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« Le classicisme est une victoire sur le romantisme intérieur », a dit un critique contemporain. En prenant vos exemples dans le théâtre de Racine, montrez : 1° Comment sa tragédie peint fortement les passions et reste cependant « raisonnable », c'est-à-dire respecte la vérité psychologique et la vérité morale ; 2° Comment, dans le style, le sens de la mesure s'unit à l'énergie et à la splendeur de l'expression.

Publié le 27/03/2009

Extrait du document

racine

  • Début. — On peut appeler romantisme intérieur la disposition naturelle à s'abandonner aux excès de l'imagination et de la sensibilité. Les classiques y ont échappé par une victoire de la raison.
  • 1. Rôle de la raison dans l'école de 1660 : critique de Boileau, comédie de Molière, tragédie de Racine, fables de La Fontaine. C'est le règne du bon sens, du naturel, de Tordre, de la mesure.
  • 2. La tragédie de Racine est « raisonnable «.

 a) Il veut des intrigues simples, réprouve l'excès d'imagination et l'extravagance de Corneille. (Préface de Britannicus.)  b) Il peint des passions fortes, telles qu'elles sont dans la nature et non des sentiments chimériques. Profondeur de sa psychologie.  c) Il respecte la vérité morale, en' montrant les effets douloureux et funestes des passions coupables.

  • 3. Le Romantisme exalte l'imagination et la passion.

 a) L'imagination ne connaît plus de frein : intrigues invraisemblables, souvent absurdes et choquantes (Hernani, Ruy Blas, Lélia, Jocelyn).  b) La passion est déchaînée et même divinisée.  c) Le théâtre devient spectaculaire : la couleur locale selon Victor Hugo.

  •  4. A la sobriété classique, le Romantisme fait succéder la luxuriance du style.
  • Conclusion. — Cette discipliné intérieure sur les forces tumultueuses de l'âme est bien le secret de la perfection classique.

 

racine

« dit Hernani).

A ces emportements, à ces mélancolies, ils s'abandonnent tout entiers; ils s'y complaisent, s'y admirentet s'y font admirer : ils sont les élus et les martyrs de l'amour.

Dans ces romans, ces drames, plus de débats deconscience, de luttes intimes où les âmes s'examinent, s'éprouvent elles-mêmes, luttent pour triompher, chezCorneille, hésitent avant de succomber, chez Racine.

Ces âmes, glorieuses de leurs défaites, sont chargéesd'exprimer toute la sensibilité plus ou moins trouble et frémissante de leurs créateurs, d'où le lyrisme dont elles sontdébordantes : René nous apporte la confession de Chateaubriand, comme Lélia celle de George Sand.

Hernani estl'exutoire de l'imagination fastueuse de Victor Hugo.Si nous regardons spécialement le théâtre romantique et surtout celui de Victor Hugo, nous voyons comment celui-ci a lâché la bride à cette imagination; il a bâti des drames brillants, inventé des scènes à effet qui étonnent et quin'ont pas le sens commun.Dans la Préface de Cromwell, Victor Hugo prend à partie les classiques, et notamment Racine, comme ayant coupéles ailes à l'inspiration, enfermée dans « la cage des unités ».

« Si Racine n'eût pas été paralysé par les préjugés deson siècle, s'il eût été moins touché par la torpille classique, il n'eût pas manqué de jeter Locuste dans son drame,entre Narcisse et Néron, et surtout n'eût pas relégué dans la coulisse cette admirable scène du banquet, , où l'élèvede Sénèque empoisonne Britannicus dans la coupe de la réconciliation.

» Essayons de nous représenter commentl'auteur d'Hernani aurait traité le sujet de Britannicus.Il aurait mis Tacite en tableaux vivants; il aurait fait circuler la sinistre Locuste aux détours du palais impérial ; elleaurait fait expirer un esclave à nos yeux; nous aurions assisté chez Pallas à l'ébauche d'une conspiration dontAgrippine serait l'âme avec Britannicus, et quelques officiers des légions auraient protesté de leur loyalisme enversl'héritier légitime, tout prêts à le faire proclamer empereur par leurs soldats.

Cependant Junie aurait rencontré latriste Octavie, pour la consoler et la rassurer.

Et pourquoi Burrhus n'aurait-il pas conféré avec Sénèque, pendantque Néron, suivi de ses amis, « jeunes voluptueux », s'amuserait à une course de chars, pour se faire applaudir parlafoule et secouer l'ennui de cette affaire compliquée qu'il s'est mise sur les bras? Quel beau spectacle, terminé parl'atroce banquet !Racine a préféré à ce « film » sur la cour des Césars 61 sud La décadence romaine, un tableau où nous apercevons,dans des perspectives profondes, la corruption des âmes; quelques allusions nécessaires aux mœurs de la Romeimpériale servent de toile de fond à ce duel effrayant d'une terrible « genitrix » et d'un « monstre naissant ».

Avons-nous perdu au change ?On pourrait de même montrer que, dans le domaine de l'expression, du style, la sobriété des classiques nonseulement n'exclut pas l'énergie mais qu'elle l'augmente.

Elle est aussi une victoire sur « le romantisme intérieur » quivoudrait tout dire, accueillir toutes les images, forcer les mots.

Que de saisissants raccourcis dans telles répliquescélèbres ! Songeons à Chimène : « Va, je ne te hais point...

», à Andromaque : « Mais que ne peut un fils ? Jerespire, je sers...

», à Bérénice : « Vous êtes empereur, Seigneur, et vous pleurez ? », à la prière d'Iphigénie sipleine de retenue.

« Une victime qui se lamente, sèche les pleurs qu'on versait pour elle », a dit à ce proposChateaubriand.

Que de lamentations, que d'apostrophes, de vociférations, quel « faste » dans le style dramatiquede Victor Hugo! Cette continuelle surenchère de l'expression fatigue, elle fait soupçonner l'artifice, nous percevonsle creux de la phrase sonore.

Le but, alors, est manqué.Cette discipline sur les forces tumultueuses de l'âme a bien servi nos classiques au théâtre.

Leur art a bénéficiémême de la contrainte des règles; l'écrivain a fait tout ce qu'il voulait faire, sans se laisser entraîner par les modes,les images et les mots : son œuvre lui obéit, il en a la pleine maîtrise.

Elle semble, chez nos romantiques, échapper àl'auteur; immaturée ou désordonnée, reflet, trop souvent, d'un déséquilibre intérieur ou d'une gageure, elle étonneet séduit mais ne donne pas le sentiment d'une sorte de perfection.. »

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