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Le langage précède-t-il la pensée ? La pensée précède-t-elle le langage ?

Publié le 20/03/2015

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langage

Il s'agit de systèmes constitués de communication : nous pouvons donc partir d'une première définition du langage comme moyen de communication.

 

Il s'agit en revanche de privilégier les déterminations spirituelles du langage sur d'autres déterminations, cérébrales et biochimiques par exemple, qui auraient parfaitement droit de cité, mais qui font moins l'objet de la philosophie que de la neurobiologie.

 

A vrai dire, cette première ligne de partage trouve son écho dans l'analyse philosophique elle-même : si le langage devait être expliqué par une analyse biochimique du cerveau, c'est parce qu'il renverrait à une nature ; si au contraire l'analyse scientifique n'en épuise pas le sens, il faudrait conclure que le langage est aussi le lieu d'un investissement culturel.

 

Il s'agit finalement de savoir si le langage n'est qu'une disposition organique qui désigne la nature, ou s'il est au contraire le propre d'un homme en société, le lieu de production de conventions.

 

Qu'il soit naturel ou artificiel, le langage ne peut être pensé dans son existence de fait que par le principe du besoin, qui seul permet de rendre compte de son origine.

 

En d'autres termes, le langage est-il un intermédiaire fidèle ou représente-t-il une médiation, un obstacle, entre langage et pensée, langage et réalité?

 

C'est de cette difficulté concrète que l'interrogation philosophique se saisit.

 

La dénomination est le processus par lequel nous donnons un nom aux choses, étant entendu que nous ne donnons pas de noms qu'à des objets : ce que nous cherchons à nommer, ce peut être aussi une disposition d'esprit, comme quand j'appelle «désespoir« ou «bonheur« l'état dans lequel je me trouve.

 

Bref, ce que nous cherchons à nommer, c'est tout ce sur quoi notre pensée porte.

 

Deux exemples peuvent nous aider à le comprendre : quand des parents cherchent pour leur futur enfant un prénom, ils se mettent d'accord sur un prénom apparemment sans rapport direct avec l'enfant à naître : on peut appeler convention l'acte par lequel ils se mettent d'accord.

 

La thèse d'Hermogène débouchera, dans son acception la plus radicale sur ce que l'on appellera le nominalisme, c'est-à-dire l'idée selon laquelle nos idées générales ne sont que des mots (voir là-dessus le texte n° 1).

 

Pour Cratyle qui lui répond, la justesse des noms relève au contraire de la nature : «Cratyle que voici prétend, Socrate, qu'il y a pour chaque chose un nom qui lui est naturellement approprié et que ce n'est pas un nom que certains hommes lui ont attribué par convention, en lui appliquant tel ou tel son de leur voix, mais que la nature a attribué aux noms un sens propre, qui est le même chez les Grecs et chez les barbares« (383b).

 

Pour Cratyle, donc, les noms n'ont pas besoin de nous pour renvoyer par eux-mêmes naturellement aux choses : la désignation a été toute préparée par la nature, principe universel de dénomination puisqu'il est même commun aux Grecs et aux non-Grecs.

 

C'est cet écart, cet «espace immense« que Rousseau s'attache à combler, dans une analyse difficile, honnête et peu concluante (ce sont les «embarras de l'origine des langues« dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes) : cet écart n'est autre que l'écart qui sépare le fait du droit.

 

A ce point, Rousseau accumule de si grandes difficultés logiques qu'il paraît soutenir que l'homme n'a jamais parlé : «la parole paraît avoir été fort nécessaire pour établir l'usage de la parole«.

 

L'artificialité du langage que veut dénoncer le nominalisme de Rousseau laisse la pensée aux prises avec un moyen artificiel, et qui ne peut que la trahir, la déguiser : le langage, grand pourvoyeur d'idées générales abstraites et de raffinements qui sont autant de dévoiements, peut donc faire obstacle à la pensée.

 

Bergson est un remarquable interprète de la thèse selon laquelle le langage fait obstacle à la pensée : sa conception des rapports entre la vie et la réalité fournit le sol propice à cette thèse ; elle sera en effet le socle de sa distinction entre langage et pensée.

 

Le langage est un instrument de l'intelligence, mais il trahit à la fois la réalité et la pensée.

 

Le mot a de ce fait trop souvent tendance à n'être que ce que Bergson appelle un «concept rigide3«, incapable de saisir la souplesse de la réalité.

 

III --- Le langage comme condition de la pensée Platon définissait la pensée comme un silencieux dialogue intérieur de l'âme avec elle-même : cette conception, dont l'idée littéraire contemporaine d'un «monologue intérieur« vient honorer l'actualité, repose au contraire sur l'idée d'une consubstantialité entre le langage et la pensée.

 

Le problème se double encore ici de celui de la pratique du langage : à une chose, à un état d'âme ne correspond pas seulement une énonciation (le mot qui lui correspond), mais aussi toutes celles qui résultent de l'usage du langage, comme les idiomes et les métaphores.

 

Le plaisir du jeu ne s'obtient pas malgré la règle, mais avec elle : le plaisir du jeu, c'est la variabilité des situations possibles à partir des mêmes règles.

 

En ce sens, on peut en effet jouer du langage, c'est-à-dire désigner une même chose par son nom ou par une tournure du langage, par une périphrase, une métaphore, etc.

