Devoir de Philosophie

La Pluralité des Cultures fait elle obstacle à l'unité de l'Humanité ?

Publié le 12/02/2011

Extrait du document

La magnification des facultés humaines a de tout temps trouvé ses promoteurs, qu'il s'agisse d'écrits datant de l'Antiquité tel le chœur d'Antigone de Sophocle ou la prévalence des doctrines humanistes sur les siècles derniers. Si l'Homme s'enorgueillit d'une telle suprématie au sein du règne du Vivant, c'est qu'il se sait seul être capable de s'émanciper de la Nature et conquérir par cette même occasion sa liberté. Cette éloge du genre humain repose en effet sur la prise de conscience de ce qui sépare radicalement notre espèce des autres, qui, appuyée par une réflexion sur l'essence même de l'Homme, va progressivement amener ce dernier à définir la notion d'Humanité. Loin de se contenter du partage d'une liste de caractères biologiques exclusifs pour attribuer l'affiliation à l'espèce humaine, la définition s'est vue élargie par l'assimilation d'un sens moral, car, en affirmant sa supériorité dans la pensée et accédant aux conditions de sa propre dignité, l'Homme se dote d'un pouvoir créateur dont les produits résultant de son action; qu'ils prennent la forme de normes, de valeurs réglées ou d'expressions artistiques, vont constituer un tout lui étant exclusif. Cet ensemble correspond à une culture spécifique, un filtre moral au travers lequel l'être humain évoluant à son contact va interpréter son environnement, indépendamment de toute objectivité.

« même : l'apparition de valeurs réglés et normes fédérant autour d'elles un groupe d'individus.

Nietzsche précisaitdéjà la tendance communautaire qu'induisait la Culture : « La culture c'est avant tout une unité de style qui semanifeste dans toutes les activités d'une nation ».

Ainsi naissent les fondements d'une culture distincte sur lesquelsune civilisation ou société particulière voit le jour et se réforme continuellement dans une certaine mesure enabsorbant progressivement les productions des hommes y participant.

Ce rassemblement moral s'émancipant ducadre dicté par la Nature nécessite une « socialisation des pulsions » comme le fait remarquer Norbert Elias dans «La Dynamique de l'Occident », par le biais d'un processus d'éducation assurant la sauvegarde d'une génération à uneautre des codes et normes nouvellement acceptés. On peut alors se demander si l'essor d'une culture suit une évolution définie commune à chacune d'entre elles ou sicette pluralité traduit véritablement la contingence des mœurs et traditions que s'associent chaque communautéhumaine.

La première hypothèse ne pourrait se vérifier qu'au moyen d'une hiérarchisation des cultures, ce quisupposerait une quantification précise du degré de perfection de chaque culture.

Une recherche de critères stabless'impose donc si l'on souhaite les classer et dessiner ainsi une « Culture modèle » à laquelle l'Humanité dans saglobalité atteindrait au prix d'une évolution progressive de « Cultures primaires ».

Néanmoins, une difficulté premièresurgit : à partir de quelle justification peut on légitimer le choix de tels ou tels critères ? Il apparaît bien vite que lescultures les plus « avancées » sur certains aspects se révèlent toucher le fond de classements basés sur d'autres :on ne peut par conséquent dégager une tendance générale représentant le positionnement que chacune d'entreelles occuperait sur un axe unique d'évolution culturelle.

En effet, le rare objectif que s'accorderait à définirl'Humanité, à savoir le bonheur dans un sens très large, est désespérément flou tant les moyens et causesenvisagés par chacun afin d'y accéder sont multiples et singuliers : pouvoir politique important, obtention de sonagrégation de philosophie, quête du savoir, drogues dures, dévouement religieux, oisiveté...

Les cultures del'Occident peuvent se vanter d'avoir adopté la démocratie comme système politique et de permettre par là uneégalité que les individus se reconnaissent entre eux, néanmoins, sur un plan comme la préservation del'environnement, elles cèdent le pas à bien d'autres, comme la civilisation tibétaine, qui par son mode de vie assure la conservation de la Nature.

De plus, il serait absurde d'envisager que toutes cesCultures puissent un jour concourir vers une seule, ce serait négliger le rôle de l'environnement que tous nos sensauscultent.

En effet, une même interprétation ne peut se renouveler en tout point du globe.

