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la recherche du bonheur est elle une affaire privée?

Publié le 08/01/2005

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[I - Le sentiment du bonheur][A. Rôle de la subjectivité]Il est difficile, sinon impossible, de juger du bonheur d'autrui. Mon voisin me paraît riche, sa maison est confortable, il dispose d'une automobile luxueuse, sa santé et celle de sa famille sont bonnes, etc. : cela suffit-il pour que je puisse affirmer sans erreur possible qu'il jouit d'un bonheur complet ? Admettons que les « signes extérieurs » d'après lesquels je juge sa situation aient pour lui la même signification que pour moi, peut-être est-il en fait taraudé par un malaise invisible ; peut-être les relations qu'il a avec ses collègues de travail sont-elles très mauvaises ; peut-être son aisance financière est-elle trompeuse... Il n'y a que lui qui puisse savoir s'il est réellement satisfait de son existence.Si le bonheur suppose un accord, une harmonie sans faille entre un individu, son mode d'existence et le monde qui est le sien, seul cet individu peut simultanément vivre cet accord et en avoir conscience.[B. Sentiment et conditions du bonheur]Faut-il en déduire qu'il appartient aussi à la personne, et précisément parce qu'elle est seule juge de son bonheur éventuel, d'en définir aussi les conditions ? Faut-il admettre que le proverbe aurait raison, qui affirme que « chacun trouve son bonheur où il veut », ou « comme il peut » - ce qui semble assez différent.

La mise en place de l’Etat providence en France après la seconde guerre mondiale nous a conduit à en attendre beaucoup de l’Etat. Trop disent certains. Poussée à son paroxysme, l’idée d’Etat providence peut amener à affirmer que le bonheur doit être une affaire d’Etat, alors que nos sociétés modernes et libérales véhiculent plutôt l’idée que le bonheur est affaire privée. C’est pourquoi il semble pertinent de se poser la question de savoir si le bonheur doit être une affaire privée ou d’Etat. Se dégagent alors deux enjeux fondamentaux. D’une part, il s’agira de s’interroger sur la définition du bonheur (terme équivoque), qu’on le considère comme une affaire publique ou privée. D’autre part, l’expression « doit être « imposera que l’on s’interroge sur les conséquences pratiques et des risques d’un parti pris pour l’une ou l’autre des définitions.
Face à une telle question, deux théories s’opposent : celle qui défend le bonheur comme affaire privée, celle qui affirme l’entière responsabilité de l’Etat en la matière. A nous de les étudier et de dépasser cette contradiction pour envisager une conception du bonheur dont les conséquences sont les meilleures possibles pour les hommes vivant en société que nous sommes.

« [A.

L'individualisme]Comme toutes les morales de l'Antiquité, l'épicurisme considère que la vieheureuse accompagne la pratique de la vertu.

Elle serait ainsi garantie par lasatisfaction des seuls désirs « naturels et nécessaires ».

En s'éloignant detoute vie sociale, l'épicurien peut atteindre son bonheur individuel par desvoies d'une extrême simplicité : l'ascétisme est la clef de l'équilibre et del'ataraxie, qui confirme l'absence de trouble, de toute préoccupation.Une telle attitude n'est toutefois possible qu'au prix d'une sorte d'inégalité : ily a d'un côté ceux qui acquièrent leur propre bonheur en méprisant ce pourquoi tous les autres s'agitent, et en face la majorité qui continue à quêterdes satisfactions peut-être futiles, mais dont l'activité est nécessaire auxpremiers ! Non universalisable, l'épicurisme est condamné par Kant commefondé sur une subjectivité qui néglige par trop la présence des autres : il poseen fait le problème de la possibilité d'un bonheur conçu comme une affairetellement privée qu'il devient synonyme d'un égoïsme qui nous paraît en faitpeu supportable. [B.

Une affaire « humaine » ?]La position d'Aristote semble d'abord plus « noble » : la vertu consistant pourun être à réaliser pleinement ce pour quoi il est le mieux apte, le bonheur del'homme est à chercher dans l'activité rationnelle, dans la théorie, qui n'esttoutefois possible que lorsque les satisfactions des besoins essentiels sontgaranties (par chance, il y a des esclaves pour nourrir les « théoriciens » !).

