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L'intelligibilité du réel et ses problèmes

Publié le 09/08/2014

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·  Problématisation de l'expérience vécue érigée en référence exemplaire.

Une expérience personnelle, qu'elle recouvre un acquis rétrospectif d'en­semble («avoir de l'expérience«), ou un épisode vécu («faire une expé­rience «), reste toujours partielle, relative, et souvent contradictoire. Il faut ici encore dénoncer l'illusion selon laquelle les faits vus ou vécus «parleraient d'eux-mêmes« et définiraient leur propre intelligibilité. Il y a une certaine naï­veté à croire que le vécu se suffit à lui-même, qu'une simple description per­met d'en saisir le sens de façon neutre et objective. Toute perception — et a for­tiori toute interprétation — est déterminée par des structures mentales définies, des a priori subjectifs (valorisations inconscientes) qui filtrent le «message de la vie «.

 

Dans la façon dont l'expérience vécue s'organise et s'interprète, des proces­sus mentaux implicites (refoulement, généralisations, etc.) se déroulent. Le problème est de savoir si, dans la vie quotidienne, il est possible de maîtriser complètement ces processus, à l'instar de ce qui se passe dans l'expérimenta­tion scientifique. Et ce problème est décisif aussi bien pour l'interprétation d'une expérience passée que pour la conduite d'une expérience présente.

« En d'autres termes, la question est de savoir si la saisie et l'interprétation du vécu seront laissées au hasard des rencontres empiriques et à la singularité d'une subjectivité ou bien si elles seront normées par une exigence de lucidité, de vigilance critique et d'efficacité.

On comprend que l'approche comparative de la conduite de l'expérience vécue et de l'expérimentation scientifique puisse être instructive à cet égard.

• L'interprétation dogmatique de l'expérience et sa critique par Hume.

Il s'agit d'analyser l'acte mental implicite par lequel une succession ou une association empirique est interprétée, et référée à une loi causale nécessaire.

C'est d'un point de vue essentiellement logique que Hume critique l'affirmation selon laquelle un objet, qui a maintes fois manifesté telle ou telle propriété, la manifestera de nouveau, et indéfiniment, dans l'avenir : il y a là une inférence, c'est-à-dire une opération logique tirant une conclusion d'un fait observé dont la validité fait problème.

Du point de vue de l'observateur, tant qu'il n'a pas la compréhension interne d'un rapport constitutif entre l'objet en question et les propriétés qu'il manifeste, l'affirmation qu'il effectue ne peut avoir qu'un carac­ tère conjectural.

«Toutes les inférences tirées de l'expérience sont des effets de l'accoutu­ mance, non du raisonnement» (Hume, Enquête sur l'entendement humain, section cinq).

Kant.

dans un texte célèbre, a souligné l'apport de Hume à l'élaboration d'une philosophie critique de la connaissance: «Je l'avoue franchement: ce fut l'avertissement de David Hume qui interrompit d'abord, voilà bien des années, mon sommeil dogmatique» (Prolégomènes à toute métaphysique future qui pourra se présenter comme une science, Introduction, Editions Vrin, page 13).

Tout en se démarquant des conclusions de Hume, Kant lui rend justice en précisant la portée effective de sa critique : «Il ne s'agissait pas de savoir si le concept de cause était exact, pratique, indispensable pour toute la connaissance de la nature; cela Hume ne l'avait jamais mis en doute; mais s'il était conçu par la raison a priori et s'il possédait ainsi une vérité interne, indépendante de toute expérience, par suite une utilité plus étendue et non limitée aux seuls objets de l'expérience, c'est là-dessus que Hume attendait une communication» (même ouvrage, pages 11 et 12).

On sait que pour Kant.

«si toute notre connaissance commence avec l'expé­ rience, il n'en résulte pas qu'elle dérive toute de l'expérience» (Critique de la raison pure, préface).

La physique expérimentale (dont Galilée disait qu'elle se fait «a priori») suppose en effet selon lui que la Raison aborde l'expérience munie de principes qui lui permettent de l'interroger rigoureusement, et d'en interpréter les données.

C'est à partir de ce point que l'on peut revenir sur la conception de Hume.

Ne faut-il pas en effet considérer l'expérience non comme un donné originaire, mais comme une réalité constituée qui n'existe que par et dans le pouvoir structurant du sujet connaissant? L'existence des objets doit certes être rencontrée (c'est le rôle de l'intuition sensible), mais l'expérience ne peut en être pleinement signifiante qu'à l'intérieur des cadres de la sensibilité et de l'entendement.

Les termes du problème sont alors quel­ que peu modifiés, puisque le sujet connaissant ne prétend pas statuer sur les «choses en soi», et ne s'attache qu'à rendre compte du monde des phéno­ mènes auxquels il a accès.

• Théorie et expérience: la critique épistémologique de l'expérience vécue.

-Le montage expérimental, courant dans les sciences de la nature depuis l'avènement de la physique scientifique, constitue ce que Claude Bernard appelle une« observation provoquée».

Il s'agit de «faire une expérience», mais 165. »

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