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Le libre-échange permet-il de réduire les inégalités de developpement ?

Publié le 27/02/2008

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                Le libre échange désigne un système de commerce international reposant sur l'absence de barrières douanières et non douanières à la circulation des biens et des services. La question de savoir s'il permet de réduire les inégalités de développement ne peut d'emblée être réduite, comme on le fait souvent en commentant l'actualité, à une simple question de fait. En effet, le libre échange est plutôt un état d'exception que la règle des relations commerciales. Théorisé progressivement tout au long du XVIIIème siècle, le libéralisme économique n'est mis en œuvre au XIXème siècle que dans des cas limités, le protectionnisme (barrières douanières, règlements contraignants) et l'interventionnisme (aide de l'État à un secteur d'activité sur son territoire) restant la norme. Les modifications récentes des relations commerciales ne doivent donc pas donner lieu à une illusion rétrospective.

                Ce caractère exceptionnel du fait doit nous indiquer une question proprement théorique : celle de la justification du libre échange. S'il a peu convaincu dans les faits (plutôt que dans les discours), c'est que le libéralisme n'a pour se justifier que des arguments contre-intuitifs. Le principal est celui qui consiste à poser le libre-échange comme facteur de développement, et à partir de ce point, comme facteur de réduction des inégalités de développement. Si ce point est contre-intuitif c'est parce qu'il suppose avant tout de considérer sous un nouvel angle la notion d'échange : celui-ci ne devrait pas être conçu comme un jeu à somme nulle, où il y a forcément un gagnant et un perdant, mais comme un phénomène gagnant-gagnant. C'est parce qu'il profite à tous les acteurs de l'échange que le libre échange peut réduire les inégalités de développement, c'est-à-dire être facteur de mutations positives (non seulement économiques mais aussi techniques, démographiques, sociales, sanitaires...) dans une zone géographique (non seulement nationale mais aussi continentale ou régionale).

                Ces remarques préliminaires nous permettent de poser le problème théorique au niveau même du  concept d'échange : ou bien le lien théorique entre libre échange et réduction des inégalités de développement est fondé, et il faut dissocier échange et concurrence, l'échange étant à l'avantage de tous, ou bien le lien n'est pas fondé, et l'échange tombe fatalement sous la catégorie de concurrence. Le commerce peut-il être pensé comme coopération plus que comme concurrence : tel est le problème philosophique posé par la justification du libéralisme économique en termes de réduction des inégalités de développement.

« II.

Ce qui pose problème c'est l'application à la réalité de ce qui semble constituer en théorie un cerclevertueux où les bénéfices accrus à l'exportation provoquent dans l'ordre croissance des salaires, surplus d'épargne,augmentation de la demande, et donc aussi hausse des importations.

Ce phénomène gagnant-gagnant permet demontrer les faiblesses des approches en termes de compétitivité : en réalité les branches favorisées dans le cadrethéorique du libre échange sont celles où les salaires sont les plus élevées.

La logique de concurrence ne peut passe transposer telle qu'elle du niveau entre les entreprises au niveau entre les pays.

L'ouverture commerciale permetaux économes de se spécialiser dans les secteurs, où, précisément, la productivité relative est la plus haute, doncoù les salaires sont les plus élevés.

Néanmoins le problème est de savoir précisément en quoi consistent les inégalités de départ quipermettent de parler de différence dans les coûts d'opportunité.

Le problème est en effet que ces différences sontcomprises en termes de capacités technologiques et ne permettent pas de comprendre les modes d'acquisition deces capacités.

Du coup on est amené à concevoir que certains pays sont par nature voués à produire des biens etdes services à hauts rendements car utilisant de grandes ressources technologiques, et d'autres voués à produiredes biens à faibles rendements.

