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LA JUSTICE ET LA CHARITÉ

Publié le 22/02/2012

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La justice distributive doit, à l'occasion, atténuer sa règle de proportionnalité pour obéir à une exigence humaine plus impérieuse. En fait si la justice est « un effort pour logiciser l'idéal, pour le réduire à un aspect quantitatif» l, il faut bien remarquer qu'on ne peut «quantifier» que des choses. L'éthique s'adresse à la personne, la stricte justice mathématique doit s'accomplir. Aristote déjà avait senti, au-delà de la justice, la nécessité de la «philia» (sentiment de bienveillance qui anime les personnes les unes à l'égard des autres). La justice se perd dans la « philia » qui l'enveloppe et la dépasse. La charité, amour des personnes les unes pour les autres, est une philia chrétienne.
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« considérant comme facultative toute initiative qui dépasse cet ordre.

Ainsi la personne charitable aura peut-êtrel'impression de faire plus que son devoir, de faire plus que la justice, alors qu'en fait elle ne corrige qu'à peine lesinjustices régnantes.

Parfois même on verra dans les pratiques charitables un véritable machiavélisme pour faireaccepter l'injustice aux exploités.

Jankélévitch résume ces critiques socialistes d'une façon très brillante : « Toute laruse des bonnes consciences, bien pensantes et bien nourries, revient à donner au pauvre comme une gracieusetéce qui lui est dû comme son droit, à lui faire en somme généreusement cadeau de son bien propre...

Le pauvre seraspolié et de plus comme on lui a fait croire qu'il n'avait droit à rien, il remerciera son voleur.

Détroussé etreconnaissant ! Que dites-vous de l'opération? Une si bonne affaire ne mérite-t-elle pas que le riche jette du lest etau besoin même reprise les guenilles de son mendiant pour être sûr que son mendiant continuera de vivre déguenillé,l'habit en haillons et le cœur inondé de gratitude?1» Il convient aussi de souligner l'équivoque des « devoirsfacultatifs ».

A ce propos, on peut rappeler le passage de Dante dans la Divine Comédie où nous apprenons que lesdamnés les plus cruellement châtiés sont, non ceux qui ont fait le mal, mais ceux qui «n'ont pas fait le bien»2. 3° Enfin on a fait remarquer que l'initiative charitable quelquefois partiale est toujours partielle.

Quelquefois partiale : car le donateur, s'il estime sa bonté gratuite et facultative, se juge autorisé à la réserver à certains, à en exclured'autres.

Il est arrivé plus d'une fois que des groupes confessionnels réservent leur charité aux malheureux quiappartiennent (ou qui font semblant d'appartenir) à la même secte, prenant à la lettre ce redoutable conseil desaint Jean en sa deuxième épître : « Quiconque ne demeure pas dans la vérité du Christ n'a point de Dieu.

Si doncquelqu'un vient vous visiter et n'apporte pas cette doctrine, ne le recevez pas dans votre maison et ne dites pas :sois le bienvenu». L'initiative charitable reste partielle, car elle atteint des personnes isolées, elle ne transforme pas une structurecollective.

Albert Bayet, à propos de la charité de saint Martin qui donne au pauvre la moitié de son manteau,remarque : « Cela fait un saint de plus, cela ne fait pas un pauvre de moins3.

» Soulager telle ou telle misère n'estpas une solution suffisante au problème de l'injustice économique. 4° Enfin s'il est vrai que dans l'histoire les initiatives charitables ont précédé l'organisation de la justice, celan'empêche pas que dans l'ordre des valeurs c'est l'exigence transcendante de justice qui fonde l'exercice de lacharité. Des actes d'abord accomplis par charité individuelle (hospitalité, tolérance, assistance) sont devenus l'objet dedispositions légales.

Mais c'est que ces actes étaient justes en eux-mêmes.

Lorsque saint Vincent fondait leshôpitaux, il n'avait certainement pas le sentiment de faire plus que ce qu'exigeait la justice. Dans ces conditions, la charité ne serait plus que le sentiment d'une exigence de justice.

Tout ce qui n'est pas justeest injuste (injuste l'aumône humiliante au pauvre qui devrait être légalement assisté, injuste l'aumône naïve aumendiant abusif, habile exploiteur de la pitié).

Et l'acte qui se veut charitable n'a de valeur que s'il est inspiré parl'idéal de justice. c) REMARQUES FINALES Mais ce serait une erreur — sous prétexte de mettre en valeur la justice — que de rabaisser la charité.

En fait lacharité n'est pas l'aumône.

Elle est l'amour du prochain.

Saint Paul, dans sa première épître aux Corinthiens, nousavertissait que nous aurions beau donner tous nos biens aux pauvres, cela ne compte pas, «si nous n'avons pas lacharité».

Et la vraie charité n'a rien à voir avec les mobiles équivoques qui inspirent parfois l'aumône.

«La charité estpatiente, elle est bonne; la charité n'est pas envieuse ni inconsidérée, elle ne s'enfle point d'orgueil, ne cherche passon intérêt, ne prend pas plaisir à l'injustice.

Elle espère et supporte tout.

» Dans cette perspective la charitéconserve tout son sens à côté de la justice.

La justice définit l'idéal, la charité est le moteur de l'action morale,l'élan par lequel nous réalisons la justice, et cette exigence du cœur qui faisait dire à « la Sauvage » d'Anouilh : « Ily aura toujours par le monde quelque chien perdu qui m'empêchera d'être heureuse.

». »

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