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La conscience d'être libre est-elle illusoire ?

Publié le 20/03/2005

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conscience

Je suis libre, et je le sais" peut se dire à propos d'une action et pas d'une autre ou, plus généralement, du comportement global. Libre dans mes pensées, libre dans mes actions : ces deux caractéristiques pourraient être d'ailleurs précisées à partir de la distinction du droit et du fait. Réduit en esclavage, et ne disposant d'aucun droit, "je n'en pense pas moins" : je persiste à me révolter intérieurement contre ce qui m'opprime, sauf si, de fait, la résignation a eu raison de mes pensées elles-mêmes. Conscient des contraintes extérieures, je le suis aussi de ma révolte, qui marque ma liberté intérieure. Dans une autre perspective, prenant la mesure de ce que je peux faire concrètement, car la force et la liberté de mouvement dont je dispose me le permettent, j'accède à la conscience d'être libre. La question posée est de savoir si une telle conscience peut, sans que cela implique contradiction avec ce qui la définit, être illusoire, c'est-à-dire relever d'une illusion. Qu'est-ce que l'illusion ? La tromperie propre à l'apparence qui, lorsqu'elle se donne à moi comme ce qui est réellement, m'abuse (latin : illudere, se jouer de). Se demander si la conscience d'être libre peut être illusoire, c'est donc s'interroger sur la portée et la validité de cette conscience : témoignage authentique d'une liberté réelle, ou faux semblant ? L'enjeu d'une telle interrogation est décisif pour l'action elle-même, et la conduite de l'existence : comment agir si l'on se sait d'emblée prisonnier d'une illusion alors même qu'on a la conscience interne d'être libre ?

Lorsque j'ai en moi la certitude d'être libre, lorsque j'ai conscience de cette liberté, est-il possible que je sois le jouet d'une illusion, d'une croyance qui se joue de moi à mon insu ?

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« Le rationalisme cartésien nous montre déjà qu'une volonté infiniment libre,mais privée de raison, est une volonté perdue.

Plus nous connaissons, plusnotre liberté est grandie et fortifiée.

Si nous développons notre connaissanceau point de saisir dans toute sa clarté l'enchaînement rationnel des causes etdes effets, nous saisirons d'autant mieux la nécessité qui fait que telle chosearrive et telle autre n'arrive pas, que tel phénomène se produit, alors que telautre ne viendra jamais à l'existence.

Pour Spinoza, une chose est libre quandelle existe par la seule nécessité de sa propre nature, et une chose estcontrainte quand elle est déterminée par une autre à exister et à agir.

Ausens absolu, seul Dieu est infiniment libre, puisqu'il a une connaissanceabsolue de la réalité, et qu'il la fait être et exister suivant sa proprenécessité.

Pour Spinoza et à la différence de Descartes, la liberté n'est pasdans un libre décret, mais dans une libre nécessité, celle qui nous fait agir enfonction de notre propre nature.

L'homme n'est pas un empire de liberté dansun empire de nécessité.

Il fait partie du monde, il dispose d'un corps,d'appétits et de passions par lesquelles la puissance de la Nature s'exerce ets'exprime en nous, tant pour sa propre conservation que pour la nôtre.

Biensouvent nous croyons être libres, alors que nous ne faisons qu'être mus, parl'existence de causes extérieures :la faim, la pulsion sexuelle, des goûts ou des passions qui proviennent de notre éducation, de notre passé, de notre culture.

Nul homme n'étant coupé du milieu dans lequel il vit et se trouveplongé, nous sommes nécessairement déterminés à agir en fonction de causes extérieures à notre propre nature."Telle est cette liberté humaine que tous les hommes se vantent d'avoir et qui consiste en cela seul que les hommessont conscients de leurs désirs, et ignorants des causes qui les déterminent." N'est-elle pas simplement impression, conviction spontanée qui pourrait tenir à l'illusion du moment ? Tout dépenddonc en fin de compte de l'acception que l'on retient du mot conscience : l'identifier à la croyance spontanée, c'estpeut-être lui ôter ce qui la spécifie en tant que conscience, à savoir un minimum de distance, de réflexivité.

Laconscience d'être libre implique cette réflexivité, ou si l'on veut le dépassement de la "conscience naturelle" vers la"conscience de soi", dans laquelle je suis attentif à ce qui se passe en moi, ou entre moi et le monde.

Par un teldédoublement réflexif, le monde cesse d'être simplement vécu, pour être soumis à une activité de réappropriation.Spinoza écrit : « libre la chose qui existe de par la seule nécessité de sa nature et n'est déterminée à agir que parelle-même seulement.

Nécessaire ou plutôt contrainte celle qui est déterminée par autre chose à exister et à opérerd'une certaine manière déterminée.

» (Définition 7 de l'Éthique).

En ce sens, l'homme, réalité particulière au sein d'untout, n'est pas pleinement libre.

Mais peut-être la culture, qui tend à l'émanciper du déterminisme naturel, pourrait-elle lui conférer cette liberté dont il ne dispose pas spontanément au sein de la nature.

Sur cette voie, laconscience réfléchie d'une liberté possible et non pas d'emblée en acte doit délivrer le sujet des illusions quis'attachent à sa situation particulière dans la mesure où celle-ci est au départ aveugle à ce qui la détermine.L'effort qu'accomplit l'homme vers une réalisation de soi plus parfaite implique pour lui une compréhension active dela nature, avec laquelle il s'agit de vivre harmonieusement.

La conduite raisonnable suppose que chaque homme seplace du point de vue de la Nature comme totalité, au lieu de subir en la place particulière qu'il occupe undéterminisme auquel il reste aveugle.

A cette condition, la conscience d'être libre n'a plus rien d'illusoire, ni en elle-même, ni dans la représentation qu'elle se donne, ni même dans la situation qui la fait naître.Ce n'est peut-être pas librement que je "choisis" la lessive Y plutôt que X, même si, du seul fait que les deux mesont proposées, je crois être libre.

Mais l'illusion n'affecte ici que la croyance, en tant qu'elle porte sur l'objet duchoix.

Le fait même de pouvoir choisir, éprouvé en tant que tel, est évalué par une conscience réflexive qui enexplicite les implications comme un facteur de liberté, s'il s'assortit d'une connaissance de la situation dont ilprocède, et des véritables enjeux du choix.

Bref, peut-on statuer abstraitement sur la conscience d'être libre sansavoir présent à l'esprit l'ensemble du contexte mental et moral dans lequel elle se manifeste ?. »

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