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Les passions: entre vices et vertus ?

Publié le 01/06/2009

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Si toute la philosophie, qui est une méditation de la vie, se propose de distinguer ce que l'homme doit poursuivre et ce qu'il doit craindre, donc de reconnaître les biens et les maux, on ne peut guère concevoir une analyse des passions à part d'une théorie des vertus. Il n'y a pas de psychologie sans quelque idée de l'homme et de ses fins; c'est sa manière d'être positive. La passion, tout simplement, c'est Phèdre. Si la littérature ne s'y est pas trompée, les philosophes n'ont pas été aussi unanimes. Ainsi pour Descartes, est passion toute affection causée par le corps et que l'âme rapporte à elle-même : quand l'âme subit son union avec le corps, pâtit, éprouve confusément sa servitude au lieu d'en triompher par la connaissance et la résolution. Par contre, sous l'influence du romantisme, la passion se donne pour un élan, une énergie orientée vers une fin; on y voit donc un principe de liberté et d'action. Il est plus conforme à notre langage d'y reconnaître une espèce de la passion cartésienne. Mais d'abord elle ne se confond pas avec l'affection pure (douleur et plaisir) qui, comme état, ne qualifie pas notre conduite. Elle diffère aussi de l'émotion banale (peur, colère), dont le désordre s'épuise à peu près dans l'instant, par la fuite, le rire ou les larmes, et dépend surtout des circonstances extérieures. Enfin on doit l'opposer soigneusement au sentiment : l'amour et l'amitié, les préférences multiples, les sentiments qui nous attachent aux divers groupes sociaux, assurent le rôle que joue l'instinct chez l'animal: ils inspirent nos pensées, ordonnent nos actions, et, si puissants soient-il parfois, ils nous livrent le monde en nous adaptant à lui. La passion est bien différente. Qu'elle trahisse les retours obscurs de l'instinct ou qu'elle adopte les finesses de l'imagination, elle demeure une servitude. Loin d'être une tendance exclusive qui traduirait notre être profond, elle développe toutes les conséquences d'une méprise. Non seulement on ne choisit pas son amour ou sa haine, mais la passion toujours contredit la vocation. Faire ce qui plaît n'est pas faire ce qu'on veut, disait Platon. Le tyran est le moins puissant et le plus malheureux des hommes, parce qu'il ne fait pas ce qu'il veut. Il suit son caprice, l'opinion, l'apparence; il ne se possède pas, mais il est possédé : voilà son supplice. Et tel est l'ambitieux, l'amoureux, le joueur. C'est moins avec le monde qu'avec soi que le passionné se divise. Cette dissonance, cet échec, ce malheur qui s'éprouve ou qui s'annonce, c'est la passion tout entière. Ni les obstacles par lesquels la société refoule les élans, ni l'injustice de la vie qui déçoit les choix du coeur, n'expliquent ces convulsions et ce désespoir. Le drame doit précéder les circonstances pour que la passion se donne l'apparence d'un destin. Et certes la fin est donnée d'avance. Le passionné n'a plus rien à apprendre du monde et le monde n'a plus rien à attendre de lui. La tragédie est un système clos.

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