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L'histoire est-elle un perpétuel recommencement ?

Publié le 10/02/2011

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histoire

— Analyse d'un exemple: l'alternance des phases de paix et des phases de guerre dans l'histoire humaine. Peut-on dire que dès qu'un peuple a oublié les horreurs d'une guerre il est prêt pour en faire une autre? Causalité historique réduite à des phénomènes de psychologie collective =î> apparence d'un perpétuel recommencement. Cette apparence repose sur une analogie superficielle entre deux « situations « différentes ; elle procède en outre par réduction d'une causalité complexe à une causalité simpliste, voire imaginaire.   

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« exactement des formes de gouvernement plus ou moins perverties (timarchie, oligarchie, démocratie, tyrannie).L'historien Polybe s'inspirera en grande partie de Platon, en proposant une représentation cyclique de l'histoire àpartir de laquelle il prédira la chute de l'empire romain, en analogie avec la chute de Carthage (cf.

Histoires, livre VI.Traduction de la Pléiade).

La thèse du perpétuel recommencement repose, chez Polybe, sur une analogie organique: l'État, comparable à un organisme, connaît comme lui une phase d'ascension, puis de décadence (théorie del'anakyklosis, ou « cycle »).

La Grèce, Carthage, ont connu ce processus, qui n'épargnera pas Rome: telle est laconviction de Polybe.

Ainsi les événements sont-ils réglés, dans leurs enchaînements, par des causes bien précises,qu'il appartient à l'historien de dégager, ramenant la diversité des phénomènes à l'unité d'une causalité.

(Cettethéorie cyclique de l'histoire exercera une grosse influence sur Machiavel — qui l'appliquera lui aussi à la successiondes formes de pouvoir.

Cf.

sur ce point Machiavel, Œuvres, Éditions de la Pléiade, page 385.) D'un point de vuecritique, on peut remarquer que cette théorie des « cycles » repose sur une analogie organique contestable, etqu'elle aboutit par ailleurs à une certaine réduction de la spécificité différentielle des situations étudiées.

Lareconnaissance de lois historiques peut-elle donc à la fois éviter cette réduction et s'accomplir sans analogiecontestable ? Telle semble être, en fin de compte, la question philosophique sur laquelle débouche la réflexionmenée à partir de l'interrogation proposée. • III.

Problématisation de la thèse du perpétuel recommencement.

« L'histoire ne se répète jamais» (Marx).

—L'exigence de scientificité de la démarche historique conduit à rechercher la spécificité des situations, desprocessus, des événements.

Elle implique donc un rejet des analogies superficielles, des illusions d'optique liées à laprégnance d'une situation présente.

Mais surtout, l'historien s'attache à dissocier l'apparence événementielle desprocessus fondamentaux.

Il écarte à la fois l'empirisme (approche non critique de l'apparence) et le psychologisme(réduction de la causalité historique à des problèmes de «personnalité»).

Comment admettre tout à la fois qu'ilexiste des lois en histoire, et que les événements qui se produisent sont toujours différents? Un tel problèmerecouvre bien une difficulté réelle, qui engage toute une philosophie de l'histoire (corrélation: «Constitution d'unescience de l'homme»).

Quel est le statut de la diversité effective des événements? Atteste-t-elle le libre arbitre de l'homme, comme le pensait Kant? Ou bien renvoie-t-elle à un type particulier decausalité, pensable sur le modèle d'une « combinatoire », le seul qui puisse expliquer la production d'une diversitéquasi infinie à partir d'un petit nombre de lois ou causes fondamentales? — Kant et la philosophie de l'histoire (cf.

Édition Gonthier-Médiations).

Si la nature constitue le règne de lanécessité, régi par des lois strictes, où les phénomènes s'enchaînent selon une causalité régulière et sont doncprévisibles, l'histoire, elle, comme phénomène spécifiquement humain, est le domaine de l'imprévisible car l'hommedispose d'un libre arbitre fondamental.

Ce libre arbitre, pouvoir de se déterminer soi-même et d'« inaugurer » desséries de causes et d'effets indépendantes des déterminismes sensibles, autonomise d'emblée le devenir humain dela causalité naturelle.

La diversité des événements est donc fondée par une théorie bien précise de la naturehumaine et de son rapport au monde sensible (cf.

pour l'explication de la distinction homme/nature sensible: Critiquede la raison pratique, Presses Universitaires de France, page 43).

L'idée que l'histoire humaine obéirait à un « plan dela nature » qui, à travers le libre jeu des initiatives humaines, pourrait se frayer un chemin, ne doit donc être saisieque comme une hypothèse, d'ailleurs possible et féconde selon Kant: « C'est un projet à vrai dire étrange, et enapparence extravagant, que de vouloir composer une histoire d'après l'idée de la marche que le monde devraitsuivre, s'il était adapté à des buts raisonnables certains; il semble qu'avec une telle intention, on ne puisse aboutirqu'à un roman.

Cependant, si on peut admettre que la nature même, dans le jeu de la liberté humaine, n'agit passans plan ni sans dessein final, cette idée pourrait bien devenir utile; et, bien que nous ayons une vue trop courtepour pénétrer dans le mécanisme secret de son organisation, cette idée pourrait nous servir de fil conducteur pournous représenter ce qui ne serait sans cela qu'un agrégat des actions humaines comme formant, du moins en gros,un système» (Kant, La philosophie de l'histoire, Éditions Gonthier-Médiations, page 43).

Ainsi, dans le cadre d'uneproblématique du libre arbitre et de l'opposition nature/histoire, l'hypothèse d'un progrès universel ou d'unerationalité interne au devenir ne peut être qu'une « idée » que rien ne permet de poser comme une réalité objective,mais qui peut avoir une certaine fécondité (fonction régulatrice) dans la représentation et l'explication desphénomènes.

— Comment sortir de cette opposition entre la nature et l'histoire, entre le domaine des vérités rationnelles et celuid'un devenir où les passions, l'incohérence, l'imprévisibilité, bref, le « négatif», semblent se déployer sans fin? Lasolution kantienne reste prisonnière de la traditionnelle opposition de la nature et de l'histoire, de l'universel et duparticulier, de l'explicable et de l'absurde, en référant le perpétuel recommencement du mal et de la souffrance, desinjustices vécues et des crimes périodiques, à l'imperfection originelle de la créature sensible.

Ce recommencementne peut en fin de compte recevoir de signification, dans cette problématique, que d'une sorte de « théodicée »(justification du mal) permettant de dépasser l'absurde inhérent aux multiples tragédies de l'histoire dans le cadred'une croyance en un progrès asymptotique de l'humanité (cf.

texte cité).

Hegel va opérer un renversement deproblématique, en installant la Raison dans l'Histoire, c'est-à-dire en abolissant l'opposition traditionnelle entreNature et Histoire.

Le perpétuel recommencement des drames et des passions ne sera plus chez lui le signe del'imperfection de la créature, mais le «détour» nécessaire de la Raison, son accomplissement patient par le «travaildu négatif».

La prise en charge du particulier, du tragique, n'est pas incompatible avec la reconnaissance del'Universel, qui justement donne un «sens» au cycle des affrontements et des tragédies particulières : « On peut appeler ruse de la Raison le fait qu'elle laisse agir à sa place les passions, en sorte que c'est seulement le. »

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