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L’enseignement de Desargues : la génération des sections coniques de Blaise PASCAL

Publié le 16/01/2020

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pascal

En 1639, le lyonnais Girard Desargues publiait, dans un langage quelque peu déconcertant, le Brouillon, project d’une atteinte aux événements des rencontres du cône avec un plan (1) qui est le premier traité moderne de géométrie projective. Il eut peu de lecteurs mais fut pour le jeune Pascal une révélation. Ce dernier devait publier, dans les premiers mois de 1640, sous la forme d’une affichette, le résultat de ses propres recherches sur le sujet sous le titre d’Essay pour les coniques. S’y reconnaissant débiteur de Desargues, il apporte une contribution originale aux travaux de son devancier en inventant un théorème nouveau : celui de l’hexagone inscrit dans une conique quelconque dont on peut penser que Pascal l’a d’abord démontré pour le cercle avant de le généraliser aux différentes coniques grâce à la correspondance ponctuelle établie par projection.

Sans doute s’agit-il là de cette propriété que les contemporains nommèrent « la Pascale » et dont le Père Mersenne nous apprend qu’on en pouvait tirer plus de quatre cents propositions (2). Cette invention permit à Pascal de mettre progressivement en place « l’œuvre complète des coniques » qu’il annonçait en 1654, dans l'Adresse à l’Académie parisienne des savants. Jamais publiés par les héritiers de Pascal, ces travaux (qui avaient si vivement intéressé Leibniz à qui ils avaient été communiqués) sont malheureusement aujourd’hui sans doute définitivement perdus.

Dans les papiers de Leibniz, on a toutefois retrouvé une copie de la Generatio Conisectionum, dont on trouvera ci-dessous la traduction. On comprend bien l’essentiel : les coniques proprement dites (ellipse, hyperbole, parabole, cercle) et les coniques dégénérées (point, angle de droites, droite double), envisagées comme autant de projections du cercle générateur du cône sur un plan sécant, en sont autant d’apparences ainsi que le montre le jeu des correspondances projectives établies.

Procéder de cette manière impose au moins deux leçons : 1) l’introduction de points à l’infini est nécessaire pour ordonner le tableau complet des coniques (ainsi, pour que la parabole soit une image du cercle, il faut la considérer comme une ellipse se refermant sur elle-même à l’infini),

Corollaire

Si un plan coupant la surface conique engendre une hyperbole, toute droite qui coupe la circonférence du cercle et qui n’atteint aucun des deux points sans image, projette son image sur le plan de la section conique et cette image coupe la section en deux points. Mais si la droite atteint l’un ou l’autre des deux points sans image, son image coupera l’hyperbole en un seul point. Enfin, si cette droite joint les deux points sans image, son image ne sera pas dans le plan de la section conique, si ce n’est à distance infinie.

Corollaire

Les mêmes choses que ci-dessus étant données, si le plan du tableau engendre une antobole, toutes les tangentes à la circonférence projettent leur image sur le plan du tableau sous forme de tangentes à l’antobole en un point situé à distance finie.

Corollaire

Si le plan du tableau engendre une parabole, toutes les tangentes à la circonférence, à l’exception de celle qui atteint le point sans image, projettent leur image sur le plan' du tableau et ces images touchent la parabole en un point situé à distance finie, qui sera l’image du point de contact sur la circonférence.

Scholie

Il y a donc sur la parabole une droite manquante (recta deficiens) qui se comporte vraiment comme.une tangente puisqu’elle est l’image d’une tangente.

Corollaire

Si le plan du tableau engendre une hyperbole, toutes les tangentes à la circonférence projettent leur image sur le plan du tableau, même si elles atteignent l’un des points sans image. En effet, si ces tangentes n’atteignent pas ces points sans image, leurs propres images touchent l’hyperbole en un point situé à une-distance finie. Et si les tangentes sont menées d’un point sans image, leurs images n’atteindront pas l’hyperbole sinon à une distance infinie et elles seront alors parallèles à l’un ou l’autre des « rayons » (alteruteri radiorum).

pascal

« 2) le jeu des correspondances, révélant les invariants (théo­ rème de l'hexagone par exemple) par-delà le système réglé des variations, transforme radicalement la démarche du géomètre.

Rien ne résurile mieux l'essentiel de la méthode pascalienne que la remarque de Leibniz écrivant après avoir pris connaissance des papiers de Pascal: « par cette manière optique de traiter, si l'on découvre un théorème particulier du cercle ou dans le cercle, on a aussitôt un répondant dans les autres sections coniques...

Toute la méthode pour découvrir en géométrie par la situation (ope situs) et sans le calcul réside dans la saisie simultanée de plusieurs en même situation, ce qui a lieu tantôt au moyen d'une certaine figure en incluant plusieurs ...

, tantôt au moyen du mouvement ou d'une mutation.

Et parmi les mouvements et mutations, on voit que la ;mutation d'apparence ou transformation optique des figures est ·appliquée très utilement (3).

» On l'aperçoit déjà : l'image des coniques avec la conquête du vrai site qu'elle suppose et qui fait éclater, ainsi que nous l'avons dit plus haut, des parentés cachées, cette image avec aussi l'importance donnée désormais au· système variations/in­ variant va féconder de nombreux domaines et aspects de la réflexion pascalienne.

L'esprit projectif, procédant par saisie immédiate, sera le modèle de l'esprit de finesse (cf.

ci-dessus, introduction, second paragraphe).

Mais nous verrons aussi plus loin que le modèle des coniques fixera sa tâche au physicien préoccupé d'unir, par exemple, statique, hydrostatique et mécanique (cf.

ci-dessous chapitre IV: hydrostatique et mécanique).

Il permettra de saisir l'originalité de la dialectique pascalienne, à l'œuvre notamment dans !'Entretien avec M.

de Sacy sur Epictète et Montaigne (cf.

ci-dessous chapitre· ill).

Il soutiendra la méditation du théologien comme nous l'avons déjà dit et comme nous le verrons plus en détail ci­ dessous (cf.

chapitre Il).

Et la liste n'est.point close puisqu'on pourrait ajouter encore que ce même modèle explique merveil­ leusement ce que les Pensées nommeront " fa raison des effets » (Pensées, Lafuma 80 à 104), cet étrange" renversement du pour au contre » qu'on ne comprend bien que par « une pensée de derrière la tête " sans laquelle on reste dans l'illusion qui est la part de celui qui, livré à son seul point de vue, est incapable de le dépasser en percevant les parentés qui sont entre les positions les plus éloignées en apparence, dont l'essentielle relativité éclate alors à celui qui s'est suffisamment élevé.

3.

Il s'agit là d'une note de Leibniz sur les coniques de Pascal qui ·1ui avaient été communi,quées par les héritiers de ce dernier (Œuvres de Pascal, Édition des Grands Ecrivains, volume II, pages 229-231).

22. »

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