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La « vision du bonheur des artistes et des philosophes » - Nietzsche

Publié le 10/08/2014

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nietzsche

Dégagez l'intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son étude ordonnée:

« Le besoin nous contraint au travail dont le produit apaise le besoin : le réveil toujours nouveau des besoins nous habitue au travail. Mais dans les pauses où les besoins sont apaisés et, pour ainsi dire, endormis, l'ennui vient nous surprendre. Qu'est-ce à dire? C'est l'habitude du travail en général qui se fait à présent sentir comme un besoin nouveau, adventice ; il sera d'autant plus fort que l'on est plus fort habitué à travailler, peut-être même que l'on a souffert plus fort des besoins. Pour échapper à l'ennui, l'homme travaille au-delà de la mesure de ses autres besoins ou il invente le jeu, c'est-à-dire le travail qui ne doit apaiser aucun autre besoin que celui du travail en général. Celui qui est saoul du jeu et qui n'a point, par de nouveaux besoins, de raison de travailler, celui-là est pris parfois du désir d'un troisième état, qui serait au jeu ce que planer est à danser, ce que danser est à marcher, d'un mouvement bienheureux et paisible : c'est la vision de bonheur des artistes et des philosophes. «

 

NIETZSCHE

Nietzsche ne propose pas ici une voie privilégiée pour échapper au travail. Il précise au contraire vers quoi celui-ci peut mener lorsqu'on dépasse les exigences premières.

nietzsche

« II.

ENNUI ET JEU -Progressivement, l'homme s'habitue au travail.

Au point qu'en son absence s'impose l'ennui, comme vacuité, temps et énergie pour rien.

L'ennui suppose en effet que les besoins sont comblés, qu'il n'y a donc plus à travailler pour les satisfaire: les habitudes prises, tant par le corps que par l'esprit, dans le travail, restent disponibles et ont elles-mêmes besoin de passer à l'acte.

- Ce que Nietzsche appelle ici le jeu apparaît comme solution pour vaincre l'ennui.

Parce que le jeu obéit à un besoin, non plus subi, mais en quelque sorte choisi: c'est l'être humain qui décide des règles qu'il suivra, indépendamment de ce que lui imposent, dans le vrai travail, les matières.

- Dans cette optique, le jeu apaise le besoin (né de l'habitude) de travailler en le détournant de ses fins habituelles: au lieu de produire de l'utilitaire, il n'a pas d'autre utilité que la dépense d'énergie devenue disponible.

III.

LE TROISIÈME ÉTAT -Qu'est-ce qu'«être saoul du jeu»? En être las ou fatigué, au sens où la fatigue provient du sentiment que ça pourrait ne pas s'arrêter.

Ou bien: en être enivré - c'est-à-dire au-delà de la conscience ordinaire, vivre une éclipse de la conscience individuelle (cf.

Dionysos).

Le jeu, poussé à l'extrême, mène à une souveraineté, à un détachement par rapport au monde des produits, des choses et des besoins.

- Si à cette ivresse s'ajoute l'absence de besoins nouveaux (qui, ramenant l'obligation de travailler, viendrait contredire la souveraineté) le désir d'un «troisième état» peut se former.

Ce troisième état est évoqué en termes métaphoriques (il «serait au jeu ce que planer est à danser, ce que danser est à marcher») qui indiquent une progression: travail = marcher, jeu = danser, troisième état = planer.

S'y affirme «un mouvement bienheureux et paisible»: autrement dit l'accès au bonheur et à la paix.

- Mais l'ambiguïté finale: c'est la «vision du bonheur des artistes et des philosophes», Réalité ou illusion suprême? Ce bonheur, au-delà de l'ivresse, est atteint, non pas en refusant le travail, mais en allant au-delà et après la satisfaction des besoins.

Il n'a plus rien de commun avec le travail; mais il semble que la réalisation de ce dernier constitue son fondement.

CONCLUSION Nietzsche ne propose pas ici une voie privilégiée pour échapper au travail.

Il précise au contraire vers quoi celui-ci peut mener lorsqu'on dépasse les exigences premières.

72. »

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