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La fuite du temps est-elle nécessairement un malheur ?

Publié le 28/09/2005

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              Le philosophe Ruyer remarquait que les utopies humaines portent tout autant sur une maîtrise de l'espace (conquérir d'autres planètes par exemple) que sur une maîtrise absolue du temps (pouvoir voyager dans le temps, rajeunir, arrêter ou rallonger le temps). Retenir le temps n'est-ce pas encore le seul moyen d'en atténuer la fuite ? C'est à la mémoire que revient la tâche d'une telle rétention. La représentation du temps comme étant l'objet d'une perte et celle de la mémoire comme correspondant à la possibilité de suspendre le cour du temps ne sont que les deux faces d'un même rapport au temps.             Dans La poétique de l'espace Bachelard remarque que c'est par un certain rapport à l'espace que nous pouvons espérer retenir quelque chose du temps. Il écrit page 27 « Dans ses milles alvéoles l'espace tient du temps comprimé. L'espace sert à ça. », quelque chose du passé se conserve donc dans les lieux, les plis, les recoins de l'espace. Ce peut être par exemple une atmosphère ; notre mémoire des faits est tout autant le souvenir des endroits où ceux-ci se sont déroulés. Mais il est évident qu'au-delà de sa mémoire et de sa sensibilité, les moyens pour retenir le temps font redoutablement défaut à l'homme.

De façon spontanée nous avons tendance à nous rapporter au temps comme à un capital, une réserve qu’il nous faut organiser, ménager, de manière à en tirer le meilleur profit. Le temps ne fait pas alternative avec sa propre fuite mais se confond bien plutôt avec elle. La possibilité de retenir le temps tient bien plus de l’utopie que de la science, la perte du temps paraît bien irréversible. En quoi la fuite du temps serait-elle autre chose qu’un malheur pour chacun ? Nous verrons que répondre à une telle question nous engagera à l’examen critique de la représentation que le sens commun se fait du temps.

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« Or, une réponse complète à la question posée exige que l'on en examine les présupposés.

Ceux-ci ne sont pas minces, et consistent d'une façon générale à traiter le temps comme un objet physique quantifiable.

Le tempsne peut-être l'objet d'une perte que si l'on se méprend sur sa nature.

Comme Bergson l'a remarquablement mis enévidence tout au long de son œuvre le temps véritable ne saurait être un temps spatialisé, mesurable, bref untemps linéaire qu'il ne s'agit que de parcourir et dont le passage est vécu comme une fuite. Dans L'essai sur les données immédiates de la conscience Bergson distingue la durée, qui est le seul temps véritable, de l'espace, en ce que la première est une multiplicité qualitative ethétérogène tandis que le second est une multiplicité quantitative et homogène.Le premier couple signifie que les moments de la durée sont toujours autres lesuns par rapport aux autres, le second signifie qu'à l'inverse les parties del'espace sont toutes équivalentes.

Autrement dit ce n'est que par un geste trèsabstrait, en traitant la durée comme un objet de l'espace, que l'on peuts'autoriser, à tort, de voir le temps comme un objet physique.

En réalité letemps se définit par la qualité de ses moments et non par leur longueur. La conception bergsonienne du temps permet de se défaire du modèlevéhiculé par le sens commun et selon lequel le temps n'est au fond qu'un lieu deparcours, comprenant telle et telle étape à accomplir.

D'après une tellereprésentation, vivre dans le temps c'est donc le perdre, le consumer ;représentation que l'on annule en comprenant que le temps est une successionde qualités et non une addition de quantités.

Si l'on adopte la visionbergsonienne on voit que vivre dans le temps c'est faire l'épreuve de lanouveauté et de l'inattendu, en tant qu'il ne peut être confondu avec l'espace,le temps réel ne saurait se laisser prévoir, vivre dans le temps ce n'est plus dèslors perdre quelque chose.

Cela exige un effort de la part du sujet, par exemplela capacité de se rapporter à l'avenir sans avoir l'impression que tout est écritd'avance et qu'il ne s'agit plus que de parcourir des étapes prédéfinies. Conclusion : Moins qu'à la recherche d'avantages procédant de la fuite du temps c'est à la critique de la représentation d'un temps spatialisé qu'il faut s'adonner.

Le temps n'est perdu que pour celui qui ne voit dans le temps qu'un capitalmesurable, et qui comprend le passage du temps comme une fuite.

Or, si l'on voit que le passage du temps est unesuccession de qualités toujours nouvelles, on comprend que le passage du temps correspond bien plutôt à laproduction de créations qu'à la nécessité d'une perte.

Le temps des horloges est un temps spatialisé, marqué par lesouci d'organiser et d'épargner le temps, il ne traduit pas la relativité du temps réel, c'est-à-dire l'hétérogénéité deses moments.

Dès lors que l'on ne se représente plus le temps comme un objet il ne peut être l'objet d'une perte. Seconde correction de ce même sujet (un second et dernier code PassUp vous est nécessaire). »

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