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L'art est-il une evasion hors du monde ?

Publié le 19/05/2011

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C’est une idée commune de considérer que l’art, par ses oeuvres – qu’elles soient figuratives ou, à plus forte raison, qu’elles ne le soient pas –, nous aide à nous échapper du monde, et donc du réel. Bien sûr, beaucoup de tableaux représentent la nature. Certes on reconnaît des visages, des corps ou des scènes sur les façades sculptées des temples et des églises. Mais la représentation artistique des choses transpose toujours le monde perçu, celui dans lequel nous vivons, selon un style et une manière qui nous dépaysent. Un coucher de soleil de Turner ne sera jamais celui que je pourrais observer au bord de la mer. Quant aux arts plus abstraits, moins figuratifs, comme la musique ou la danse, ils nous font entrer dans un univers propre manifestement très éloigné de celui de notre vie quotidienne. Alors il semblerait bien, en effet, que l’art nous fasse voyager en d’autres mondes que le nôtre et représente en cela, pour nous, une évasion. Il n’est pas sûr toutefois que, si l’art nous embarque, ce soit forcément pour nous faire entreprendre un circuit paisible au pays de l’imaginaire. Il se pourrait que l’expérience de l’art nous confronte à des contraintes et à des nécessités, bref nous reconduise à du réel. Dans une première partie, nous verrons en quoi l’art est une évasion hors monde, puis nous verrons qu’il fait preuve de réalisme, puis nous verrons que l’art nous apporte une connaissance du réel.

 

« de ce qu'il voit, de retracer ou d'effacer les lignes de force, de découper des plans, de faire saillir tel ou tel détail…Le réel acquiert une épaisseur esthétique grâce à l'impact, sur notre perception, de la fréquentation des oeuvresd'art.Mais l'art, qui revitalise ainsi la réalité et nous libère de la banalisation de ses formes et de ses tons, restaure-t-il uncertain rapport au réel ou bien annule-t-il toute prise sur la réalité ? On admettra facilement que l'expérience quenous venons de décrire succinctement revient à faire basculer le perçu dans l'intériorité d'une subjectivité qui sel'approprie en fonction de ses désirs, de ses phobies, de ses fantasmes… Le regard de l'esthète, posé sur la chose,s'esttotalement libéré des contraintes matérielles de son existence, de ses apparences immédiates : le réel s'est, pourlui, dissous dans le libre jeu de son imagination.

Pour le peintre, le monde n'est qu'un tableau ; il est son oeuvre.

Iln'y a pas d'évasion plus radicale que celle qui, d'un coup, anéantit les murs de la prison.

Il reste à savoir si l'on peutréduire l'art à cette fonction d'annulation imaginaire de la réalité. Dans cette seconde partie nous verrons que l'art fait toujours preuve de realisme.On ne saurait confondre les effets esthétiques de l'art sur la perception avec l'expériencemême, directe, de l'oeuvre d'art.

Car une oeuvre d'art est une réalité, elle n'est pas unfragment d'imaginaire.

Même si les toiles surréalistes de Dali (1904-1989) ont une dimension onirique, ce ne sont pasdes rêves.

L'art n'est donc pas un simple prétexte à rêverie : il appartient au réel et à ce titre représente le poidsd'une contrainte.

Quelle est donc la réalité de l'art ? Ce n'est pas par ses apparences sensibles qu'il s'impose à notreesprit, c'est bien plutôt par sa valeur symbolique.

Ce sur quoi l'oeuvre d'art nous met en effet toujours en échec,c'est sur son sens, sur ce qu'elle veut dire.

La liberté que nous avons d'interpréter et de comprendre tel ballet outelle sculpture n'efface pas le sentiment d'une profondeur inépuisable devant laquelle nous ne pouvons que nousincliner.

Non pas qu'elle enferme en elle un sens caché, mystérieux (le mot « mystère » vient d'un verbe grec quiveut dire « fermer, réserver à »), mais la profusion et la richesse de ses significations rendent impossible toutecompréhension définitive.

Dès que ce que produit l'artiste se reconnaît, se déchiffre trop bien, dès qu'une oeuvrenous parle clairement et d'une seule voix, on ne rencontre plus ce mystère qui fait la réalité de l'art, c'est-à-dire soncaractère transcendant (qui dépasse notre esprit) : il n'y a alors plus d'art mais seulement des apparencesartistiques. Ni l'imagination, ni l'intelligence ne sont capables, à elles seules, de rendre compte del'expérience de l'œuvre d'art.

L'art ne se saisit ni par le concept, ni par le reve, encoremoins par les seuls sens : il se distingue par le fait qu'il se dérobe, nous échappe et nousconfronte ainsi à un réel qui dépasse aussi bien les intentions de l'artiste que les attentes deson public.

Mais la transcendance artistique ne se manifeste pas seulement dans lacontemplation de ses œuvres.

La question de la réalité de l'art doit en effet aussi s'envisagersous l'angle de la création.

En quoi l'art est-il pour l'artiste une expérience de réalité ? Si unpeintre s'en tenait à ses images intérieures et si son travail ne consistait qu'à transposer sesrêveries, sans doute ne resterait-il qu'un créateur virtuel.

Le processus de création engagecertes l'imaginaire d'un homme mais en le soumettant surtout à un travail qui au bout ducompte produira tout autre chose que l'image qui en a été l'impulsion.

Cette distorsion, cetécart nécessaire entre l'imaginé et le créé n'est autre que la trace même du génie.

La création confronte l'artiste àdes nécessités qui lui échappent et qui font qu'il ignore ce qu'il est en train de produire.

Contrairement au technicienqui sait à l'avance ce qu'il va réaliser, l'artiste n'a pas de plans, seulement des ébauches qui sont déjà l'oeuvre elle-même, à l'état indicatif a chaque étape de sa réalisation.

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Quelle est cette réalité qui s'impose à l'artiste inspiré ?Le fait est là : la création de son art prouve à l'artiste que son travail le met en prise sur un réel intérieur qui ledépasse. Dans cette troisième partie, nous allons voir que l'art est toujours transgressif et nous ramène toujours a unecomparaison avec le réel.L'art est réel parce qu'il échappe tant à son auteur qu'à son public.

Toutefois, si l'art est bienun rapport à la réalité, cela ne veut pas dire que son travail consiste à s'y conformer, à s'yranger.

L'artiste ne se contente pas de suivre son inspiration comme le chien suit son maître.Il y a dans la création artistique quelque chose comme un acte d'évasion, comme latransgression d'une frontière interdite.

S'il n'y avait en l'âme aucun désir réprimé, aucuneaspiration refoulée, si l'homme avait toujours pu aller jusqu'au bout de ses envies, il ne seserait jamais humanisé et ne serait devenu cet être que nous connaissons et qui ignoretoujours, comme en témoigne l'expérience passionnelle, le véritable objet de son désir.Pourquoi le théâtre, la littérature, le cinéma représentent-ils autant de situations qu'onn'oserait pas vivre soi-même si elles s'offraient à nous ? Même si ces histoires nous fontsouvent rêver, elles vireraient vite au cauchemar si elles devaient surgir dans notre réalité.

C'est la moralité del'homme qui est en cause dans l'expérience artistique.. »

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