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La conception pragmatiste de la vérité et ses conséquences métaphysiques ?

Publié le 04/04/2009

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Kant disait qu'en cherchant à répondre à la question: qu'est-ce que la vérité ? on risque, si l'on y prend pas garde, "de donner le ridicule spectacle de deux personnes dont l'une trait le bouc (comme disaient les Anciens) tandis que l'autre tient une passoire". Et en effet il n'est pas facile de préciser le sens exact de cette question puisque, comme les Sceptiques savaient déjà bien le faire remarquer, pour lui donner une réponse convenable, c'est-à-dire vraie, il faudrait être d'accord auparavant sur ce qu'est la vérité. De toute définition du vrai on peut se demander si elle est vraie, et ainsi tomber soit dans la régression à l'infini soit dans le diallèle dénoncés par les Sceptiques. D'une manière générale, il est admis que la vérité se définit par l'accord d'une connaissance avec son objet: mon idée est vraie lorsqu'elle est conforme à la réalité qu'elle prétend représenter. Toutefois cet accord et cette conformité peuvent être entendus de manières différentes, et c'est précisément par sa manière propre de les concevoir que se définit le pragmatisme.

  • I. LA THÈSE DE WILLIAM JAMES

- A - Origines de la conception pragmatiste.

La conception traditionnelle de la vérité consiste à définir le vrai par rapport à ce qui existe, à ce qui est. La vérité c'est l'adéquation de l'entendement et de l'objet. Le réel, c'est l'objet : l'être en tant qu'il existe en soi. indépendamment de notre pensée. La vérité n'est pas dans les choses mais dans l'esprit, c'est l'être rendu, devenu intelligible. La pensée se représente les choses telles qu'elles sont, ainsi que leurs rapports : la réalité lui apparaît comme un tout cohérent, organisé, que soutient une armature logique qui est la vérité même. Découvrir la vérité consiste précisément à découvrir et comprendre l'ordre de la réalité. Ainsi, pour Platon, il existe un ordre éternel des réalités véritables qui sont les Idées et la connaissance vraie n'est jamais que la contemplation de cet ordre. On le voit, dans cette conception, que l'on pourrait nommer «statique«. - c'est le mot qu'emploie W. James, - la vérité consiste dans une propriété intrinsèque de l'idée, qui lui appartient ou ne lui appartient pas une fois pour toutes.

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« vue».

Protagoras soutenait déjà que si on ne peut enseigner à l'homme la vérité, on peut du moins faire en sortequ'il ait les opinions qui lui sont le plus avantageuses.

Toute croyance est vraie pour celui à qui elle est utile ;chacun d'entre nous a ses croyances, sa vérité.

A côté de ces idées utiles à quelques-uns il y a des idées qui sontutiles à tous parce qu'elles satisfont des besoins qui sont communs à l'humanité tout entière, parce qu'ellesconstituent un avantage universel dans la lutte pour la vie et c'est pourquoi elles présentent un caractèred'objectivité apparente.

Il en est ainsi par exemple de la science: ses principes nous paraissent nécessaires parcequ'ils nous sont utiles, parce qu'ils nous sont devenus nécessaires ; la pratique est génératrice de la théorie,l'expérience d'utilité est seul critère de nos vérités.

Il en résulte qu'une idée est rendue vraie par les faits ;autrement dit qu'elle devient vraie parce qu'elle nous sert.

De quoi sommes-nous préoccupés ? Non de la vérité ensoi, mais de vérités qui à tel moment et dans telles conditions peuvent nous servir et qui n'ont pour caractèrecommun que d'être toutes des idées qui «paient».

« La vérité, affirme James, est une chose qui se fait, de mêmeque la santé, la richesse, au cours de notre expérience».

La vérité s'est donc faite peu à peu, grâce à desinventeurs, et comme le remarque Bergson dans sa Préface au Pragmatisme, si ces inventeurs n'avaient pas existéet s'il y en avait eu d'autres à leur place, nous aurions eu des vérités différentes.

La réalité fut évidemment restéece qu'elle est, ou à peu près, mais autres eussent été les routes que nous aurions tracées pour la commodité denotre circulation.

Il y a autant de vérités que de croyances individuelles, toute croyance utile à quelqu'un pour unefin quelconque est vraie pour ce quelqu'un et relativement à cette fin quelconque.

Ainsi, on le voit, au rationalismequi se faisait une conception statique et théorique de la vérité, le pragmatisme substitue une définition de la véritéqui insiste sur son caractère pratique et son devenir. II.

SES CONSÉQUENCES MÉTAPHYSIQUES On comprend dans ces conditions en quel sens Schiller et James ont pu dire du pragmatisme qu'il était unhumanisme.

