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L'Homme doit-il se rendre maître et possesseur de la nature"?"

Publié le 31/01/2005

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D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ». Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».  Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance. On connaît comme on agit ou on transforme, et dans un même but. La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action de l'homme, dans son propre intérêt. Connaître et fabriquer vont de pair. D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature. La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement la nature. Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

 

La naissance de l’agriculture et de l’élevage, autrement dit de la domestication des plantes et des animaux à l’époque néolithique marque le passage d’un homme subissant une nature sauvage à un homme maîtrisant son environnement, et prenant enfin son destin en main. L’homme d’aujourd’hui est l’héritier de l’homme du néolithique. Non seulement il connaît la nature, mais cette connaissance lui apporte aussi la possibilité d’agir sur elle pour la mettre à son service. La nature a donc été « domestiquée «. Toutefois se considérer aujourd’hui comme maître et possesseur de la nature, c’est considérer sa connaissance comme achevée. Or n’y a-t-il vraiment plus rien à apprendre de la nature ? Ne peut-elle plus rien nous enseigner ? Il est vrai que la nature sauvage telle que la vivait les premiers hommes chasseurs-cueilleurs est sur le point de disparaître pour laisser la place à une nature entièrement crée par les hommes. L’homme moderne n’a plus affaire à la nature dans la mesure où c’est lui-même qui la conçoit en la transformant. Cependant, nous pouvons nous demander si la nature sauvage n’est pas encore présente dans l’imagination humaine. Mais cette nature semble être de l’ordre du mythe et n’est accessible, semble t-il, que par le biais de l’imagination. Les loups sont plus présents dans notre imaginaire que dans la nature, à laquelle nous avons affaire tous les jours.  En effet si le projet moderne de l’humanité est de « se rendre maître et possesseur de la nature « via la connaissance humaine, la nature imaginée reste encore à domestiquer. Et comme l’imagination est une faculté humaine, la question de savoir si nous pouvons nous considérer comme maître et possesseur da nature revient à se demander si nous pouvons surmonter notre condition d’être humain. Surmonter cette condition n’est-ce pas finalement la mettre en danger et introduire dans la nature l’inhumanité ?  Bref dans cette question,  le caractère humain de notre connaissance est le principal enjeu.  

 

« Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre. Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».

« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.

Cependant, l'homme est ici décrit comme un sujet qui a tous les droits sur une nature qui lui appartient (« possesseur »), et qui peut en faire ce que bon lui semble dans son propre intérêt (« maître »). Pour qu'un tel projet soit possible, il faut avoir vidé la nature de toute forme de vie qui pourrait limiter l'action de l'homme , et poser des bornes à ses désirs de domination & d'exploitation.

C'est ce qu'a fait la métaphysiquecartésienne, en établissant une différence radicale de nature entre corps & esprit.

Ce qui relève du corps n'estqu'une matière inerte, régie par les lois de la mécanique.

De même en assimilant les animaux à des machines,Descartes vide la notion de vie de tout contenu.

Précisons enfin que l'époque de Descartes est celle où Harvey découvre la circulation sanguine, où le corps commence à être désacralisé, et les tabous touchant la dissection, àtomber. Car ce qu'il y a de tout à fait remarquable dans le texte, c'est que le projet de domination technicienne de la nature ne concerne pas que la nature extérieure et l'exploitation des ressources naturelles.

La « philosophie pratique » est utile « principalement aussi pour la conservation de la santé ».

Le corps humain lui aussi, dans ce qu'il a de naturel, est objet de science, et même objet principal de la science.

« S'il est possible de trouver quelque moyen qui rende les hommes plus sages et plus habiles qu'ils n'ont été jusqu'ici, je crois que c'est dans la médecinequ'on doit le chercher. » La véritable libération des hommes ne viendrait pas selon Descartes de la politique, mais de la technique et de la médecine.

Nous deviendrons « plus sages & plus habiles », nous vivrons mieux, en nous rendant « comme maîtres & possesseurs de la nature ».

La science n'a pas d'autre but. [2.

Pourquoi l'homme doit se rendre maître et possesseur de la nature.

]Si l'homme doit ainsi assujettir la nature, c'est qu'originellement, il est soumis à elle : leurs relations reposent sur unconflit.

Voir le thème du dénuement de l'homme face à la nature décrit dans le mythe de Protagoras (Platon,Protagoras) : c'est pour compenser la faiblesse de l'homme dans la nature — car il est le plus mal loti de tous lesanimaux — que Prométhée fait don aux hommes de la connaissance du feu (le feu est nécessaire pour forger) et destechniques après les avoir volés aux dieux.Donc, c'est grâce à la technique que la nature cesse d'être pour l'homme ennemie et étrangère.

Il peut alors serendre possesseur de la nature, c'est-à-dire l'habiter.

Habiter ne signifie pas seulement être dedans, mais faire sien,imprimer sa marque.

L'homme est ainsi chez lui dans un paysage où on ne peut plus démêler la part de la nature etla part du travail (voir la différence entre le paysage ou la campagne comme nature humanisée, et la forêt « vierge» comme nature brute).

Cela permet déjà de comprendre que tout prétendu « retour à la nature », n'est en faitqu'un retour à une nature façonnée par la technique humaine.

La critique de la technique ne peut donc être querelative.

[3.

Naissance d'une contestation de la technique.S'il est absurde de vouloir se passer de la technique, est-ce à dire que toute technique comme telle est justifiée? Ya-t-il des limites à la maîtrise et à la possession de la nature par l'homme? Au-delà des réactions affectives defascination devant les prodiges de la technique ou d'effroi devant sa démesure, il faut rechercher un critèrerationnel grâce auquel on pourrait fixer des limites à l'expansion de la technique.

C'est en particulier à ce prix qu'onpourra donner un fondement philosophique aux options politiques de type écologiste.Enfin, les menaces de la technique « moderne » nous poussent à nous demander si cette dernière se distingue de latechnique « d'autrefois » par une simple différence de degré ou par une différence essentielle. [II.

Une critique humaniste de la technique.] [1.

L'homme, critère des limites de la technique.

]Il y a lieu de critiquer la technique dès lors que, au lieu de servir l'homme, elle le met en danger en tant queproducteur de technique et en tant qu'utilisateur.C'est le thème de l'asservissement de l'homme à la machine (cf.

Hannah Arendt, La Condition de l'homme moderne).Pendant la durée de son travail, le corps de l'ouvrier doit épouser le rythme de la machine (en particulier dans les «chaînes de production ») alors que dans un travail manuel, c'est l'outil qui suit le corps (Manuel Hatier des classesde terminale, chap.

« Technique », texte 9).

Le travail de l'homme est conçu sur le modèle de la machine, ce quiconduit à une parcellisation à outrance du travail.

Le travailleur d'usine, à la différence de l'artisan, n'accomplit pasd'oeuvre achevée.

Le travail cesse alors d'avoir la fonction libératrice par laquelle l'homme se démarque de la natureen la façonnant.

On peut souligner la situation paradoxale de l'homme face à la technique : ce qu'il avait créé pourse libérer de sa position de faiblesse par apport à la nature et pour se sentir chez lui dans le monde, est devenufinalement l'instrument de son aliénation.On peut, d'autre part, mettre en évidence l'ensemble des menaces qui pèsent sur l'homme en tant qu'utilisateur dela technique (voir les récentes catastrophes nucléaires, les progrès des manipulations génétiques).

Là encore, latechnique se retourne contre sa propre vocation puisque, destinée à écarter de l'homme les menaces de la nature,elle ne fait que produire d'autres menaces (Tchernobyl à la place des volcans et des tremblements de terre).. »

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