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Le travail est-il le lien le plus étroit entre l'homme et la réalité ?

Publié le 09/03/2004

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Le travail est l'exercice quotidien de cette obéissance, de cette soumission intelligente au réel. «Intelligente« car le travail-leur ne copie pas le réel, il en ressaisit la dynamique profonde pour la faire servir à ses propres fins. Le réalisme du travail tient aussi au caractère singulier, individuel, du terme auquel il aboutit. En touchant à la matière - à comprendre au sens large comme ce dont une chose est faite -, le travailleur touche au principe même de toute individuation. Monter une entreprise, c'est en prendre à bras le corps tous les éléments (capitaux, fournisseurs, bâtiments, personnel) et les faire fonctionner pour les rendre féconds. Les ergonomes en tous genres en restent à des considérations abstraites qui les dispensent de vérifier ce qu'ils croient trop souvent avoir repéré de l'ordre du monde. Le travailleur lui, comme l'expérimentateur, est bien contraint d'éprouver la solidité de ses hypothèses. Il n'y a qu'un maçon, un menuisier et un médecin à savoir ce qu'est la pierre, le bois et le corps humain parce qu'il n'y a qu'eux à les manipuler. Ce qu'est la réalité, c'est ce dont elle est capable et ce dont elle est capable seuls ceux qui la refaçonnent le savent.C'est donc en tant que mimesis de l'énergie naturelle, assimilation pratique et féconde du dynamisme du réel au profit d'oeuvres utiles que le travail établit un lien particulièrement étroit avec la réalité.

  • I) Le travail est le lien le plus étroit...

a) L'homme est une création du désir. b) Le "principe de réalité" relaie le principe de plaisir. c) Travailler c'est expérimenter la résistance du réel.

II) Le travail n'est pas le lien le plus étroit...

a) La réalité est multiple. L'art nous plonge dans une autre réalité des choses. c) Le travail manie les choses sans les comprendre.

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« 2.

La glaise et le potier Réduire le travail à la mise en pratique d'un savoir-faire qui singerait le réel, c'est oublier la nouveauté radicale desartefacts comme celle des besoins auxquels ceux-ci répondent.

Si imiter n'est pas copier, mais interpréter, imiterc'est s'ajouter à la nature, y imprimer sa marque.

Interpréter un rôle comme un morceau de musique, c'est entraduire une des significations possibles ; c'est assumer ce rôle, le prendre sur soi et, par là, le modifier, lui donner lemode qui lui manquait.

Humanisation de la terre, métamorphose du donné, telle est la vérité du travail.

L'art estcréateur et le travail aussi qui en est l'application concrète.

Sans doute la création n'est-elle pas ex nihilo, sansdoute travaille-t-on toujours quelque chose qu'on n'a point fait, mais ce qui fait l'art ce n'est pas tant le matériaude l'art que sa mise en forme.

Et ici la forme c'est l'idée humaine, le projet humain «qui n'est pas de ce monde».

Leprincipe de l'art c'est l'intellect, l'intellect pratique au service de toute l'amplitude du vouloir.

Et l'objet du vouloircréateur c'est le possible dont le réel n'est qu'une toute petite frange.En tant que processus réalisateur de l'idée, le travail enrichit le monde de tout ce que naturellement il ne donneraitpas.

Car le réel ne se borne pas à être ce sur quoi achoppe l'effort humain, ce qui résiste à toutes ses entrepriseset dont le respect religieux garantit l'efficacité.

Le réel est aussi le résultat du concours de l'imagination créatrice etdes lois du monde donné.

Les besoins, à la source de la vie de travail, sont aussi du réel.

L'infini des possibles quel'homme s'emploie à rendre effectifs, c'est encore du réel.

Est réel tout ce qui existe et la nécessité des oeuvreshumaines nous assure qu'elles ne sont pas des chimères.Mais quel profit tirer de ce que le monde ouvré est un monde original? En quoi cela nous aide-t-il à répondre à laquestion de savoir si le travail est le lien le plus étroit entre l'homme et le réel? En ceci: c'est l'incomplétude du réelavant toute transformation, son insuffisance à lui-même que l'homme appréhende dans l'activité laborieuse.Transformer le monde, ce n'est ni le fuir ni le nier, c'est le révéler.

En travaillant, l'homme épouse le monde pour leféconder.

La virginité de celui-ci se doit d'être temporaire.

Un réel qui ne porte pas de fruit n'a pas de raison d'être.Le caractère infini de l'inventivité humaine répond à l'infinie potentialité de la réalité.

La virtualité du monde est cequi attend de l'art humain son achèvement.

De même que connaître un homme c'est, par-delà ce qu'il est de fait, ensaisir la vocation, de même connaître la réalité c'est y déceler les orientations indécises, les lignes imprécises quel'outil arrêtera.

Le travail lie l'homme à la réalité comme à ce qui appelle d'être parfait par lui.

Cultiver un champ,construire un pont, diriger une agence de voyages, c'est sculpter un donné plastique qui est fait pour être sculpté.Le réel est offert à l'homme pour que leur mariage leur permette d'être eux-mêmes, et l'homme et le monde.Percevoir l'incomplétude du monde est certes en percevoir quelque chose.

Toutefois, née du besoin, l'intelligencepratique à l'oeuvre dans le travail adopte une perspective qui, comme toutes les perspectives, est limitée etpartielle.

Bergson, après Nietzsche, a tout dit de l'intelligence au service de l'appétit et qui n'appréhende du réel que le profit qu'elle en peut tirer.

Le rapport intéressé que le travail instaure entrel'homme et la réalité n'épuise pas cette réalité.

«Nous nous demandons quelleest la portion du monde matériel à laquelle notre intelligence est spécialementadaptée.

Or pour répondre [...], il suffit de se placer au point de vue du senscommun.

Partons donc de l'action et posons en principe que l'intelligence vised'abord à fabriquer.

La fabrication s'exerce exclusivement sur la matièrebrute, en ce sens que même si elle emploie des matériaux organisés, elle lestraite en objets inertes, sans se préoccuper de la vie qui les a informés.

De lamatière brute elle-même, elle ne retient que le solide : le reste se dérobe parsa fluidité même.

Si donc l'intelligence tend à fabriquer, on peut prévoir quece qu'il y a de fluide dans le réel lui échappera en partie et que ce qu'il y a deproprement vital dans le vivant lui échappera tout à fait» (EC, PUF, p.

154).En tant que le geste du travailleur dessine et anticipe ce qui, dans le monde,peut se soumettre à ses intérêts, il est abstrait et n'a rien de concret.

Pourque le rapport intéressé de l'homo (faber à la réalité épuisât tous les rapportsque l'homme peut entretenir avec elle, il faudrait que la réalité ne fût rienavant sa transformation.

Il faudrait qu'elle fût amorphe, sans consistance.

Sitel était le cas, on ne comprendrait pas la résistance que l'homme rencontredans son travail, on ne comprendrait pas que l'homme dût faire avec elle ets'appuyer sur elle.

Si la réalité se réduisait à ce qu'en peut faire l'homme, elles'évanouirait.

Or quand même la pesanteur du réel suscite l'interrogation del'artiste qui cherche à s'en servir, cette interrogation reste pragmatique: «Comment faire pour tirer avantage de ce qui, au premier abord, résiste à mon vouloir?» Voilà le seul regard que letravailleur porte sur ce dont l'existence et la nature sont indépendantes de lui.

C'est dire l'étroitesse de ses vues.C'est dire combien les liens qui l'attachent au réel, si forts soient-ils comme le besoin, sont ténus.

Ruser avec larésistance que le vouloir d'autrui nous oppose, c'est faire notre volonté, non la sienne.

Et même si floué par nossoins, ce même autrui réalise comme malgré lui ce pour quoi il est vraiment fait, il demeure que le gouvernementbienveillant du prochain n'est pas à confondre avec l'asservissement dans lequel on tient celui-ci.

En autant doncque le travail transforme le monde pour le soumettre à nos projets, il rate de la réalité tout ce qui ne se prête pasen elle à cette transformation.3.

«Apprivoise-moi », dit le réelCe n'est ni parce que le travail mime le fonctionnement de la nature, ni parce qu'il achève la création qu'il lie le plusl'homme au réel.

Dans les deux cas, le travail se sert de la réalité, et s'en servir ce n'est pas tout à fait larencontrer et la comprendre.

Pour que le travail fût le lien le plus étroit entre l'homme et le monde, pour que le lienpratique fût le plus profond et le plus radical, il faudrait que la réalité se réduisît à du faisable.

Or l'approche vraie du. »

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