Si l'on donne en effet au mot humanisme un sens étroit et qu'on entende par là une attitude consistantà envisager tous les problèmes du seul point de vue de l'homme, il est clair que les pragmatistes sont deshumanistes au même titre que Protagoras lorsqu'il disait que «l'homme est la mesure de toute chose ».

Et en fait ontrouve bien dans l'œuvre de James des formules qui font écho à la formule célèbre du sophiste grec, celle-ci parexemple : « Les vérités sont des produits humains ».

C'est cette perspective générale qui va inspirer les solutionsapportées par le pragmatisme aux grands problèmes de la métaphysique.

Nous nous contenterons d'examiner ici troisde ces problèmes, ceux sur lesquels James a le plus insisté, le problème de l'un et du multiple, le problème de Dieu,et le problème de la Liberté et de l'âme. - A - L'Un et le Multiple. En ce qui concerne l'Un et le Multiple, il ne s'agit pas de savoir si le monde est un, ou s'il est multiple, car on nepeut nier que d'une certaine manière il ne soit l'un et l'autre à la fois.

Ce qu'il faut savoir c'est dans quelleperspective il est convenable d'affirmer son unité et sa multiplicité.

Monisme et Pluralisme sont des attitudes quidoivent être envisagées essentiellement dans leurs conséquences pratiques.

Du point de vue pragmatiste le mondeest un, en ce sens que cette position ou supposition de l'unité du monde a une plus grande valeur pratique pourl'action; par exemple, il faut affirmer une certaine unité générique des choses : les choses existent et se distribuentpar genres.

Nous tenons pour vrai d'une chose ce qui est vrai du genre auquel elle appartient.

Cette unité génériqueest la plus importante parce que la plus utile: elle nous permet d'anticiper de l'avenir à l'aide de notre expériencepassée.

Imaginons en effet un univers composé de faits isolés, singuliers, uniques en leur genre; nous voyonsaussitôt qu'il n'y aurait plus pour l'homme ni d'action ni prévision possibles.

Voilà l'exemple le plus significatif del'intérêt qu'il y a à dire : « l'univers est un ».

Mais cette affirmation ne signifie nullement que l'un possède,théoriquement parlant, une supériorité quelconque sur le multiple: «dans le domaine de l'abstrait, en quoi «un» est-ilsupérieur à quarante-trois, à deux millions d'unités?».

Aussi bien d'ailleurs devons-nous envisager le monde dans sadiversité et sa multiplicité.

Comme le remarque encore Bergson dans son Introduction au Pragmatisme, notreexpérience n'est certes pas incohérente, elle nous découvre des parentés entre les choses et des rapports entre lesfaits, mais ces rapports sont flottants et les choses sont fluides, le réel est un flux de phénomènes multiples etmobiles.

Et c'est en ce sens, pour l'instant du moins, l'expérience s'avérant incapable de vérifier d'une manièresatisfaisante les hypothèses monistes, que la doctrine de James est un pluralisme; il reste de son propre aveu «danscet univers du sens commun où on voit les choses en partie unies, en partie séparées ». - B - L'existence de Dieu. Le pragmatisme, malgré son attachement pour les faits, refuse les tendances matérialistes qui animent l'empirismecourant.

Il ne s'oppose pas en effet à ce qu'on réalise des abstractions pourvu qu'elles permettent de se mouvoirdans la réalité et qu'elles nous mènent quelque part.

Le meilleur à croire, ce qui remplit le mieux l'office de nousguider dans la vie, - d'où le nom de «méliorisme» que l'on donne quelquefois à cette attitude, - voilà ce qui est vraipour nous.

C'est ainsi que, dans le domaine de la religion, James voit la grande supériorité du pragmatisme aussi biensur l'empirisme positiviste avec son parti pris contre la théologie que sur le rationalisme religieux avec sesconceptions transcendantes, dans le fait que le pragmatisme accepte tout.

Si les expériences mystiques peuventavoir des conséquences pratiques, il les acceptera.

Le pragmatisme ne saurait nier l'existence de Dieu « s'il constateque les conceptions théologiques ont une valeur pour la vie concrète»; elles sont vraies en ce sens qu'elles serontbonnes dans cette mesure, et pour lui la valeur qu'elles ont en dehors de cette mesure dépendra de leurs rapportsavec d'autres vérités qui ont également à se faire reconnaître comme telles.

Il convient de choisir entre le théismeet le matérialisme en fonction de son expérience personnelle.

Or, l'idée de Dieu a cette supériorité pratique de nousgarantir un ordre idéal dont rien ne pourra compromettre le règne permanent, dit James.

Nous sommes tenus. »

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