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La vérité est-elle l'adéquation de la pensée et de son objet ?

Publié le 13/04/2005

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Mais que veut dire « utile « ? Faut-il prendre le mot au sens de vérifiable ? En ce cas le pragmatisme est très acceptable. Descartes lui-même, si attaché qu'il fût aux « idées innées « et aux évidences pures, reconnaissait qu'il se rencontre « beaucoup plus de vérité dans les raisonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent et dont l'événement le doit punir bientôt après s'il a mal jugé, que dans ceux que fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spéculations qui ne produisent aucun effet. « Malheureusement le mot « utile « tel qu'il est employé par les pragmatistes a le sens le plus large et le plus vague. James n'a jamais rien fait pour en dissiper l'équivoque : « Ce qui est vrai c'est ce qui est avantageux de n'importe quelle manière. « Ainsi une loi physique ou chimique est vraie si elle a des applications techniques fécondes. Mais aussi une croyance politique est vraie si elle me donne « bonne conscience «, si elle me justifie ; une théorie philosophique est vraie si elle calme mes inquiétudes, si elle assure « mon confort intellectuel «, une religion est vraie si elle est consolante, si elle me permet de m'améliorer moralement. L'idée de Dieu est comme toutes les autres idées, elle n'est vraie que si elle est rentable et James déclare sans ambages : « Dieu est une chose dont on se sert. «  « Je dois d'abord vous rappeler ce fait que posséder des pensées vraies, c'est, à proprement parler, posséder de précieux instruments pour l'action.
 
  • adéquation:
Désigne en particulier la correspondance entre la chose et l'idée que j'en ai, entre le réel et ce que j'en dis. L'adéquation définit ainsi traditionnellement la vérité.
  • Saint Thomas d'Aquin a le premier défini la vérité comme l'adéquation de l'esprit et de la chose. Mais pour que cette définition soit valide, il faudrait que je puisse comparer mes idées aux choses ; le problème, c'est que je n'ai jamais affaire aux choses en elles-mêmes, mais à ma représentation des choses. Or, rien ne m'assure que le monde est bien conforme à ce que j'en perçois ; il se pourrait, comme l'a montré Descartes, que toute ma vie ne soit qu'un « songe bien lié «, que je sois en train de rêver tout ce que je crois per­cevoir : rien ne m'assure que le monde ou autrui existent tels que je les crois être.
 

« elle est rentable et James déclare sans ambages : « Dieu est une chose dont on se sert.

» « Je dois d'abord vous rappeler ce fait que posséder des pensées vraies, c'est, àproprement parler, posséder de précieux instruments pour l'action.

Je dois aussi vousrappeler que l'obligation d'acquérir ces vérités, bien loin d'être une creuse formuleimpérative tombée du ciel, se justifie, au contraire, par d'excellents raisonstechniques. Il n'est que trop évident qu'il nous importe, dans la vie, d'avoir des croyances vraiesen matière de faits.

Nous vivons au milieu de réalités qui peuvent nous être infiniment utiles ou infiniment nuisibles.

Doivent être tenues pour vraies, dans lepremier domaine de la vérification, les idées nous disant quelle sorte de réalités,tantôt avantageuses pour nous, tantôt funestes, sont à prévoir.

Et le premier devoirde l'homme est de chercher à les acquérir.

Ici, la possession de la vérité, au lieu,tant s'en faut ! d'être à elle-même sa propre fin, n'est qu'un moyen préalable àemployer pour obtenir d'autres satisfactions vitales [...]. Mais, maintenant, que faut-il entendre par « l'accord » que la définition couranteexige à l'égard de la réalité ? C'est ici que le pragmatisme et l'intellectualismecommencent à se fausser compagnie.

Le fait d'être « d'accord », au sens le plus largedu mot, avec une réalité, ne peut être que le fait, ou bien d'être conduit tantôt toutdroit à elle, tantôt dans son entourage, ou bien d'être mis en contact effectif etagissant avec elle, de façon à mieux opérer soit sur elle-même, soit sur unintermédiaire, que s'il y avait désaccord [...] J'en viens donc à dire, pour résumer toutcela : « le vrai » consiste tout simplement dans ce qui est avantageux pour notrepensée, de même que « le juste » consiste simplement dans ce qui est avantageuxpour notre conduite.

» James , « Le pragmatisme ». La conception pragmatiste de la vérité vient de ce que James subordonne la pensée à l'action.

La réussite de celle-ci devient dès lors le juge de la vérité ou de la faussetéde nos « croyances » ou idées.

Cette vision utilitariste de la vérité s'opposeabsolument à la conception spéculative des philosophes grecs, et d'une manièregénérale à ce que James appelle l' « intellectualisme », c'est-à-dire une définition de la vérité comme simple contemplation du réel :la vérité ne satisfait pas une exigencespéculative désintéressée (elle n'est pas « à elle-même sa propre fin »), elle répond à « d'excellentes raisons pratiques ». Cela signifie pas que la vérité est arbitraire, et qu'il n'existe pas de vérités objectives,comme le croyait Protagoras .

La vérité est bien concordance avec le réel, mais pas en le copiant : en nous guidant à travers lui et en permettant à nos actions d'avoirprise sur lui. Dans cette perspective, la vérité cesse d'être une valeur de la raison pour devenir une valeur d'existence.

Saint Exupéry déclare dans « Terre des hommes » : « La vérité pour l'homme c'est ce qui fait de lui un homme. » La vérité c'est ce qui l'épanouit, ce qui me « délivre » et m'accomplit : « La vérité, ce n'est point ce qui se démontre. Si dans ce terrain et non dans un autre les oranger développent de solides racines et se chargent de fruits, ceterrain-là c'est la vérité des orangers.

Si cette religion, si cette culture, si cette échelle de valeurs...

et non tellesautres favorisent dans l'homme cette plénitude, délivrent en lui un grand seigneur qui s'ignorait, c'est que cetteéchelle de valeurs, cette culture, sont la vérité de l'homme. » Peut-on encore parler de vérité et d'erreur ? Dans cette perspective, il peut y avoir plusieurs vérités contradictoirescar différents hommes peuvent trouver leur utilité dans des systèmes opposés, être épanouis par des affirmationscontradictoires.

L'erreur même devient à l'occasion une pseudo-vérité pragmatique.

Peu importe, pensaient certainsau temps de l'affaire Dreyfus , que Dreyfus ait été condamné sur des témoignages erronés : il faut considérer la condamnation comme juste car une reprise du procès nuirait au parti nationaliste.

Un polémiste écrivait : « Une erreur, lorsqu'elle est française, n'est plus une erreur. » Le pragmatisme enlève toute signification au mot vérité.

Bien souvent, la découverte de la vérité est pénible pournos passions, nos tendances, nos habitudes.

Quelquefois, disait Renan , la vérité est « triste ». Qu'une affirmation soit consolante, réconfortante, rassurante, cela n'en fait pas une vérité.

Tout au contrairel'esprit critique doit être ici mis en garde : « Les vérités consolantes doivent être démontrées deux fois. ». »

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