La liberté du vide de F. HEGEL
Publié le 05/01/2020
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La liberté du vide
F. HEGEL (1770-1831)
La liberté, pour Hegel, n'est pas ce qui s'oppose à l'ordre existant, mais au contraire elle n'existe que réalisée dans le droit et l'État. Comme simple mot d'ordre révolutionnaire, elle s'achève dans la Terreur.
Cette possibilité absolue de m’abstraire de toute détermination dans laquelle je me trouve ou me suis placé, la fuite devant tout contenu, comme s’il s’agissait d’une limitation, est bien ce à quoi la volonté se détermine ou la possibilité qui, pour soi, est tenue par la représentation pour la liberté elle-même. Toutefois, ce n’est là que la liberté négative ou la liberté de l’entendement. C’est la liberté du vide, qui peut prendre une figure réelle et devenir passion. Si elle reste purement théorique, elle sombre dans le fanatisme religieux de la pure contemplation propre aux Hindous ; si, par contre, elle se tourne vers l’action, que ce soit dans le domaine politique ou dans celui de la religion, elle sombre dans le fanatisme destructeur de tout ordre social existant, dans l’élimination de tout individu suspect de vouloir une certaine forme d’ordre, dans le délire d’anéantissement de toute tentative de réorganisation. Ce n’est que dans la mesure où elle détruit quelque chose, que cette volonté négative éprouve le sentiment de son existence empirique. Elle croit sans doute qu’elle veut un état positif, par exemple un état d’égalité universelle ou de vie religieuse universelle, mais, en fait, elle ne veut pas la réalité positive de ces états ; car celle-ci conduit à l’établissement d’un ordre quelconque, qui comporte une particularisation aussi bien des institutions que des individus. Mais c’est de la destruction de cette particularisation et de cette détermination objective que la liberté négative tire la conscience de soi. C’est pourquoi, ce qu’elle croit vouloir ne peut être, pour soi, qu’une représentation abstraite et la réalisation de celle-ci que la fureur de la destruction
F. HEGEL, Principes de la philosophie du droit (1821), introduction, § 5. Trad. R. Dérathé, Vrin, 1986, p. 73.
1. Du nom d'un philosophe du XVe siècle à qui fut attribué le récit de l’anecdote.

«
la représentation pour la liberté elle-même.
Toutefois, ce n'est là que la liberté négative ou la liberté de l'entendement.
C'est la liberté du vide, qui peut prendre une figure réelle et devenir passion.
Si elle reite purement théorique, elle sombre dans le fanatisme religieux de la pure contemplation propre aux Hindous; si, par contre, elle
se tourne vers l'action, que ce soit dans le domaine politique ou
dans celui de la religion, elle sombre dans le fanatisme destructeur de tout ordre social existant, dans l'élimination de tout individu
suspect de vouloirune certaine forme d'ordre, dans le délire d'anéan tissement de toute tentative de réorganisation.
Ce n'est que dans
la mesure où elle détruit quelque chose, que cette volonté négative
éprouve le sentiment de son existence empirique.
Elle croit sans doute qu'elle veut un état positif, par exemple un état d'égalité uni
verselle ou de vie religieuse universelle, mais, en fait, elle ne veut pas la réalité positive de ces états; car celle-ci conduit à l'établis
sement d'un ordre quelconque, qui comporte une particularisation aussi bien des institutions que des individus.
Mais c'est de la des truction de cette particularisation et de cette détermination objec
tive que la liberté négative tire la conscience de soi.
C'est pourquoi, ce qu'elle croit vouloir ne peut être, pour soi, qu'une représenta tion abstraite et la réalisation de celle-ci que la fureur de la des truction
F.
HEGEL, Principes de la philosophie du droit (1821 ), introduction, § 5.
Trad.
R.
Dérathé, Vrin, 1986, p.
73.
POUR MIEUX COMPRENDRE LE TEXTE
La liberté négative, ou la liberté de l'entendement est
une liberté abstraite, parce qu'elle résulte de la possibilité
de s'abstraire du réel donné, de faire abstraction de tout
contenu.
Elle n'est ainsi que le concept de la liberté, sa simple
représentation, non sa réalité effective.
La liberté de l'esprit,
que Hegel oppose à l'entendement, est la liberté concrète,
réalisée dans l'Etat, comme communauté rationnelle.
Elle
est l'idée réalisée.
Une liberté sans ordre est une liberté qui
se détruit elle-même : c'est là ce qu'on pourrait appeler le
paradoxe de la liberté.
La liberté négative, ou liberté du vide, peut prendre la
forme du retrait et du détachement de toute chose.
Ne se
reconnaissant pas dans ce qui existe, la conscience affirme.
»
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