L'énonciation de ses idées constitue-t-elle un acte philosophique
Publié le 13/12/2012
Extrait du document
«
Par la suite, toute idée que nous énonçons est-elle philosophique ? La philosophie, étant
étymologiquement « l’amour de la sagesse », ne requiert-elle pas alors qu’une idée aille de
pair avec le bon sens dont doit faire preuve cette discipline ? Il semblerait effectivement
qu’une idée énoncée puisse être considérée comme « sage » pour s’inscrire dans un acte
philosophique.
En effet, il s’avère que l’idée de « sens commun » que l’on retrouve dans la
philosophie des Lumières ou chez Kant, représentait originellement une notion de bon sens
que devait suivre la pensée philosophique.
Ainsi, nous pourrions aisément dire que toute idée
que l’on peut énoncer n’est pas philosophique dans la mesure où elle ne s’inscrit pas
obligatoirement dans cette « sagesse ».
C’est le cas par exemple du livre Mein Kampf dans
lequel Adolf Hitler, son auteur, prône l’antisémitisme et le racisme, ce qui ne peut aujourd’hui
être reçu dans le cadre de l’énonciation d’idées philosophiques, c’est-à-dire sages.
Mais ce
qu’aujourd’hui nous jugeons comme sensé, le jugerons-nous encore sensé demain ? La notion
de bon sens n’est-elle pas propre à chacun de nous ? Nos idées quant à elles ne dépendent-
elles pas également de la perception du monde de la société qui nous entoure ? Ce qui nous
amènera à dire en suivant qu’il semblerait possible que nos idées ne soient pas toujours l’objet
de notre pensée propre, mais bien des préjugés ou encore des idées reçues que nous avons
assimilés sans examen.
En effet, nous retrouvons l’idée de l’individu corrompu par la société
dans le Emile ou de l’Education de Rousseau.
Dans son œuvre, le philosophe des Lumières
relate le développement d’un enfant, Emile, loin de la cour et de ses vices.
Ses idées ne
peuvent alors être influencées que par sa propre appréhension du monde, et ne recevoir en
aucun cas des « aprioris ».
Il sera alors pleinement à l’origine des idées qui se formeront dans
son esprit, et leur énonciation pourra dans ce cas constituer un acte philosophique, du fait de
l’acte de création dont elles découlent.
Jostein Gaarder, philosophe norvégien, rejoint
également cette voie lorsqu’il dit : « L’enfant est sans préjugés, qualité première d’un grand
philosophe.
Il voit le monde tel qu’il est sans idées a priori qui faussent notre vision
d’adultes.
».
Ainsi, l’objectivité d’une opinion qui est propre à un individu serait essentielle
pour que son expression constitue un acte philosophique.
Par conséquent, les idées que nous partageons doivent aller suivant un certain bon sens en
plus de se défaire de tout préjugé ou de toute idée préconçue pour s’inscrire dans l’acte
philosophique.
Néanmoins, nous verrons dans une troisième partie que les supports de
l’énonciation se diversifiant, un changement dans la nature des idées est perceptible.
Enfin, l’actuelle pluralité des moyens d’expression ne dénature-t-elle pas la diffusion des
idées ? En effet, la vitesse de communication et la facilité d’accès de certains médias comme
internet ne favorise-t-elle pas la banalisation des idées ? Aujourd’hui, il suffit d’être connecté
pour pouvoir faire part de ses idées.
Selon une étude de Royal Pingdom en 2012, ce sont 2,27
milliards d’individus qui sont désormais reliés au net.
Le partage des idées, alors devenu
instantané, ne nécessite plus forcément la profondeur originelle liée à la création d’un concept
et devient par conséquent une action dont la quête de sens n’est plus une finalité.
« Exprimez-
vous », invite par exemple le géant des réseaux sociaux Facebook sur la page de tout profil,
dont le nombre d’utilisateurs dépasse lui aussi les millions.
De cette façon, chacun exprime
ses opinions de manière si spontanée et régulière que l’énonciation des idées devient
irréfléchie, inassimilable.
C’est d’ailleurs de cette manière que nous pourrions alors
interpréter les paroles du philosophe Alain lorsqu’il dit « Le paradoxe humain est que tout est.
»
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