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L'art n'a t-il pour but que de nous changer les idées ?

Publié le 03/09/2009

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L’expression « changer les idées « est polysémique. Changer les idées signifie, d’une part, permettre une distraction de l’esprit : il s’agit d’une activité qui consiste à susciter l’amusement d’autrui de sorte à détourner son esprit de ce qui peut susciter un sentiment de  tristesse et d’ennui chez lui. Mais lorsqu’une chose a pour but de « nous changer les idées «, cela signifie également qu’elle a pour but de changer notre mode de représentation, l’opinion que nous avons sur le monde.

Ainsi, en posant la question « l’art n’a-t-il pour but que de nous changer les idées ? « nous cherchons en vérité à savoir si l’unique fin que l’art nous permet d’atteindre est celle qui consiste à nous distraire de notre quotidien, ou à nous permettre de nous représenter d’une manière différente le monde qui nous entoure. Nous verrons que, effectivement, l’art sert à nous « changer les idées « dans les deux sens de cette expression, mais c’est la tournure restrictive « n’avoir pour but que… « qui attirera notre critique. En effet, il semble bien que l’art n’a pas uniquement pour but de changer nos idées, et qu’il peut au contraire s’efforcer d’appliquer notre esprit sur ce qui existe de sorte que nous prenions mieux conscience de la réalité dans laquelle nous vivons.

La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si la fonction de l’art est de distraire notre pensée de ce qui existe, ou, au contraire, d’amener notre esprit à s’y appliquer au mieux. 

« mon pauvre argent, mon cher ami! on m'a privé de toi; et puisque tu m'es enlevé, j'ai perdu mon support, maconsolation, ma joie; tout est fini pour moi, et je n'ai plus que faire au monde : sans toi, il m'est impossible devivre ».

L'avare , Acte IV, scène VII. Dans une telle page, le lecteur trouve un plaisir, une émotion comique à même de le distraire des soucis pressantsde sa propre vie.

b.

L'art et la distraction apportée à notre esprit Mais c'est en un autre sens que l'art a pour but de nous changer les idées : parce qu'il permet de nous « divertir »dans le sens pascalien de ce terme.

Pour entendre celui-ci, faisons un détour par cette page célèbre des Pensées : « Quand je m'y suis mis quelquefois, à considérer les diverses agitations des hommes et les périls et les peines oùils s'exposent, dans la cour, dans la guerre, d'où naissent tant de querelles, de passions, d'entreprises hardies etsouvent mauvaises, etc., j'ai découvert que tout le malheur des hommes vient d'une seule chose, qui est de nesavoir pas demeurer en repos dans une chambre.

Un homme qui a assez de bien pour vivre, s'il savait demeurerchez soi avec plaisir, n'en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d'une place.

On n'achètera une charge àl'armée si cher, que parce qu'on trouverait insupportable de ne bouger de la ville ; et on ne recherche lesconversations et les divertissements des jeux que parce qu'on ne peut demeurer chez soi avec plaisir.

Mais quandj'ai pensé de plus près, et qu'après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j'ai voulu en découvrir la raison, j'aitrouvé qu'il y en a une bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, etsi misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.

Quelque condition qu'on se figure,si l'on assemble tous les biens qui peuvent nous appartenir, la royauté est le plus beau poste du monde, etcependant qu'on s'en imagine, accompagné de toutes les satisfactions qui peuvent le toucher.

S'il est sansdivertissement, et qu'on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu'il est, cette félicité languissante ne lesoutiendra point, il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent, des révoltes qui peuvent arriver, et enfinde la mort et des maladies qui sont inévitables ; de sorte que, s'il est sans ce qu'on appelle divertissement, le voilàmalheureux et plus malheureux que le moindre de ses sujets, qui joue et se divertit ».

Blaise Pascal, Pensées , (éd. Brunschvicg, n° 139) Certes, il est à noter qu'il n'est pas question de l'art dans ce passage.

Mais il peut compléter la série des activitésqui, au même titre que la guerre ou les voyages, distraient l'individu de la contemplation de sa propre misère et del'interrogation sur son destin post mortem.

Lorsqu'un contemporain de Pascal se rendait à la comédie ou lisait unroman tel que Le roman comique de Scarron qui décrit la vie errante et burlesque d'une troupe de comédiens, il se rendait coupable aux yeux de l'auteur des Pensées de la même erreur, du même péché de divertissement puisqu'il consacrait son temps compté sur terre à des frivolités, et non aux seules interrogations profondes, graves etmétaphysiques qu'il importe à un chrétien de se poser.

A ce titre, l'art sert à nous changer les idées , c'est-à-dire à nous détourner de l'unique préoccupation qui devrait être la notre : Dieu et notre salut. II.

L'art ne peut ni ne doit nous changer les idées : c'est la réalité qu'il représente a.

L'art ne se propose pas de nous changer les idées mais de représenter la réalité aussi exactement que possible Cependant, il peut nous sembler tout à fait contestable d'affirmer que le seul but de l'art est de nous changer lesidées, dans la mesure où l'art peut se définir comme une imitation du monde, ce qui implique que les rapports del'artiste au monde ne sont pas de l'ordre du dépassement, mais plutôt de l'étude respectueuse.

En effet, l'artistes'efforce toujours de représenter dans ses artefacts ce qui lui apparait dans le monde : pensons à l'art du paysage,dont nous dirons que les produits sont d'autant plus satisfaisants et dignes de notre admiration qu'ils sontressemblants avec le paysage existant, concret, que l'artiste avait dans l'esprit ou devant les yeux lorsqu'il peignait.Pour appuyer cette thèse, nous pouvons nous rappeler de la célèbre querelle entre deux peintres de l'antiquité,Zeuxis et Parrhasios.

Lors d'un combat d'artiste, le premier représenta des raisins avec tant de vérité, que des oiseaux vinrent les becqueter.

Mais son rival apporta un rideau si fidèlement représenté, que Zeuxis demanda qu'onle tirât le rideau pour faire voir le tableau.

Zeuxis dut s'avouer vaincu, car s'il avait trompé des oiseaux, Parrhasiosavait quant a lui trompé l'homme qu'il était.

A la lumière de cette anecdote, nous pouvons dire que l'art peuteffectivement se définir comme une imitation du monde, dans la mesure où les produits de l'art que l'on juge les plus. »

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