 

On peut, de même, jouer du sens propre et du sens figuré d'un même mot, ou d'un registre de langage à l'autre ; l'humour est l'exemple même de cet aspect ludique du langage.

 

C'est bien l'indice que le langage n'est pas seulement un moyen de communication qui devrait tendre vers un idéal de sobriété, d'efficacité ; dans le langage, il n'y a pas que du premier degré et des messages, il y a aussi de la place pour de la contingence, du second degré, ou du bavardage.

 

Donc, si le langage possède bien un aspect ludique, celui-ci ne suppose pas seulement l'idée de variation : pas de jeu ni de variation sans règles.

 

C'est en tant que toute langue reçoit sa structure de règles de syntaxe et de grammaire qu'elle est toujours déjà par elle-même une certaine organisation du réel.

 

Humboldt tenait ainsi que toute langue enveloppe un certaine conception du monde ; les mots découpent, organisent le réel, et induisent notre regard sur le monde en même temps qu'ils le traduisent : là où nous n'avons qu'un mot pour dire la neige, les Esquimaux de Thulé en ont cinquante-six.

 

Aussi n'est-il finalement guère étonnant que les sociétés se forment autour de langues plutôt que l'inverse : «nous pensons un univers que notre langue a déjà modelé« disait Benveniste dans ses Problèmes de linguistique générale.

 

En tous cas, l'existence d'un droit dans la langue est bien le signe d'une relation --- toujours vivante et en mouvement --- de maîtrise et de domination sur le réel.

 

Ce sur quoi repose cette opposition, c'est en fait celle, plus simple et générale, entre des choses conçues comme nécessaires, et un langage vu comme contingent.

 

Cependant, cette contingence apparente du langage doit être précisée.

 

La linguistique, dans son effort pour se constituer en science, cherche à déterminer rigoureusement le fonctionnement des langues pour conjurer cette contingence.

 

La première direction est celle du formalisme logique : Frege, puis Russell et Carnap, ont exploré la voie de l'axiomatisation logique du langage.

 

Cette tentative est solidaire d'une critique souvent virulente de la métaphysique, dont le langage ordinaire est incapable, par son manque de rigueur, d'évacuer les non-sens : on lira avec profit à ce sujet le texte n° 4, texte de Nietzsche qui n'est pas sans annoncer à sa manière cette attaque.

 

L'enjeu de cette critique de la métaphysique concerne encore et toujours le sens : dire que la métaphysique en est dénuée, c'est chercher à préserver un sens qui a été mis en danger.

 

Ainsi, l'entreprise de Carnap, telle que Popper la résume, consiste à chercher «à montrer que la démarcation entre la science et la métaphysique et la démarcation entre sens et non-sens coïncident«.

 

C'est bien ce que nous rencontrons dans l'idée contemporaine de communication : du minitel à Internet, du télégramme au courrier électronique, l'idée est bien celle d'une efficacité maximale, d'une moelle du dire, sous laquelle on voit poindre l'idéal de la recherche d'unités minimales de sens.

 

C'est que la tentation du tout-information est un contresens déshumanisant, tant elle prétend s'affranchir des conditions humaines de communication, conditions qui ne sont pas seulement des contingences encombrantes.

 

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« Introduction: le langage, une épreuve pour la pensée ? Il est d'usage de définir le langage par l'homme, et même l'homme par le langage : l'homme est le vivant qui parle.

Pourtant le langage n'apparaît pas au premier abord comme une spécificité humaine.

On parle en effet de langage des signes, et même de langage des animaux ou de langage infor­ matique.

Qu'y a-t-il de commun à tous ces langages? Il s'agit de systèmes constitués de communication : nous pouvons donc partir d'une première définition du langage comme moyen de communication.

On réservera ici à dessein le terme de « langue » au langage entendu dans un sens plus spécifiquement humain.

En prenant un tel parti, nous inscrivons le langage dans le cadre de ses rapports avec la pensée humaine.

Il ne s'agit pas pour autant de faire de l'homme son propriétaire exclusif, ce qui serait un présupposé bien contes­ table.

Il s'agit en revanche de privilégier les déterminations spirituelles du langage sur d'autres déterminations, cérébrales et biochimiques par exemple, qui auraient parfaitement droit de cité, mais qui font moins l'objet de la philosophie que de la neurobiologie.

A vrai dire, cette première ligne de partage trouve son écho dans l'ana­ lyse philosophique elle-même : si le langage devait être expliqué par une analyse biochimique du cerveau, c'est parce qu'il renverrait à une nature ; si au contraire l'analyse scientifique n'en épuise pas le sens, il faudrait conclure que le langage est aussi le lieu d'un investissement culturel.

Il s'agit finalement de savoir si le langage n'est qu'une disposition organique qui désigne la nature, ou s'il est au contraire le propre d'un homme en société, le lieu de production de conventions.

Le langage est-il naturel ou culturel? Qu'il soit naturel ou artificiel, le langage ne peut être pensé dans son existence de fait que par le principe du besoin, qui seul permet de rendre compte de son origine.

Le langage semble donc exister comme un moyen, en tout cas comme quelque chose qui est susceptible de remplir un besoin.

Comment concilier ce mode d'être avec l'essence du langage, qui est un. »

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