Il est avéré, depuis lephénomène d'Out of Africa avec les prémices de la dissémination inégale des hommes sur la Terre, que lescommunautés humaines affirment une différence d'autant plus forte que les milieux qu'elles occupent différent.

LesÏnuits possèdent des champs lexicaux très fournis pour décrire un élément qui nous paraît simple et facilementenglobable en quelques termes : la neige.

Occupant des espaces où celle ci est omniprésente, ils ont ressenti lanécessité d'utiliser un nombre de mots plus importants pour sa description car son observation constante leur apermis de détecter des nuances, ce qui s'est traduit au sein de leur Culture par un enrichissement lexical.

De mêmedes phénomènes inverses existente : alors que les tribus amérindiennes décrivent le monde visible sur la base dedeux couleurs car celles ci leur suffisent à appréhender leur environnement visuel bien que nous en distinguonscouramment plusieurs dizaines et qu'un ordinateur se représente une infinité de teintes.

De tous ces constatsapparaît finalement comme désuète la thèse selon laquelle il n'existe qu'une Culture véritable : l'ethnocentrisme quiconsiste à considérer sa propre culture comme référence pour comprendre toutes les autres n'est donc qu'un réflexede jugement propre à tous ne pouvant exprimer la vérité des cultures.

Une telle opinion relevant d'un automatismeirréfléchi est universellement répandue et remarquée, entre autres, par Fernand Ouellette dans « Tu regardaisintensément Geneviève »: « La normalité demeure une question relative à notre époque et à une civilisation.

Orchaque culture a tendance à croire que son équilibre est la norme universelle.

». Reste à savoir si l'on peut on retrouver des normes et des valeurs « justes » avec lesquelles composer une ossaturede culture « efficace ».

La multiplicité des cultures offre à ce jour une palette exhaustive de valeurs et normes donton pourrait juger la mise en application pour en mesurer une efficience culturelle sans utiliser des critères précisqu'on ne peut parvenir à définir.

Celle ci reposerait uniquement sur la prospérité globale d'une communauté et lavalorisation de l'individu et de ses aspirations en son sein.

L'Histoire nous enseigne toutefois que nombre decivilisations ont connu une apogée considérable avant que s'amorce leur déclin, tout en présentant des mœursdiverses qu'elles parvenaient à étendre à d'autres peuples, souvent par effort de domination ou de substitution.Notre jugement se trouve pourtant quelque fois bouleversé par l'analyse de ces cultures aux constitutions variées :ce qui nous apparaît relever d'actes dangereux ou de comportements archaïques chez certains est pourtant partieintégrante d'une idéologie nécessairement cohérente avec elle même dans un certain sens et qui assure laconservation de la culture dont elle est la garante.

Citons pour exemple la Paideia grecque, cette éducation desadolescents issus de l'aristocratie par des nobles d'un certain âge les instruisant sur tous les domaines de la vie, lasexualité compris, d'une manière réprouvable à notre sens mais tout à fait évidente pour les tenants de cetteculture.

Plusieurs systèmes ont ainsi prouvé une fiabilité globale, non par car ils recoupaient des « valeurs clefs »mais bien parce que leur manière de fonctionner leur assurait une permanence dans le temps ou une capacitéd'extension, capacité qui, ceci dit, s'avère souvent révélatrice d'un comportement impérialiste.

Il est ainsi vain dechercher les « piliers » d'une culture, ni même d'octroyer à celle ci la mesure de son efficacité, car elle ne peut êtredécortiquée en normes pouvant être permutées les unes avec les autres : elle est un tout, fatalement singulier etparticulier, qui s'envisage seulement en tant qu'une unité de fonctionnement.

Blaise Pascal constatait déjà larelativité des normes face aux regards culturels qui les scrutent : §293 - « Trois degrés d'élévation du pôlerenversent toute la jurisprudence, un méridien décide de la vérité [...]» dans ses « Pensées » (XVIIè siècle) auquel ilajoute les mutations temporelles pouvant les affecter : §293- « [...] en peu d'année de possession, les loisfondamentales changent ; le droit a ses époques.

».

Chaque culture acquiert donc sa propre logique qu'elle ne peuttroquer sans menacer son intégrité et se trouve donc sujette au relativisme.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles