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LE TEMPS - BERGSON

Publié le 21/01/2020

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temps

Dégagez l’intérêt philosophique du texte suivant, en procédant à son étude ordonnée.

Quand l'enfant s’amuse à reconstituer une image en assemblant les pièces d’un jeu de patience, il y réussit de plus en plus vite à mesure qu’il s’exerce davantage. La reconstitution était d’ailleurs instantanée, l’enfant la trouvait toute faite, quand il ouvrait la boîte au sortir du magasin. L’opération n’exige donc pas un temps déterminé, et même, théoriquement, elle n’exige aucun temps. C’est que le résultat en est donné. C'est que l’image est créée déjà et que, pour l’obtenir, il suffit d’un travail de recomposition et de réarrangement — travail qu’on peut supposer allant de plus en plus vite, et même infiniment vite au point d’être instantané. Mais, pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire. Ce n’est pas un intervalle qu’on puisse allonger ou raccourcir sans en modifier le contenu. La durée de son travail fait partie intégrante de son travail. La contracter ou la dilater serait modifier à la fois l’évolution psychologique qui la remplit et l’invention qui en est le terme. Le temps d’invention ne fait qu’un ici avec l’invention même. C’est le progrès d’une pensée qui change au fur et à mesure qu’elle prend corps. Enfin, c’est un processus vital, quelque chose comme la maturation d’une idée.

Le peintre est devant sa toile, les couleurs sont sur la palette, le modèle pose ; nous voyons tout cela, et nous connaissons aussi la manière du peintre : prévoyons-nous ce qui apparaîtra sur la toile ? Nous possédons les éléments du problème ; nous savons, d’une connaissance abstraite, comment il sera résolu, car le portrait ressemblera sûrement au modèle et sûrement aussi à l’artiste ; mais la solution concrète apporte avec elle cet imprévisible rien qui est le tout de l’œuvre d’art. Et c’est ce rien qui prend du temps.

Bergson, L’évolution créatrice, © PUF, coll. « Quadrige », 8’ éd. 1998, p. 1,5.

est donc en un sens déjà finie, puisque l’enfant en a eu la vision quand il a ouvert la boîte, contemplant à l’avance ce qu’il doit obtenir (et confondant ainsi, d’une certaine manière, le futur avec le présent — ce qui signale bien, d’un point de vue « théorique », l’effacement du temps). En second lieu, dans la mesure où il ne s’agit là que d’un travail de « recomposition », Bergson affirme qu’on peut le supposer « allant de plus en plus vite, et même infiniment vite au point d’être instantané ». Il s’agit bien en effet de « supposer » et de maintenir un point de vue « théorique », puisque, concrètement, la recomposition de l’image ne sera jamais instantanée. Comprenons qu’il s’agirait d’analyser cette situation à la façon dont on néglige par exemple les mouvements réels d’une feuille qui tombe, pour affirmer qu’elle obéit à la loi de la chute des corps... Ce qui importe, pour Bergson, c’est de faire comprendre que, là où il y a simple reconstitution, l’intervention du temps n’est pas fondamentale : il n’est qu’un temps en quelque sorte perdu en essais et erreurs, un temps dont il serait légitime de faire l’économie (et c’est pourquoi il réalise cette économie d’un point de vue « théorique »)

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« 58 L'HOMME ET LE MONDE - Faut-il discuter longuement les conceptions impliquées par ce que Bergson écrit à la fin de l'extrait à propos de la réalisation du portrait? - Opposition entre ce qui obéit à un modèle et ce qui est à inventer : comment le temps intervient-il essentiellement dans le second cas ? • Pièges à éviter - Inutile de résumer tout ce que vous pouvez connaître de la philoso­ phie de Bergson.

- Ne pas dériver vers une comparaison esthétique entre ce que fait l'enfant et ce que produit l'artiste.

- Ne pas non plus s'égarer dans des considérations d'esthétique géné­ rale.

CORRIGÉ [Introduction] Le temps est souvent perçu comme destructeur : c'est déjà ainsi que Platon le caractérisait.

Dans cet extrait, Bergson souligne au contraire à quel point le temps est essentiel pour que se produise une invention.

C'est quand il n'y a rien de nouveau que le temps est inutile, mais la mise au point d'un élément inédit - notamment dans la représentation artistique - suppose une recherche, une maturation, qui exigent du temps, qui «prennent du temps ».

[I.

La reproduction n'a pas besoin de temps] Le premier exemple proposé par Bergson est simple, mais la présenta­ tion qu'il en fait frôle le paradoxe.

Nous avons en effet l'habitude, lorsque nous voyons un enfant manipu­ ler les éléments d'un jeu de patience ou d'un jeu de cubes pour reconsti­ tuer une image, de considérer qu'il lui faut un certain temps pour réussir.

Or Bergson soutient le contraire : «l'opération n'exige pas un temps déterminé, et même, théoriquement, elle n'exige aucun temps».

Qu'elle n'exige pas un temps« déterminé», on l'admettra encore aisément si l'on comprend « déterminé » comme synonyme d' « obligatoire », ou de « constant » : on sait que l'enfant réussit, à force de répétitions, de mieux en mieux et de plus en plus vite, et Bergson le souligne lui-même.

Il semble initialement plus difficile d'admettre que l'opération« théori­ quement, n'exige aucun temps».

Pour justifier cette affirmation, Bergson fait valoir deux éléments : la recomposition de l'image a déjà eu lieu, elle. »

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