant qu'affranchi de l'instinct. Ainsi, pense-t-on souvent que la société a pour but de limiter ou de corriger les inclinations sensibles et les désirs passionnels des individus. Mais on oublie que ces inclinations sont à l'origine de l'association des hommes entre eux. L'homme est naturellement tenté de s'isoler, de cultiver sa propre singularité, d'être égoïste. Comment comprendre alors le double statut qui habite l’homme c’est-à-dire à la fois cette volonté de vivre ensemble et de s’isoler ? C’est bien ce que tente de faire ici Kant comme nous pouvoir le voir à travers trois moments : la ruse de la raison et l’insociable sociabilité (du début du texte à « Cette disposition réside manifestement dans la nature humaine. «), la nature de l’homme paradoxal (de « L'homme possède une inclination à s'associer « à « laquelle réside au fond dans la valeur sociale de l'homme. «) enfin, la valeur, la nécessité et la possibilité d’une perfection (« Sans ces qualités, certes en elles-mêmes peu sympathiques, d'insociabilité « à « cette vanité qui rivalise jalousement, pour ce désir insatiable de posséder ou même de dominer «).


kant

« resteraient à jamais enfouis dans leurs germes au milieu d'une existence de bergers d'Arcadie, dans un amourmutuel, une frugalité et une concorde parfaites : les hommes, doux comme les agneaux qu'ils font paître,n'accorderaient guère plus de valeur à leur existence que n'en a leur bétail.

[...] Que la nature soit donc remerciéepour ce caractère peu accommodant, pour cette vanité qui rivalise jalousement, pour ce désir insatiable deposséder ou même de dominer. » Introduction : Ce texte est extrait que la quatrième proposition de l'Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique de Kant datant de 1784.

Dans cet opuscule Kant développe l'une des premières grandes théories de l'histoire où il s'agit de dépasser le simple statut de l'individu en vue de définir des régularités remarquables pouvantnous montrer un but de l'histoire ou une orientation.

Or c'est bien ce qu'indique le titre avec le terme d'Idée qui chezKant a un usage régulateur depuis la Critique de la raison pure de 1781.

Dans les trois précédentes propositions Kant a montré que toutes les dispositions naturelles d'une créature sont destinées à se développer un jourcomplètement et en raison d'une fin, que chez l'homme (en tant qu'il est la seule créature raisonnable sur terre), lesdispositions naturelles, dont la destination est l'usage de la raison, devaient se développer seulement dans l'espèce,pas dans l'individu ; enfin, la nature a voulu que l'homme tire entièrement de lui-même ce qui va au-delà del'agencement mécanique de son existence animale, et qu'il ne participe à aucune autre félicité ou à aucune autreperfection, que celles qu'il s'est procurées lui-même par la raison, en tant qu'affranchi de l'instinct.

Ainsi, pense-t-onsouvent que la société a pour but de limiter ou de corriger les inclinations sensibles et les désirs passionnels desindividus.

Mais on oublie que ces inclinations sont à l'origine de l'association des hommes entre eux.

L'homme estnaturellement tenté de s'isoler, de cultiver sa propre singularité, d'être égoïste.

Comment comprendre alors le doublestatut qui habite l'homme c'est-à-dire à la fois cette volonté de vivre ensemble et de s'isoler ? C'est bien ce quetente de faire ici Kant comme nous pouvoir le voir à travers trois moments : la ruse de la raison et l'insociablesociabilité (du début du texte à « Cette disposition réside manifestement dans la nature humaine.

»), la nature del'homme paradoxal (de « L'homme possède une inclination à s'associer » à « laquelle réside au fond dans la valeursociale de l'homme.

») enfin, la valeur, la nécessité et la possibilité d'une perfection (« Sans ces qualités, certes enelles-mêmes peu sympathiques, d'insociabilité » à « cette vanité qui rivalise jalousement, pour ce désir insatiable deposséder ou même de dominer »). I – La Ruse de la nature a) Dès l'abord de ce texte, on peut voir le rôle de la nature, c'est-à-dire un rôle actif.

La nature n'est passimplement le donné dans lequel l'homme s'inscrit mais bien un acteur de l'histoire.

En effet, la nature use demoyens, et plus exactement d'un moyen qui est l'antagonisme des hommes dans la société.

Dire que la nature used'un moyen et d'un seul c'est dire que la nature use de raison ou plus exactement développe une économie de sesmoyens en vue de la perfection de l'homme, de son entrée dans la société et la culture.

Il n'y a donc pas lieud'opposer la nature et la culture radicalement, puisque la nature veut la culture en tant qu'elle se développe au seind'une société dont la nature participe pleinement au développement.

C'est pourquoi les commentateurs de Kantaprès Eric Weil (dans Problèmes kantiens ) parleront d'une ruse de la nature ; à ne pas confondre avec la ruse de la raison hégélienne. b) Le moyen dont se sert la nature pour développer pleinement les capacités de l'homme, c'est-à-dire le contraindreà en user puisqu'il revient à l'homme de faire l'effort seul de se perfection et de développer toutes les capacités del'espèce bien qu'un seul individu ne puisse à lui tout seul maximiser les dispositions naturelles, est donc l'antagonismedans la société.

Plus simplement, il faut bien voir que l'homme ici se situe déjà dans le champ social et civil de lacité.

Il n'est pas seul dans la nature.

L'antagonisme vient de la liberté naturelle de l'homme, c'est-à-dire d'unecertaine manière de son égoïsme, de son penchant à vouloir tout pour lui, c'est-à-dire à promouvoir sonindividualité.

L'antagonisme né donc de l'opposition des instincts ou passions, c'est-à-dire des aspirations del'homme.

A première vue, il semblerait que l'antagonisme produise le désordre, c'est-à-dire le tumulte des passionsce qui reviendrait à une critique classique du désir comme fossoyeur du lien civil et annonce de la mort de la notionde chose publique.

Or justement, Kant innove ici en montrant que ce désordre apparaît du point de vue de l'individupermet en fait de produire un ordre dans la nature. c) En effet, le moyen dont se sert la nature repose sur le paradoxe de la nature humaine à savoir la volonté ou lanécessité de vivre en groupe afin de pallier ses besoins et la volonté d'indépendance et de liberté naturelle de sesderniers.

C'est en ce sens que Kant parle d'insociable sociabilité : paradoxe s'il en est mais paradoxe apparentfinalement.

L'ordre légal qui est ainsi crée c'est la cité, l'Etat, c'est-à-dire la constitution.

De ce point de vue, onpeut dire que la pensée kantienne fait référence à une lecture smithienne du « laisser-faire » et promeut en ce sensla liberté de l'individu.

L'homme est donc partagé entre deux tendances : s'unir et de dissocier.

Il s'agit bien ici d'uneconstance, c'est-à-dire d'une loi de la nature en l'homme. Transition : Ainsi la nature use-t-elle d'un moyen efficace et économique afin de pousser l'homme à se développer et àpleinement se cultivé en vue de la fin de sa nature c'est-à-dire de sa perfection.

Il n'y a pas lieu d'opposer la natureet la culture ni à saisir l'homme comme un paradoxe puisque ces deux tendances lui sont naturelles et qu'elles sontles deux faces d'une même pièces. II – L'homme paradoxal. »

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