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l'artiste sait-il ce qu'il fait ?

Publié le 25/10/2005

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I. La création artistique vise à produire un effet sciemment voulu et contrôlé : l'artiste maîtrise sa création comme un démiurge. On peut penser par exemple au narrateur omniscient du roman réaliste. Le procès platonicien de l'art repose sur l'idée que l'artiste nous trompe alors qu'il pourrait ne pas le faire.Mais : le modèle selon lequel la création passe du non-être à l'être oublie qu'il y a toujours un état donné du réel : des déterminismes peuvent aussi s'y appliquer. 2. L'art n'est le moyen d'aucune fin, mais il est une fin en soi : l'artiste sait donc ce qu'il fait sans savoir ce que sa création fera. Même si l'artiste veut obtenir un certain effet, il peut en obtenir un autre (cf. la figure de l'artiste maudit). En un autre sens, l'artiste peut être décrit comme le jouet de l'idéologie de son temps : en croyant faire une chose, il en fait une autre.

« II Un savoir moins que conscient mais plus que pratique : Aristote et Bergson -Aristote : même si le savoir que produit l'artiste par son oeuvre n'est pas susceptible de conscience explicite, iln'empêche que l'artiste produit et maîtrise un sens dans son travail.

Ce sens est-il simplement pratique ? Non si onentend pratique comme la réalisation concrète d'un savoir théorique que n'aurait pas à sa disposition l'art, et auquelil serait soumis.

Le sens véhiculé par l'oeuvre est produit en même temps qu'elle : la pratique de l'oeuvre est doncinventée en même temps que le sens est créé.

Aristote caractérise cette invention pratique, dotée d'un sensnouveau, créateur, comme poesis , dans la Poétique : le savoir de l'artiste est donc poétique, et non pas simplement pratique. -Bergson : dès lors, l'art par cette poesis permet de dévoiler un savoir d'un genre différent de celui de la conscience réflexive.

Un savoir immédiat, en prise directe avec le mouvement et le devenir du monde, sans avoir besoin de laconscience de soi comme médiation, comme le pense Hegel.

Ce savoir de l'artiste est celui de l'intuition : il estrésolument positif, au lieu de n'être qu'un savoir conscient incomplet.

Au contraire, là où la conscience réflexiverigidifie et spatialise, l'intuition garde le sens de la durée et la fluidité de la création que met à profit l'artiste dans sapratique ( La pensée et le mouvant ). III Une forme d'ignorance, de "bêtise" artistique : Nietzsche et Breton -Nietzsche : ce "manque" d'un savoir conscient est même essentiel à l'artiste pour pouvoir exprimer pleinement sapuissance de vie ( Le gai savoir et Ecce homo ).

La conscience de l'artiste se méprend ainsi toujours sur la réelle nature de son oeuvre ; cette faculté de conscience est pour Nietzsche la plus faible chez l'artiste.

Il y a donc unrisque que cette conscience réflexive soit surestimée, et vienne contrecarrer l'exploration inconsciente des affects,sources d'inspiration artistique. -Breton : le surréalisme est ce mouvement artistique qui vise précisément à rendre à l'artiste une forme d'ignorance,d'inconscience dans ses procédés de création (l'écriture automatique des Champs magnétiques ).

Créer pour l'artiste c'est donc revenir à un degré d'inconscience qui favorise l'apparition de la nouveauté : le savoir est ici de l'ordred'une anticipation inconsciente, d'un dépassement de la conscience par des moyens inconscients.

Il s'agit donc pourles surréalistes d'un processus de régression, régression psychique vers l'inconscient, régression existentielle versune animalité, une primitivité ou encore une enfance de l'homme. Conclusion -L'artiste sait ce qu'il fait, mais ce savoir est d'une nature singulière, dans la mesure où il inclut une certaine pertede contrôle de la conscience. -Ce savoir de l'artiste ne se sépare donc pas d'une dimension essentiellement pratique et créatrice : ce savoir estdonc résolument de l'ordre de l'invention et de la découverte. -Cependant, il serait absurde d'exiger de l'artiste un savoir conscient de son oeuvre, un savoir qui permettrait deprévoir et déterminer le résultat de son activité artistique : celle-ci doit relever de l'ordre de l'épreuve et de laliberté la plus fondamentale.

Cette dimension d'épreuve n'est pas incompatible avec une méthode d'exploration del'infra-conscient : Rimbaud évoquait ainsi "un long et méthodique dérèglement des sens".... »

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