La culture met-elle fin a la cruauté ?
Publié le 28/02/2005
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Dans un sens général, le terme de culture vient du latin colere qui signifie « mettre en valeur «. Il peut s’utiliser pour un champs ou pour un esprit. On peut en effet parler de la culture d’un champ. Quel rapport cela peut-il avoir avec la culture humaine ? Cela peut-il nous éclairer notre propos ? . Il y a donc entre le sol cultivé et celui qui ne l’est pas une différence de production qui est due à l’intervention humaine. Dans le premier cas, l’agriculteur intervient pour semer ce qu’il veut récolter alors que dans une terre non cultivée, c’est le hasard de la nature qui fait pousser quelque chose. Il y aurait donc chez l’homme une opposition entre nature et culture. Le terme « culture « est en effet généralement employé pour distinguer l’homme du reste de la nature et évoquer tous les artefacts et productions de l’homme qui l’éloigne de la bestialité. De ce fait aussi, la culture est reliée à la civilisation et à la société. Pour beaucoup de philosophes, tels Hobbes ou Rousseau, c’est l’entrée en société qui a mis fin à l’état de nature pour l’homme et qui donc est à la base de la culture. Dans cette optique, la culture désigne l'ensemble de normes, d'habitudes, de mythes, de pratiques qui a cours dans une société. Nietzsche voyait ainsi la culture comme « l’unité du style artistique dans toutes les manifestations vitales d’un peuple « et Hegel caractérisait la culture par l’expression de l’Esprit. Il y aurait donc dans la culture les manifestations spirituelles d’un peuple qui se détachent de la nature. Or, il semble dans un premier temps que la civilisation tente de sortir de l’état de guerre et d’inquiétude qu’est l’état de nature. De même, les connaissances d’un individu lui permettent de se comporter de manière plus juste et d’être moins cruel. Mais la cruauté contient un aspect volontaire. Elle renvoie en effet au plaisir pris à provoquer volontairement la souffrance d’autrui. Dès lors, la loi du plus fort qui règne dans la nature est-elle cruelle ? N’est- ce pas le fait d’instincts non conscients et donc non intentionnels De plus, le verbe dans l’énonce implique une fin. « mettre fin «, c’est empêcher la cruauté de se manifester, c’est la faire disparaître définitivement. Or, n’avons nous pas la preuve que la cruauté existe encore dans nos civilisations ? Ne pouvons nous même pas affirmer que la culture s’est faite parfois le chantre de la cruauté ? De même, la culture en tant que manifestation des peuples ne peut-elle pas sombrer dans le nationalisme et la folie des « races ? Comment conjuguer culture et morale ?
- La culture met fin à l’état de nature cruel et permet aux hommes d’avoir un jugement éclairé, séparé des instincts
- La cruauté demande une intentionnalité de faire du mal et ne peut advenir que par un être conscient et qui sait ce qu’il fait.
- Pourtant, la culture est le seul moyen qui nous permette de lutter contre la cruauté
«
souvent été retenue contre elle.
En effet, Pascal remarquait que les morales différaient en fonction des cultures et des pays.
Il écrivait ainsi « Plaisante justice que borde une rivière ! Vérité endeçà des Pyrénées, erreur au-delà.
» On ne peut parler de la culture en tantque processus, mais dès que nous parlons de cultures particulières, le pluriels'impose pour retranscrire la multitude de civilisations.
Or, les différentesrègles de moralité sont issues de l'environnement, de l'héritage, des légendesde chaque pays, de sa culture.
Durkheim, un sociologue moderne, expliquait laformation de la moralité comme produit de la société et de la civilisation.
Ilécrivait dans L'éducation morale : "C'est la société qui nous forme moralement".
Il est vrai que nous ne voyons aucune morale dans la nature.C'est le hasard qui est à l'œuvre, à part pour les religieux.
La moralité est uneforme d'activité de l'esprit qui tente de lutter contre la cruauté.
En mettanten avant, l'interdiction de faire du mal à autrui ou la compassion, la moralepermet à l'homme de maîtriser ses actes en vue du bien.
Dans Le Contrat social , Rousseau présente cette opposition sous la forme suivante : « Ce passage de l'état de nature à l'état civil produit dans l'homme un changementtrès remarquable, en substituant dans sa conduite la justice à l'instinct, etdonnant à ses actions la moralité qui leur manquait auparavant ».- Enfin, la culture, nous l'avons dit en introduction, est aussi la somme desconnaissances d'un individu.
Quand on dit d'une personne qu'elle est cultivée,cela qualifie une sorte de raffinement de l'esprit.
Une personne cultivée a denombreuses connaissances généralement dans le domaine de l'art et desquestions intellectuelles.
Or, ce raffinement de l'esprit et ces connaissances permettent à l'homme d'avoir unjugement éclairé sur les choses et de s'élever dans la moralité de ses actes.
Nietzsche évoque ainsi le montagnardqui, complètement borné, aura un jugement injuste et cruel à la différence de l'homme cultivé dont le comportementsera juste.- la culture donc d'une manière générale est née pour mettre fin à la barbarie de la nature.
Elle promeut des valeursnobles, des règles morales qui doivent faire reculer la cruauté parmi les hommes.
La cruauté demande une intentionnalité de faire du mal et ne peut advenir que par un être conscient et quisait ce qu'il fait.
- Pourtant, nous l'avions évoqué, la cruauté implique une certaine intentionnalité qui ne peut caractériser l'animal.Ce dernier, dans la loi du plus fort, ne fonctionne qu'à partir de ses instincts.
Son plan de conduite a été déterminépar la nature et fixé dans ses instincts.
C'est ce qu'écrit Kant dans son Traité de la pédagogue, : » Un animal est par son instinct même tout ce qu'il peut être ; une raison étrangère a pris d'avance pour lui tous les soinsindispensables.
» Il ne peut donc véritablement choisir ses actes et il ne peut pas en être tenu pour responsable.Seul, l'homme peut par suite être cruel car il possède seul la conscience et la possibilité d'être moral.
Ce serait alorsla culture même qui ferait basculer l'homme dans la possibilité d'être cruel.
Sartre d'ailleurs a insisté sur le fait queseul l'homme était responsable de ses actes et de sa conduite.
Dès lors, nous considérons la nature comme cruelleparce que nous la regardons d'un point de vue humain, ancré dans une culture.La cruauté est aussi marquée par la nécessité de la conscience.
Etant le plaisir pris à provoquer la souffrance, ilfaut pouvoir faire des plans et mettre en œuvre des moyens qui auront but de blesser autrui.
Ceci présupposeintentionnalité et seul, l'homme en est pourvu.
C'est d'ailleurs par l'intentionnalité que Husserl dans ses Médiations cartésiennes définit la conscience humaine.
Dès lors, c'est l'acquisition de la conscience, de l'esprit par la culture qui fait basculer l'homme comme potentiellement cruel.- L'argument rousseauiste proclame en effet que la culture rompit l'harmonie dans laquelle l'homme vivait avec lanature, et qu'elle corrompit son penchant premier, celui par lequel « l'homme à l'état de nature » éprouvait de lapitié pour tous les êtres vivants.
Car la pitié « est le pur mouvement de la nature, antérieur à toute réflexion » Dèslors, c'est la culture qui introduisant la réflexion casse le sentiment bienveillant de l'homme pour l'homme.
Le passageà la culture et à la civilisation, et donc à la société se fait aussi sous le jour de la propriété.
Les hommes viventalors ensemble et la terre est répartie.
De là naît le désir de possession, la jalousie qui peut entraîner la cruauté.
En l'absence de toute société, l'homme naturel est plutôt un animal timide, craintif, robuste certes, mais peu téméraire.Il sera plutôt doux que violent.
L'idée de guerre est un concept social qui suppose la propriété, elle n'a aucun sens dans un état où l'homme ne s'est même pas fixé sur un sol, elle n'a pas de sens dans l'état de nature.
C'est doncbien la culture qui introduit la moralité parce que l'homme peut maintenant faire le mal et qu'il peut être cruel.- La culture peut être cause de cruauté.
Il nous suffit de penser à la barbarie nazie ou encore à certaines guerresde civilisation.
Les cultures sont multiples et variées et il peut être dangereux de croire en la supériorité de sapropre culture.
La valorisation des cultures peut mener alors un nationalisme cruel.
A travers cela, les êtreshumaines appartenant aux autres cultures sont jugés inférieurs et sont considérés comme indignes de vivre.
Dèslors, leur mort ou leur souffrance sont appréhendées avec un certain plaisir et comme quelque chose de bien.
C'estla culture dans sa mauvaise adoration qui conduit à la cruauté extrême.
Pourtant, la culture est le seul moyen qui nous permette de lutter contre la cruauté.
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