Devoir de Philosophie

L'art ne s'adresse-t-il qu'à nos sens ?

Publié le 29/08/2012

Extrait du document

 De surcroît, l'œuvre n'existe que par son aspect matériel. La dimension sensible de l'art n'est en rien secondaire, puisqu'elle donne au contraire sa réalité à l'œuvre : c'est par la matière que l'œuvre se manifeste dans le réel, s'adresse à nos perceptions. C'est pourquoi le génie lui-même a besoin de connaissances techniques. Peut-être est-ce d'ailleurs le niveau exceptionnel de cette maîtrise qui permet de repérer le génie, en lui donnant la possibilité de proposer des œuvres dont l'achèvement semble inaugurer un style ou une autre conception de l'art. Mais pour Nietzsche, il n'y a pas grande différence entre l'activité artistique du génie et celle de l'inventeur mécanicien ou du savant astronome : il s'agit dans tous les cas d'un travail passionné auquel tous les éléments du quotidien peuvent servir de matériau. Cela rappelle aussi ce qu'écrit Igor Stravinski dans sa Poétique musicale : « Cet appétit qui s'éveille en moi à l'idée de mettre en ordre des éléments notés n'est pas du tout chose fortuite comme l'inspiration, mais habituelle et périodique, sinon constante, comme un besoin de nature «. Nous sommes loin des clichés populaires sur l'inspiration et la visitation romantique de la muse. Ici le mot-clé est : travail. Quel que soit son mode d'acquisition (apprentissage chez un maître réputé pour les classiques ou passage par l'enseignement des beaux-arts), la compétence technique est nécessaire à l'artiste.

« Les arts du langage eux-mêmes ne sont pas immatériels.

Le langage – très marqué par l'esprit – a aussi une matière : les sons ou phonèmes qui composent les mots, etqui constituent un matériau à mettre en forme.

La poésie présente des règles de composition qui doivent être apprises.

Ce n'est pas la seule inspiration qui peut faireconnaître la structure d'un sonnet, d'une ballade ou les lois de la rime classique. Même lorsqu'elle s'affranchit des formes classiques, la poésie (par exemple chez Lautréamont) en vient à inventer une technique autre, jusque dans l'écritureautomatique des surréalistes (cf.

Aragon : « un pauvre d'esprit ne livre automatiquement que des niaiseries »). La littérature a la langue pour matière : pour Roland Barthes : « le véritable écrivain est celui qui considère la langue comme un matériau à élaborer (et non unsimple outil de transmission) ».

Les manuscrits d'auteurs (Flaubert, Proust…) témoignent de leur souci concernant l'aspect sonore du texte, la construction desphrases, des paragraphes, des chapitres, etc.

On se souvient du « gueuloir » de Flaubert, auquel il soumettait tous ses écrits si laborieusement et méticuleusementcomposés.

L'obsession du style de cet auteur le rend particulièrement illustratif de notre propos et nous montre sa pertinence. On peut soutenir aussi que, lorsque le message devient prioritaire, comme dans la littérature engagée, c'est-à-dire lorsque la dimension spirituelle l'emporte sur letravail matériel sur la langue, on est dans la propagande, et non dans l'art.

Il faut bien entendu apporter des bémols à cela : les poèmes de guerre d'Eluard ou Desnosdemeurent sans conteste des œuvres d'art, comme le Canto General de Neruda ou Guernica, dans un autre domaine, de Picasso.

Dans ces œuvres, travail sur lamatière et volonté de délivrer un message s'équilibrent, la maîtrise de la forme servant le propos de la finalité, ici, politique. On observe donc dans toutes les formes d'art, l'alliance pratiquement indissociable de la matière et de la pensée, qui fait que l'œuvre d'art s'adresse en réalité à la fois ànos sens de manière immédiate, à notre sensibilité affective en tant que reflet d'une autre affectivité, et à notre intellect, parce que le produit d'une organisation, d'unevolonté, d'une intelligence et d'un désir de communiquer mis en forme.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles