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La pensée, pour accéder à la vérité, doit-elle se méfier du langage ?

Publié le 27/02/2008

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HTML clipboarda) Un constat: nous pensons avec des mots, et nos pensées (entendues comme les actes ou les produits de l'entendement ou de la raison) sont, par là même, des discours.  b) Or, on a pu dire que «l'erreur vient de la ressemblance, et la ressemblance du discours« (Aristote, Réfutations sophistiques, 169 b). Le langage serait une source d'erreur et de confusion pour la pensée parce qu'il serait en lui-même non rigoureux et ambigu.  c) Dans ces conditions, on peut se demander si, pour accéder à la vérité, la pensée ne doit pas se méfier du langage. Elle le devra si le langage est effectivement ambigu — ce qu'il nous faut d'abord examiner. Et si cela est le cas, nous verrons ensuite comment elle peut pallier cette ambiguïté langagière.

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« 2 univocité fondamentale du langage a) Benveniste : Nulle langue n'échappe au principe de contradiction• On a pu mettre en doute l'univocité foncière du langage en contestant sa résistance profonde à la contradiction.Ainsi, au XIXe siècle, K.

Abel a soutenu l'existence dans les langues primitives de mots ayant deux sens absolumentcontraires.

Freud s'intéressa à cette vue, car elle apportait un appui à sa thèse de l'ambivalence caractéristique de la logique du rêve (cf.

«Sur les sens opposés dans les mots primitifs», Essaisde psychanalyse appliquée, 1933, pp.

59-67).• Mais, comme l'a souligné E.

Benveniste, la thèse de K.

Abel est tout à faitinfondée, les preuves avancées par celui-ci relevant soit d'uneméconnaissance de l'étymologie, soit d'une analyse sémantique erronée.

Si,par exemple, le mot latin sacer signifie à la fois sacré et maudit, cela nesignifie pas qu'il renferme deux sens contradictoires, mais qu'il reproduitl'ambivalence même du concept de sacré.

Et s'il arrive qu'une langue n'useque d'un mot quand une autre en emploie deux qui sont contradictoires, celasignifie seulement que les deux langues ne possèdent pas les mêmescatégories.

Ainsi, observe E.

Benveniste, «il est a priori improbable, etl'examen attentif le confirme, que des langues, si archaïques qu'on lessuppose, échappent au «principe de contradiction», en affectant d'une mêmeexpression deux actions mutuellement exclusives ou seulement contraires.(...) A supposer qu'il existe une langue où «grand» et «petit» se disentidentiquement, ce sera une langue où la distinction de «grand» et «petit» n'alittéralement pas de sens et où la catégorie de la dimension n'existe pas, etnon une langue qui admettrait une expression contradictoire de la dimension.» (Problèmes de linguistique générale, I, p.

82). b) Chomsky : les structures profondes sont univoques La thèse de l'univocitéfondamentale du langage a reçu un appui important avec la grammaire générative de N.

Chomsky.

Selon ce dernier, les ambiguïtés syntaxiques sont toujours des faits seconds etsuperficiels qui ne remettent pas en cause l'univocité essentielle du langage.

Dans ces phénomènes d'équivocité,l'on est seulement en présence d'« homonymies syntaxiques» ou «homonymies de construction».

La grammairegénérative montre en effet que chaque phrase possède une «structure profonde» et une «structure superficielle» ou«de surface».

«La première est une structure abstraite et sous-jacente qui détermine l'interprétation sémantique ;la seconde est l'organisation superficielle d'unités qui détermine l'interprétation phonétique » (La Linguistiquecartésienne, p.

62).

Si la structure superficielle, dérivée par transformations des règles génératives, peut êtreéquivoque, la structure profonde sera, elle, toujours univoque. 3 rejeter le langage ? a) Créer de nouveaux langages ?• Même si le langage n'est pas en soi équivoque, il n'en reste pas moins qu'il présente, comme on l'a vu, denombreux risques d'ambiguïté dans son développement et ses manifestations.

C'est pourquoi, on a très tôt imaginéd'inventer un langage rigoureux et universel qui éliminerait ces inconvénients propres aux langues naturelles.

Ce futle rêve de Raymond Lulle comme celui de Leibniz, qui tenta de constituer un langage possédant la communicabilité des langues maternelles et la systématicité de la méthode scientifique.• De manière moins ambitieuse, Arnauld, dans sa Logique ou l'Art de penser(1662), insista sur la nécessité de définir les mots dont on se sert: «Lemeilleur moyen, écrit-il, pour éviter la confusion des mots qui se rencontrentdans les langues ordinaires, est de faire une nouvelle langue et de nouveauxmots, qui ne soient attachés qu'aux idées que nous voulons qu'ilsreprésentent, mais pour cela, il n'est pas nécessaire de faire de nouveauxsons, parce qu'on peut se servir de ceux qui sont déjà en usage, en lesregardant comme s'ils n'avaient aucune signification, pour leur donner celleque nous voulons qu'ils aient, en désignant par d'autres mots simples, et quine soient point équivoques, l'idée à laquelle nous voulons les appliquer.

» (i,12). b) Carnap et le positivisme logique• Mais l'ambiguïté du langage n'est pas simplement lexicale.

Elle est aussisyntaxique.

Et c'est cette dernière, selon Carnap, qui serait responsable desénoncés «métaphysiques», qui sont de pseudo-énoncés vides de tout sens.Ces pseudo-énoncés seraient en effet dus à l'absence de conventions dans lelangage naturel : il y aurait écart entre la syntaxe grammaticale et la syntaxelogique, et les problèmes philosophiques seraient réductibles à des problèmeslinguistiques.

Le positivisme logique est ainsi conduit, en forgeant cesconventions absentes du langage ordinaire, afin d'éliminer son inconsistancepropre et son équivocité, à abandonner ce langage au profit de langages artificiels.• On a pu cependant montrer que ces énoncés métaphysiques dont le positivisme logique voyait la source dans. »

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