Cette fois encore le bonheur des unss'accompagne de son absence pour les autres, mais on est au-delà de la subjectivité et de l'égoïsme strict : c'esten fonction de ce que demande la nature de l'homme en général que la vertu est définissable en même temps que lebonheur.Cette référence aux caractères généraux de l'humanité se retrouve chez les stoïciens, et plus nettement encorepuisqu'ils sont les premiers à penser l'humanité comme une totalité.

Mais le bonheur se définit chez eux en fonctionde principes métaphysiques (la réalité d'un Bien universel, le logos ordonnant le monde) qui nous semblent amenerl'homme, même heureux, à une trop grande passivité : acquiescer à tout ce qui survient est une noble attitude,mais nous avons du mal à admettre que le bonheur puisse être atteint par un repli total sur une liberté toutintérieure, qui signifie pratiquement l'ignorance du monde. [C.

Intervention du social ?]Ce n'est qu'à partir du XVIII siècle que l'éventualité du bonheur est pensée en rapport avec les conditions socialesde l'existence : le bonheur n'est plus la sanction de la vertu, il se transforme en indice d'un accord entre l'individu,ses espoirs et son environnement social.

Est-ce suffisant pour le faire basculer du côté des « affaires publiques » ou« politiques » ? Qu'un État définisse ce que doit être le bonheur n'a rien d'enthousiasmant : ne risque-t-il pas de leréduire à l'équivalent de l'ancienne formule concernant « le pain et les jeux » ? De plus, un bonheur ainsi officialisédans ses formes, rendu commun et presque obligatoire, peut sembler frustrant pour l'individu, qui n'y retrouvera pasle caractère singulier qui semble nécessaire pour que naisse véritablement le sentiment du bonheur.De l'État ou du social, on ne saurait ainsi attendre qu'une chose : qu'il s'efforce de garantir des possibilités d'accèsau bonheur égales pour tous.

Toute tentative pour aller au-delà risque d'aboutir à une sorte de totalitarisme et dedomestication évidemment excessive de l'individu.

L'histoire du XX siècle montre amplement que le pouvoir politiquele pire est aussi celui qui prétend imposer à ses sujets un bonheur qu'il a d'abord défini.

[III - Une affaire privée, et difficile] [A.

Aucune société ne rend l'homme heureux]La divergence entre les exigences de l'organisation sociale et les espoirs individuels est, si l'on en croit Freud, d'unenature telle qu'aucune société n'est organisée pour rendre l'homme intégralement heureux.

Si le bonheur doitconsister en la satisfaction de toutes les pulsions de l'inconscient, l'homme est en effet condamné à ne jamais êtreheureux, puisque son intégration dans un corps social détermine nécessairement le refoulement de ses pulsions lesplus profondes, et donc sa frustration. [B.

L'aliénation]Mais le social est dangereux aussi en ce qu'il proposerait des satisfactions trompeuses.

Depuis Rousseau, et toutparticulièrement lorsqu'on a analysé la société dite « de consommation », philosophes et sociologues déplorentl'aliénation du sujet par les tentations que lui impose le monde marchand : la surenchère dans l'« avoir »,l'acquisition toujours renouvelable d'objets sans réelle valeur de satisfaction, finissent par occulter totalement l'«être » et son aptitude au bonheur.

L'homme moderne, s'il est bien, comme le dit Rousseau, « toujours hors de soi »,ignorerait la réalité du « privé ».

Dans de telles conditions, définir le bonheur comme « affaire privée » serait plusnostalgique que réaliste. [C.

Les conflits entre « affaires privées »]De plus, il va de soi que, même si l'on admet que le bonheur comme « affaire privée » reste concevable ou possible,on se heurte au problème de l'harmonisation des bonheurs individuels : comment garantir que la quête de l'un nevienne pas gêner celle d'un autre, ou la nier ? Il apparaît ainsi que le corps collectif, même si on ne doit pas en. »

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