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La volonté n'est-elle rien de plus que la force de nos sentiments

Publié le 20/03/2004

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- L'explication de ce fait. Mais, en reconnaissant à l'homme le pouvoir d'inhiber la pression des forces qui le poussent à agir, ne retombons-nous pas dans la conception simpliste rejetée au départ : ce refus de l'action immédiate n'est-il pas une forme négative du « je veux parce que je veux » (« je ne veux pas parce que je ne veux pas ») et ne s'explique-t-il pas par l'action des sentiments et des idées ou de quelque autre force inconsciente ? Par des sentiments et des idées. - Effectivement, ai nous subissons l'attrait de la perspective présente, celle-ci ne comble pas tous nos voeux car nous aspirons à beaucoup plus : cette aspiration ne suffit-elle pas à expliquer la remise de la décision ou même le refus d'un bien désirable mais dont l'obtention pourrait nous priver de plus grands biens ? Une expérience répétée nous l'a appris : pour avoir suivi l'impulsion immédiate, nous nous sommes bien souvent engagés sur une mauvaise route et nous avons regretté la hâte de notre choix : aussi nous sommes-nous fait, plus ou moins consciemment, un principe de sagesse pratique de ne pas céder au premier mouvement et de prendre le temps de la réflexion. L'acte volontaire ne résulte donc pas des forces affectives et représentatives de chaque instant : nous pouvons freiner le jeu de ces forces. Mais pour cela nous mobilisons d'autres forces affectives et représentatives. Il semble donc légitime de répondre affirmativement à la question posée : la volonté n'est rien de plus que la force de nos sentiments et de nos idées. Par une autre force. - L'analyse à laquelle nous venons de procéder semble indiscutable, mais la conclusion ne dépasse-t-elle pas les données ?

« II — DE PLUS, CE POUVOIR DE RÉSISTER IMPLIQUE CELUI DE S'ÉLEVER A UN NIVEAU SUPÉRIEUR DE SENTIMENTS ET D'IDÉES A.

— De deux ordres de valeurs Dans une page célèbre, PASCAL a distingué, les opposant deux à deux, trois ordres de réalités :l'ordre des corps, l'ordre des esprits et l'ordre de la charité ou de La grâce : « La distance infinie descorps aux esprits figure la distance infiniment plus infinie des corps à la charité, car elle estsurnaturelle.

» (BRUNSCHVICG, 695-696.) C'est surtout la première de ces oppositions qui nousintéresse ici.

Elle est reprise un peu plus loin : « Tous les corps, le firmament, les étoiles, la terre etses royaumes ne valent pas le moindre des esprits; car il connaît tout cela; et les corps, rien » (p.697).

Du point de vue ontologique auquel se place l'auteur des Pensées, passons aux conséquencespsychologiques et morales qui s'ensuivent : les valeurs spirituelles, c'est-à-dire celles qui satisfontl'esprit, l'emportent infiniment sur les valeurs, matérielles vers lesquelles se portent nos sens.

Il n'y apas entre elles de commune mesure et, par suite, on ne peut pas plus les comparer qu'on ne peutcomparer la lumière et le son : nous avons affaire à deux ordres différents.C'est grâce à cette différence essentielle que la volonté peut intervenir sans se réduire à la force desidées et des sentiments, tout en respectant les exigences rationnelles de l'esprit, bien plus enintroduisant dans le comportement humain la rationalité véritable. B.

— Le rôle de la volonté. PASCAL, en effet, et nous après lui, considère l'infinie supériorité des valeurs spirituelles comme allantde soi.

et comme aussi indiscutable que l'altitude inscrite sur nos cartes de géographie.

Or, il suffit deréfléchir à la conduite de l'ensemble des hommes et à notre propre conduite pour reconnaître que nosjugements spontanés sont tout autres. Dans la reconnaissance de cette hiérarchie. - II fallut à PASCAL beaucoup de réflexion pour se convaincre de l'abîme qui sépare les trois ordres de valeurs.

Quant à nous, il suffit d'un loyal examen de conscience pour nous rendre compte combien facilement nous renversonsl'ordre hiérarchique reconnu comme seul rationnel.

Cette reconnaissance ne suspend pas les attraits sensibles et, pour se maintenir auniveau de la pensée rationnelle comme pour y atteindre, le jeu spontané des sentiments et des idées ne suffit pas : il est besoin d'uneforce supplémentaire, la volonté.Qu'on ne dise pas que, étant supérieures, les valeurs spirituelles doivent l'emporter par l'action qu'elles exercent sur notre esprit et surnotre affectivité.

