Devoir de Philosophie

LE SCEPTICISME, SES MERITES ET SA CRITIQUE

Publié le 16/03/2011

Extrait du document

   Le scepticisme a essentiellement été développé dans l'Antiquité, et paradoxalement, c'est dans l'école de Platon qu'il s'est développé. Platon avait fondé l'Académie : la Nouvelle Académie ne tarde pas à abandonner le dogmatisme de Platon, et tombe dans le scepticisme. Il y a avait déjà chez Platon quelque chose qui pouvait le préparer, le refus de considérer le monde sensible comme susceptible de vraie science, mais Platon affirmait qu'il y avait une science concernant les idées; bien plus, au fur et à mesure de sa carrière, il admettait de plus en plus une sorte de pénétration de l'idée dans le sensible, une possibilité de le connaître, car le Platonisme vulgaire semble nier toute science hors de l'idée, mais le platonisme le plus profond affirme qu'il n'y a de science que par l'idée, ce qui ne veut pas dire que ce qui n'est pas idée soit soustrait à la science, mais signifie que le propre de la science est de faire pénétrer l'idée partout : ce qui est connu l'est par l'idée. L'idée pour le platonisme profond, n'est pas une région séparée en dehors de laquelle il y a absence de science, mais le moyen de comprendre même ce qui est étranger à l'idée.   

« Or, pris à la lettre et admis sans réserve, le principe du déterminisme universel impliquerait (conformément à latroisième analogie de l'expérience) une action et réaction réciproques de tous les êtres et événements du monde1.Tout dépend de tout, le moindre choc imprimé ici à un électron produit un ébranlement aux confins de l'univers,c'est même pour cela qu'il y a un univers : les savants usent volontiers de ce langage.

Mais ils s'empressentd'ajouter que ce sont là vues théoriques dont la pratique de la science n'a pas à tenir compte.

Et en effet, notePainlevé, si le chimiste, préparant l'analyse d'un gaz, devait se préoccuper de la pluie qui tombe présentement auCap ou de la température de Sirius, il n'aboutirait jamais.

On ne pourrait que dire avec Pascal : « Toutes chosesétant causées et causantes, médiates et immédiates, et toutes s'entretenant par un lien naturel et insensible qui lieles plus éloignées et les plus différentes, je tiens pour impossible de connaître les parties sans connaître le tout, nonplus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties », et avec Pascal encore, de cettesolidarité intégrale de la nature, de cet « enchaînement de toutes les parties du monde l'une avec l'autre», onconclurait au scepticisme radical.

C'est pourquoi le savant, sans nier la dite solidarité, se comporte comme si lanature avait, suivant le mot de Balfour, une « structure fibreuse », comme si elle procédait par « lignes de faits »isolables, et comme si chaque phénomène était fonction d'un petit nombre de facteurs : ce qui lui permet, d'uncôté, de faire place au hasard, dans le sens d'Aristote et de Cournot, en tant que rencontre de séries causalesindépendantes; d'autre part, et par la discrimination même des cas qui impliquent le hasard et de ceux qui l'excluent,de rapporter les phénomènes à un petit nombre de variables susceptibles d'être comprises en une fonction ouéquation mathématique, c'est-à-dire de formuler des lois telles qu'en comporte la physique.

En un mot, le savantcomme savant ne fait état que de déterminismes partiels; quant au déterminisme universel, il l'ignore, ou, s'il estimedevoir le professer par ailleurs, dans l'exercice de son métier il l'oublie. Mais, de ce que la connaissance ne peut jamais être totale, il ne suit pas qu'elle soit nulle, ou fausse.

Et comme onprouve le mouvement en marchant, on prouve que l'esprit humain est capable de vérité par les progrès qu'ilaccomplit chaque jour dans les sciences.

