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L'État est-il l'ennemi de l'individu ?

Publié le 24/12/2004

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C'est précisément ce que n'admettent pas les théories anarchistes, qui supposent que l'individu existe avant l'État, et que ce dernier n'est dès lors qu'une machine qui l'annule et le fait disparaître sous le poids de devoirs qui lui sont imposés. Si l'on souligne d'abord, comme le fait notamment Max Stirner, l'unicité de l'individu, on le dote simultanément de qualités caractéristiques, l'intervention de l'État ne pouvant ensuite que détruire ces dernières. L'État devient automatiquement l'ennemi de l'individu parce qu'il impose des exigences correspondant à des intérêts collectifs, alors que l'« Unique «, comme le nomme Stirner, ne devrait se soucier que de ses intérêts et désirs singuliers et personnels.Si l'on admet par ailleurs que l'État n'est rien de mieux que le représentant de la classe dominante et de ses intérêts, on aboutit à un constat du même ordre, même s'il n'est pas exactement équivalent. Dans la société moderne, l'individu « bourgeois « ne semble sans doute pas victime de l'État, mais c'est évidemment le « prolétaire « qui souffre le plus immédiatement du fait que l'État correspond aux intérêts de la classe qui l'exploite. Toutefois, on peut noter que l'idéologie bourgeoise est elle-même constitutive de la notion d'individu, en sorte que l'individu bourgeois est trompé dans sa vision des rapports humains. C'est bien ce que montre notamment la critique, rédigée par Marx, de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen : cette Déclaration ne concerne en fait qu'un homme bourgeois, individualiste et séparé du collectif. En conséquence les deux consciences sont fausses, et c'est l'État lui-même qui produit une notion d'individu à laquelle adhère la conscience ouvrière en allant contre ses propres intérêts.Du point de vue marxiste, la disparition de l'État (bourgeois) ne peut donc signifier la sauvegarde de l'individu : celui-ci, avec l'idéologie égoïste qui l'accompagne, doit disparaître en même temps ; la disparition de l'État annonce en fait, dans le déroulement de l'Histoire, l'avènement d'une société communiste, où domineront les intérêts de la communauté.C'est à ce propos qu'on peut s'interroger, avec peut-être encore plus de raison, sur l'accord possible entre État et individu.

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« « Au fur et à mesure que le progrès de l'industrie moderne développait,élargissait, intensifiait l'antagonisme de classe entre le capital et le travail, lepouvoir d'État prenait de plus en plus le caractère d'un pouvoir public organiséaux fins d'asservissement social d'un appareil de domination d'une classe.Après chaque révolution, qui marque un progrès de la lutte des classes, lecaractère purement répressif du pouvoir d'État apparaît de façon de plus enplus ouverte» [La Guerre civile en France, p.

60-61].

La conception marxistede l'État est ici résumée dans son principe essentiel : l'État capitaliste estl'appareil de domination de la classe ouvrière par la bourgeoisie, y compris parla violence comme ce fut le cas, par exemple, durant les journées de juin1848.

Durant celles-ci, la république bourgeoise avait montré le despotismeabsolu d'une classe sur les autres classes.Ainsi, l'État n'est pas extérieur ou au-dessus de la société.

« Il est bien plutôtun produit de la société à un stade déterminé de son développement ; il estl'aveu que cette société s'empêtre dans une insoluble contradiction avec elle-même, s'étant scindée en oppositions inconciliables qu'elle est impuissante àconjurer.

Mais pour que les antagonistes, les classes aux intérêtséconomiques opposés, ne se consument pas — elles et la société — en unelutte stérile, le besoin s'impose d'un pouvoir qui, placé en apparence au-dessus de la société, doit estomper le conflit, le maintenir dans les limites del'"ordre" ; et ce pouvoir, né de la société, mais qui se place au-dessus d'elleet lui devient de plus en plus étranger, c'est l'État» [L'Origine de la famille, de la propriété privée et de l'État, p.

156].Si l'histoire de toute société jusqu'à nos jours n'a été que l'histoire des luttes des classes, pour les mêmes raisons,l'État ou les différents États qui se sont succédé dans l'histoire ont toujours été ceux de la domination d'une classesur les autres, dans le but de maintenir — souvent par la violence [Anti-Dühring, p.

208 sq.] — l'ordre social.

D'oùl'idée d'une disparition de l'État dans une société sans classe, le communisme, avec quelques difficultés sur lesmoyens d'y parvenir. Du point de vue marxiste, la disparition de l'État (bourgeois) ne peut donc signifier la sauvegarde de l'individu :celui-ci, avec l'idéologie égoïste qui l'accompagne, doit disparaître en même temps ; la disparition de l'État annonceen fait, dans le déroulement de l'Histoire, l'avènement d'une société communiste, où domineront les intérêts de lacommunauté.C'est à ce propos qu'on peut s'interroger, avec peut-être encore plus de raison, sur l'accord possible entre État etindividu.

Même si l'on sait que les tentatives d'application des conceptions de Marx ont abouti à de tout autresrésultats que ce qu'il avait prévu, on doit constater qu'elles ont donné naissance à un État totalitaire pour lequell'individu n'avait plus rien de respectable. « Ce n'est pas la violence qui restaure, mais la violence qui ruine qu'il faut condamner.

» Machiavel, Sur la première décade de Tite-Live, 1531 (posth.) « La violence se donne toujours pour une contre-violence, c'est-à-dire pour une riposte à la violence de l'Autre.

»Sartre, Critique de la raison dialectique, 1960. « Il faut concevoir l'État contemporain comme une communauté humaine qui, dans les limites d'un territoiredéterminé [...], revendique avec succès pour son propre compte le monopole de la violence physique légitime.

»Max Weber, Le Savant et le Politique, 1921 (posth.) « L'État, c'est le plus froid de tous les monstres froids.

Il ment froidement; et voici le mensonge qui s'échappe desa bouche : "Moi, l'État, je suis le Peuple." » Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, 1883-1885. « L'Etat ne poursuit jamais qu'un but : limiter, enchaîner, assujettir l'individu.

» Max Stirner, L'Unique et sa propriété, 1845. L'État signifie pour Stirner la négation même de l'individu, de la puissance individuelle, de la propriété individuelle.

Dans l'État, le moi se voit contraint de poursuivre des buts collectifs et de respecter desrègles qui sont conçues pour s'appliquer à tous.

L'État implique la « mutilation » du moi. « Ce gros Léviathan, qui est fait d'une masse d'hommes, fait voir des pensées d'enfant en bas âge; ou plutôt il nepense point.

» Alain, Propos, 1935. Alain reprend ici la métaphore inaugurée par Hobbes, qui comparait l'État. »

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