Car de ce qu'elles sont supérieures en soi, il ne s'ensuit pas nécessairement qu'elles soient supérieures pour nous, c'est-à-dire que nous les reconnaissions comme telles.

Celui qui reste sur le plan des intérêts sensibles ne voit pas cette supériorité et l'accèsau plan des intérêts spirituels exige cet acte de volonté qu'une analyse semble rendre inutile et qui n'en reparaît pas moins toujoursnécessaire.

Comme le dit très bien M.

Paul RICOEUR : « Je ne vois pas les valeurs comme» je vois les choses.

Je ne vois que ce que jesuis prêt à servir (...).

Les valeurs ne sont jamais données à une conscience spectaculaire.

» (Phil.

de la, volonté p.

73.) C'est uneconscience volontaire qui peut seule les saisir. Dans la conformité de l'action avec cette hiérarchie. — Cette saisie est relativement facile au stade de la spéculation philosophique ou de la méditation, alors que nous nous comportons un peu comme de purs esprits.

La difficulté est tout autre au stade de la conduitepratique.

Ce qui semblait aller de soi dans l'abstrait n'a plus la même évidence, et l'évidence intellectuelle elle-même n'entraîne pasautomatiquement l'action : « Je ne fais pas le bien que j'aime, et je fais le mal que le hais.

» L'idée d'un bien spirituel et les sentimentsqu'elle provoque dans l'esprit incarné qu'est l'homme n'ont pas la chaleur et le dynamisme des représentations et des attraits d'ordresensible.

Le vocabulaire ascétique le montre bien : en renonçant à ses biens théoriquement reconnus comme inférieurs, nous avonsl'impression de renoncer à nous-mêmes, de nous mortifier, c'est-à-dire de nous donner la mort, et non de nous élever à un niveausupérieur de vie.

C'est pourquoi le passage de la théorie morale à la pratique n'est pas automatique mais volontaire. C.

— La justification du vouloir. Mais la question rebondit toujours : comment expliquer que l'homme se place au point de vue des valeurs supérieures et, dans sesdécisions pratiques, puisse opter pour elles ? Ou bien ces options sont irrationnelles, et par suite ne peuvent pas être qualifiées devolontaires.

Ou bien elles sont déterminées par des idées et des sentiments, et dans ce cas point n'est besoin d'une intervention de lavolonté.La réponse à cette question est incluse dans la définition même de la volonté.

Celle-ci est le pouvoir, non pas d'être déterminée par desidées ou des sentiments, si supérieurs soient-ils, mais de se déterminer soi-même, non par un coup d'état constituant un commencementabsolu, mais pour des sentiments et des idées d'un ordre supérieur.

Ainsi la volition ne suppose nullement un indéterminisme qui violeraitle principe de raison suffisante.

Mais elle échappe aussi au déterminisme absolu, d'après lequel l'acte suivrait nécessairement les idées etles sentiments les plus forts.

La force des mobiles d'ordre sensible et celle des motifs d'ordre spirituel ne peuvent pas, étant hétérogènes,être mises en balance.

Par suite, ni l'une ni l'autre ne l'emporte nécessairement.

Lorsque nous nous laissons aller à la spontanéiténaturelle, nous tendons vers les valeurs sensibles.

Vouloir consiste précisément à substituer à ce déterminisme dans lequel nous nesommes pour rien un autre déterminisme qui est notre oeuvre : le déterminisme des motifs ou des raisons.

Celles-ci justifient nosdéterminations sans nous déterminer. CONCLUSION.

— Après divers tours et détours nous sommes revenus à la définition de la volonté comme pouvoir de se déterminer et par là de se faire soi-même.

Nous naissons avec une nature que nous ne choisissons pas et qui, dans une grande mesure, détermine ce quenous ferons et l'homme que nous serons.

Mais il reste en elle beaucoup d'indéterminé, et les forces naturelles peuvent être orientéesdans de multiples directions : c'est dans cette large zone d'indétermination que joue la volonté, permettant à chacun de réaliser au moinsquelque chose de ce qu'il veut être.

Sans doute, l'idéal que nous proposons est une idée : le mot le dit.

En tant qu'idéal, il intéresse notreaffectivité et suscite des sentiments qui sont le ressort indispensable de l'action.

Mais la force de cette idée et de ces sentiments estconditionnée par le vouloir.

Sans doute, le conditionnement est réciproque; mais cela suffit pour nous obliger d'admettre que la volontéest autre chose que la force de nos sentiments et de nos idées.. »

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