Refuser le scepticisme, ce n'est pas établir le dogmatisme, mais dire qu'il ya au moins une connaissance relative. 3° Les mérites du scepticisme. Cependant il serait injuste de ne pas reconnaître un apport positif du scepticisme. a - Historiquement, le scepticisme n'a pas joué un rôle uniquement négatif : grâce à lui, ont été remises en questionde pseudo-évidences : le mérite de tout scepticisme est de provoquer un retour à l'observation; en reculant, voiremême en annulant l'ambition d'expliquer, il incite à regarder avec plus de sincérité : il est une sorte de purgation despréjugés, un doute excessif, mais débouchant sur le contact avec le réel.

C'est pourquoi, à la suite du scepticismeantique se sont développées des recherches de médecine, par exemple.

C'est ce que souligne Léon Robin dans sonlivre sur « Pyrrhon et le scepticisme grec » : « Dès qu'on se refuse à accepter aveuglément tout ce qui, sans contrôle et par parti-pris, est tenu pour êtreévident, tout ce qui est soi-disant démontré, mais ne l'est qu'à partir de cette prétendue évidence, alors le champreste libre pour une science fondée sur la considération attentive des faits en eux-mêmes, sur une analyse desreprésentations actuelles ou remémorées, sans aucune ambition de les expliquer en les rassemblant tant bien quemal sous quelques principes posés a priori et impérativement formulés.

Un tel résultat ne pouvait être obtenu qu'àune condition : c'est que la purgation des préjugés fût radicale, que le doute fût hyperbolique et excessif; il fallaitfermer toutes les avenues, bien plus, tous les pertuis, par lesquels l'illusion d'une connaissance véritable pûts'avancer d'une marche royale ou se glisser subrepticement : il fallait combattre l'ennemi avec ses propres armes, ilfallait à la dialectique dogmatiste en opposer une autre qui fût la plus exhaustive et la plus retorse qui se pourrait :ce qui l'exposerait d'ailleurs à être au besoin cavillatoire et même sophistique...

La critique se devait de tentertoutes les aventures, afin de montrer qu'il n'en est aucune qui ne conduise à un échec : elle devait se forcer à nerien épargner, à ne pas envisager seulement les raisons alléguées en fait par les dogmatistes, mais encore cellesdont on peut imaginer qu'ils se seraient servis, s'ils y avaient pensé; il lui fallait en varier inlassablement les aspects,de façon, comme il est dit dans le Parménide, à passer et virevolter partout où pourrait vouloir passer et virevolterl'adversaire.

Tout sera donc passé dans le crible : l'inférence causale et la notion même de cause, la démonstrationsyllogistique ou non, le raisonnement inductif.

Il n'y a que les faits qui comptent et la variation des circonstancesdans lesquelles ils sont observés. Et pourtant ce travail de destruction, par lui-même et contre toute attente, et, qui sait? contre l'attente même deceux qui en furent les auteurs, a été en un sens un travail constructif.

Car, en fermant certaines portes surlesquelles brillait l'enseigne d'un passé illustre, on en ouvrait d'autres sur un avenir qui ne ressemblerait pas à cequ'avait été ce passé.

Effort analogue, toutes réserves faites sur la portée de cette comparaison, à celui de lamathématique et de la physique contemporaines pour mettre en question quelques-uns des principes qui jusqu'alorsavaient semblé les plus évidents ou les mieux établis.

La pensée humaine comporte servitude et grandeur : leScepticisme a voulu surtout mettre en lumière la servitude, du fait qu'il a insisté sur notre crédulité, sur notreinconsistance, sur notre penchant à nous bercer d'illusions spéculatives, sur la facilité avec laquelle nous nouspayons de mots et de mythologie abstraite.

Mais en appuyant comme il l'a fait sur ces tares profondes de notreesprit, il a projeté sur la grandeur de celui-ci une vive lumière, puisqu'il l'a révélé capable de soumettre les valeurstraditionnelles à une critique dont aucun scrupule ne réfrène les rigueurs, apte à pousser dans une entière et libresincérité jusqu'à ses extrêmes limites un impitoyable examen de conscience.

». »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles