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Le désir est-il toujours nostalgique ?

Publié le 27/02/2008

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Le désir peut être défini, en première instance, comme élan, un aller-vers. On ne peut en effet ignorer cette dimension motrice du désir, source de déplacement, avant même de réfléchir sur le fait qu'il soit vécu consciemment ou non par le sujet. Et c'est précisément ce qui peut étonner dans un tel sujet : comment cet élan qui m'oriente vers - peut-être même qui ouvre - l'à-venir devant moi, peut-il être la marque du passé ? En effet, comment caractériser la nostalgie si ce n'est comme une attitude qui se tourne vers le passé en regrettant précisément sa disparition ? On remarquera que cette dernière nait avant tout d'un état préalable, un état vécu par le sujet qui, dans le présent fait écho positivement en direction du passé au point de regretter que ce précisément soit précisément passé. Ainsi, le sujet se morfond de ce passage du temps qui pose hors-d'atteinte un épisode qui résonne encore dans son éloignement, tandis que sa conscience se complaît dans les quelques bribes qui lui en laissent encore une légère saveur.             On admettra un terrain préalable à ces deux tendances temporellement inverses. En effet, les deux partent d'un état primordial où s'exprime une souffrance, un malaise, soit le ressenti que quelque chose est perdu irrémédiablement (nostalgie) ou qu'il est absent (désir). Dans les deux cas , on pourrait presque dire que quelque chose manque, quelque chose qui occasionne assez de souffrance pour entraîner le sujet à s'orienter vers cet objet, qu'il soit accessible (désir) ou que seule son image le soit tandis qu'il reste quant à lui en suspension dans des temps à jamais inaccessibles (nostalgie). On remarquera donc un point commun entre les deux tendances : elles naissent d'un état vécu comme souffrance, souffrance occasionnée par un temps toujours appréhendé comme ce qui met à distance l'objet convoité. Plus qu'une simple comparaison, on comprend qu'il s'agit d'une filiation véritable : la nostalgie est un désir particulier. La question étant de savoir si cette dernière recouvre l'entièreté du champ du désir, ou si elle n'en demeure qu'un fragment. En d'autres termes, comment prendre le désir pour quelque chose qui ne s'oriente jamais véritablement vers l'avenir, mais qui sous cette apparence, choisit pour véritable but le passé ?

« quelque chose (en-soi), je m'échappe sans cesse à moi-même.

Que je dise que je suis ceci ou cela, cela n'épuisejamais ce que je suis puisque je suis aussi néant d'être, je suis aussi un vide d'où survient le désir.

Je ne suis pasplein d'être comme une chose, même si j'aimerai pouvoir l'être. Et c'est là que surgit autrui comme nous dit Sartre dans l'Être et le Néant , « médiateur entre moi et moi- même » .

Le regard d'autrui va me figer, me stabiliser dans un en-soi comme le regard des gens en terrasse figent le garçon de café dans son rôle de garçon de café.

Tout ces clients vont éliminer pour ainsi dire son être, vont le fixerdans des limites clairement établies.

L'autre va donc combler ce manque d'être en moi qui m'angoisse.

Je deviensenfin cette chose en-soi.

Ce que pressent ainsi le mythe d'androgyne c'est cette unité perdue qui se signale dans ledésir, un désir qui est toujours désir d'être en-soi, désir d'exorciser l'angoisse qui tiraille mon être toujours en proie àun vertige ontologique. III. Désir comme manque, désir comme excès La question est à présent celle-ci : n'avons-nous pas succombé à une définition erronée du désir ? Nous avons vu que le désir est toujours désir nostalgique à partir du moment où il s'oriente vers autrui.

Mais cela ne vient-il pasd'une conception quelque part négative du désir qui l'envisage toujours comme provenant d'une béance, d'unmanque à être qui se signale à travers lui ? Pourquoi ne pas penser après tout un désir non plus comme manquemais bien comme excès ? Pourquoi ne pas penser le désir comme figure d'abondance plutôt que manque, commegonflement de sève, surcroît de plénitude plutôt que souffrance coupable ? Spinoza, dans l'Ethique , présente l'idée d'un désir comme étant proprement l'essence de l'homme.

Chaque être est ainsi un mode à travers lequel fluctue lapuissance infini de Dieu (la Substance), ce qui se traduit chez ce mode en question comme conatus soit cet effort par lequel il persévère dans son être.

L'accroissement du de cette puissance est vécu par l'individu comme un étatde joie, tandis que la perte de cet accroissement est vécu comme tristesse.

Il faut donc toujours respecter cettetendance, cette puissance d'exister qu'incarne le désir. Ce dernier n'a donc plus rien à voir avec la nostalgie qui serait nostalgie d'une perfection perdue irrémédiablement.

Encore s'agit-il cependant d'effectuer quelques précisions sur lesquelles Spinoza nous éclaire :« En outre, entre l'appétit et le désir il n'existe aucune différence, sauf que le désir s'applique, la plupart dutemps, aux hommes lorsqu'ils ont conscience de leur appétit et, par suite, le désir peut être ainsi défini : "Le désirest un appétit dont on a conscience ».

Comment comprendre cela ? Rappelons que pour Spinoza il n'existe pas de chose qui serait désirable en soi : nous ne désirons pas une chose parcequ'elle est bonne mais nous la trouvons bonne parce que nous la désirons.C'est pour ainsi dire le désir qui fixe la valeur des choses : et cette indexationest lourde de sens.

En effet, si le désir n'est qu'appétit inconscient, il existetoujours ce risque qu'il s'enferre dans des schémas étant précisément ceux dupassé.

L'appétit, c'est cette tendance qui cause en moi un allé-vers ce queje crois m'être bon.

Or, un désir réellement actif doit pour Spinoza être undésir conscient.

En effet, le désir passif où j'appète sans trop savoir pourquoi,où je suis travaillé par l'envie sans connaître la cause de cette envie, estpour ainsi dire une véritable cause de tristesse.

Dans ce désir, c'est le passéqui me travaille, soit une cause dont j'ignore le véritable visage, destendances qui viennent de mon passé, de mon éducation, de mon histoirepersonnelle, ou même –pour employer un anglicisme – mon background.

Onpourrait presque dire que c'est mon passé qui s'exprime à travers moi, je nesuis plus alors qu'un médium à l'exercice de force en jeu dont j'ignore tout.Or, si je ne suis plus cause adéquate de mon désir, c'est-à-dire causevéritable, entière et consciente, je sombre à nouveau dans une passivité oùle désir est troqué contre un simple appétit. Mes affections, c'est-à-dire ces changements qui s'effectuent en moi en raison d'une cause interne ou externe, restent de l'ordre de la passion si jen'en prends jamais véritablement conscience.

Si le désir est non plus manquemais affirmation d'une puissance d'exister, il existe toujours une différence entre celui qui comprend son désirrationnellement (en tirant ainsi ses propres valeurs), et celui qui subit des impulsions et s'y soumet sans regardlucide sur elles.

On ne quitte cependant ici le schéma d'un désir coupable qu'on ne doit chercher qu'à faire taire pourobtenir enfin l' ataraxie , la paix de l'âme.

Ici, un désir ne peut être bâillonné, bien qu'il ne prenne tout son sens que si j'en suis la cause adéquate et non le simple medium. Conclusion Le désir perd son caractère coupable lorsqu'il est positionné à sa véritable place, soit la sève d'uneexistence qui ne persévère dans sa présence que par (et peut-être pour) lui.

A partir du moment où l'on cesse dejustifier le désir à partir d'autre chose que lui-même, où l'on adopte un critère immanent de jugement, on retrouvecette affirmation propre d'un désir conscient, actif qui génère et justifie à lui seul l' à-venir de mon existence.

C'est lorsqu'on l'envisage comme manque à être, manque d'être même, qu'on le rattache à autre chose que lui-même,qu'on perd ainsi sa force et sa légitimité propre.

La nostalgie ne peut à elle seule réclamer l'entièreté du champ dudésire : si elle en est une forme, elle n'en est pas pour autant l'essence même.

Le désir n'est ainsi plus une marquede ma finitude, de mon individuation traumatisante, mais bien de ma liberté.. »

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