L'esclavage chez Montesquieu
Publié le 23/03/2015
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L'esclavage, proprement dit, est l'établissement d'un droit qui rend un homme tellement propre à un autre homme, qu'il est le maître absolu de sa vie et de ses biens. Il n'est pas bon par sa nature : il n'est utile ni au maître ni à l'esclave : à celui-ci, parce qu'il ne peut rien faire par vertu ; à celui-là, parce qu'il contracte avec ses esclaves toutes sortes de mauvaises habitudes, qu'il s'accoutume insensiblement à manquer à toutes les vertus morales, qu'il devient fier, prompt, dur, colère, voluptueux, cruel.
E• • .]
Dans le gouvernement monarchique, où il est souverainement important de ne point abattre ou avilir la nature humaine, il ne faut point d'esclaves. Dans la démocratie où tout le monde est égal, et dans l'aristocratie, où les lois doivent faire leurs efforts pour que tout le monde soit aussi égal que la nature du gouvernement peut le permettre, des esclaves sont contre l'esprit de la Constitution ; ils ne servent qu'à donner aux citoyens une puissance et un luxe qu'ils ne doivent point avoir.
(E.L., XV, 1)

«
Textes commentés 35
Les motifs avancés
par les jurisconsultes romains, dans le droit des gens, le
droit civil et le droit naturel,
pour justifier l'esclavage,« ne sont point sensés »,
déclare Montesquieu.
Avant Rousseau, il dénonce les sophismes de leur
argumentation.
D'une part, dans le droit de la guerre, l'esclavage des vaincus est
inadmissible : « il est faux qu'il soit permis de tuer dans la guerre autrement
que dans le cas de nécessité ; mais, dès qu'un homme
en a fait un autre esclave,
on ne peut pas dire qu'il ait été dans la nécessité de le tuer, puisqu'il ne l'a pas
fait» (E.L., XV, 2).
D'autre
part et surtout, dans le droit civil, « il n'est pas vrai qu'un homme
libre puisse se vendre» (E.L., XV, 2).
En une analyse que ni Rousseau ni Kant
n'auraient désavouée, Montesquieu écrit : « La vente suppose un prix :
l'esclave se vendant, tous ses biens entreraient dans la propriété du maître ; le
maître ne donnerait donc rien,
et l'esclave ne recevrait rien».
Un homme n'a
pas un
prix ; il a une dignité ; on ne saurait donc le vendre à prix d'argent
comme une chose.
En outre, « la liberté de chaque citoyen est une partie de la
liberté publique ...
Vendre sa qualité de citoyen est un acte d'une telle
extravagance qu'on ne peut pas la supposer dans un homme.
Si la liberté a un
prix
pour celui qui l'achète, elle est sans prix pour celui qui la vend ».
Le
sophisme inhérent à l'idée de l'esclavage est évident.
Contrairement à
ce que l'on a souvent prétendu, Montesquieu ne justifie
nullement l'esclavage, quelque forme qu'il prenne.
Il le condamne même sans
appel.
Ceux qui osent parler en sa faveur non seulement ignorent ce qu'est « la
félicité publique
» qui doit être le lot commun de tous, mais - ce qui est plus
grave encore
- ils ne comprennent pas que « l'esclavage est contre la nature »
et qu'il ne saurait exister, comme l'a soutenu Aristote, des esclaves «par
nature».
Défendre la légitimité de l'esclavage est «le cri du luxe et de la
volupté
», expression malsaine de l'appétit d'argent et de l'égoïsme honteux
dont Montesquieu a pu souvent constater la présence chez les armateurs
bordelais du XVIIIe
siècle si enclins à participer à la traite des Noirs d'Afrique.
Dans ses
Pensées (174), il note:« L'esclavage est contre le droit naturel par
lequel tous les hommes naissent libres et indépendants ...
La guerre de
Spartacus était la plus légitime qui ait
jamais été entreprise »..
»
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