L'idée que l'ouverture au marché, du coup, permet moins d'acquérir de nouvellescapacités, que de mettre à profit une inégalité de départ, révèle trois difficultés qui convergent vers un problèmecentral : 1) les coûts d'ajustement d'une ouverture au libre-échange peut nuire au développement de l'économie dans son ensemble 2) il est inévitable que l'ouverture au marché conduisent à des inégalités sociales et régionales accrues à l'intérieur du pays qui pratique cette ouverture 3) et même si l'échange produit un gain pour tous les acteurs, la répartition de ce gain peut être inégalitaire au point de consolider les inégalités de développement. Transition : le problème central réside dans le fait que le principe d'avantages comparatifs tend à masquerl'importance des rapports de force entre les acteurs de l'échange.

C'est ce que montre en premier lieu l'analyse destermes de l'échange et de leurs déterminants.

C'est par cette analyse qu'a lieu une remise en cause du principe desavantages comparatifs et du même coup de la justification du libre-échange comme facteur de réduction desinégalités.

Critiques radicales III.

La répartition du gain propre à la logique de l'échange n'a aucune raison d'être égalitaire.

La distributioninternationale des gains à l'échange ne dépend pas des niveaux de salaires ou de productivité, mais de la taille depays et du type des secteurs sur lesquels porte sa spécialisation.

Ainsi, un pays gagnera d'autant plus qu'ilexportera des biens dont le prix est élevé, et qu'il importera des produits bon marché.

Les deux prix constituent cequ'on appelle els termes de l'échange.

En fait le libre échange s'est surtout manifesté comme libre échange imposépar des économies fortes (qui par ailleurs se protègent les unes contre les autres) sur des économies dites en voiede développement.

Ainsi les pays du sud ont subi une détérioration des termes de l'échange avec la conjonctiond'une chute du prix des matières premières et d'une hausse du prix des produits manufacturés.

Non seulement on seretrouve dans le cadre classique de l'échange concurrentiel à somme nulle (puisque les termes de l'échange de l'undes partenaires est nécessairement l'inverse des termes de l'échange de l'autre) mais on remet en cause lapossibilité même d'une réduction des inégalités par le libre échange dans la mesure où la spécialisation impliquéeproduit augmentation de la demande des biens importés et augmentation de l'offre des biens exportés, donc de faitdétérioration des termes de l'échange pour le pays qui doit encore effectuer sa spécialisation.

Ainsi, le libre-échange semble pour les pays en développement devoir accroitre les inégalités dedéveloppement plutôt que les résorber.

D'où un effet purement destructeur dans la mesure où la spécialisationdétruit des emplois (ceux des secteurs d'importation) sans parvenir à en créer suffisamment dans les secteursd'exportation, nouveau déséquilibre qui vient s'ajouter aux coûts d'ajustement.

Les différences empiriques entre lespays d'Afrique et les pays d'Asie de l'est suggèrent que les facteurs de développement de ces derniers sontirréductibles à leur ouverture au commerce international.

Les échanges mêmes libres de contrainte exogènes n'encomportent pas moins des logiques de marginalisation et de concentration qui n'obéissent en rien à une logiqued'équilibre et de développement partagé.

Cela est d'autant plus frappant si l'on donne un sens fort à l'idée de développement en ne le réduisantpas à des critères économiques de production de biens et de services échangeables, mais aussi 1) au développement humain qui doit prendre en compte des critères sociaux (éducation et santé) 2) au développement durable qui s'oppose à des logiques de libéralisation forcée (accroissement des distances, précarisation des travailleurs, urbanisation et industrialisation à outrance sans exigencesenvironnementales). Conclusion On ne peut transformer une explication d'un phénomène économique en justification d'une politiqueéconomique, telle semble être la leçon à tirer de cette analyse critique du principe des avantages comparatifs.Contrairement au discours des économistes, il apparaît clairement que si les avantages comparatifs expliquenttoujours en partie le commerce international, c'est en faisant jouer les motivations des agents économiques (lesentreprises) qui ne peuvent servir de base normative pour définir une politique économique, et qui ne rendent pascompte d'un équilibre ou d'une tendance vers un équilibre non inégalitaire.. »

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