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L'obéissance aux lois asservit-elle l'homme ou le libère-t-elle ?

Publié le 29/10/2009

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• Devant cet intitulé, c'est sur la notion de loi que vous devez faire porter votre réflexion. Ce concept est loin d'être univoque et son analyse sémantique va commander toute l'architecture de votre dissertation. Qu'est-ce qu'une loi? Si, au sens premier, la loi désigne une règle générale et impérative prescrite par l'autorité souveraine d'une société (grec : nomos, latin : lex), la loi possède également une signification épistémologique (on parle des « lois de la nature «, voulant désigner ainsi un rapport invariable entre des phénomènes; exemples : la loi de Mariotte, la loi de la chute des corps) ainsi qu'un sens en éthique et en esthétique (exemple : en morale, la loi représente une norme à laquelle on ne peut se soustraire, un précepte présentant un caractère obligatoire). Devant cette richesse sémantique du terme de loi, comment procéder? Tentez d'organiser les différentes significations de la loi en fonction de l'alternative qui vous est proposée (asservir, c'est-à-dire réduire à la servitude, à l'esclavage. Libérer, c'est-à-dire affranchir d'une servitude... Ce verbe possède un sens actif).

• Dans ce cas précis, compte tenu de l'alternative, vous semblez avoir le choix entre deux types de plans : le plan dialectique, par thèse, antithèse et synthèse, vous permettant de développer le thème de l'asservissement, puis celui de la libération et, enfin d'opérer une synthèse et le plan progressif, par développement progressif de la notion de loi. C'est ce second type de plan que nous avons retenu. Ici, ce qu'il semble opportun de souligner, c'est que, à mesure que la loi s'intériorise (loi morale tout particulièrement), autonomie et libération progressent. • Ce sujet pose problème : comment une loi, règle impérative et obligatoire, peut-elle s'intégrer dans un processus de libération? C'est là un paradoxe qu'il vous faudra expliquer. • Ce sujet porte à la fois sur la loi scientifique et sur la loi morale et politique. Il se situe donc à la charnière de « La connaissance et la raison « et de « La pratique et les fins «.   

« l'obéissance aux lois permet la vraie liberté, celle qui est une conquête et un affranchissement.

Engels, dans l'Anti-Dühring, reprendra en des formules célèbres ce même thème, soulignant que la liberté n'est pas dans uneindépendance rêvée à l'égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans le fait de leurobéir et de les mettre en œuvre méthodiquement.

«Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que decelles qui régissent l'existence physique et psychique de l'homme lui-même » (Engels, Anti-Dühring).

A ce premierniveau d'analyse, paradoxalement, c'est donc la soumission qui conditionne l'autonomie. B) Les lois civiles : obéir à l'universel de la raison. Qu'en est-il maintenant en ce qui concerne les lois civiles, règles impératives formulées par l'autorité souverained'une société? La soumission et l'obéissance aux lois peuvent sembler, d'une certaine manière, faire de l'homme unesclave.

En effet, il y a dans la loi civile un élément d'universalité.

La loi commande pour tous.

Par conséquent, lecitoyen qui obéit aux lois civiles voit sa subjectivité humiliée et domptée.

Loin d'agir selon son bon plaisir, il sesoumet à des lois qui rabaissent le principe de la subjectivité.

Dès lors, il semble qu'à ce second niveau d'analyse(concernant le domaine spirituel de la législation, et non plus les lois de la nature en général), l'obéissance aux loisréduise l'homme à l'esclavage.

L'ordre universel des lois civiles, en domptant l'homme, ne l'asservit-elle pasprofondément? Ce type de critique peut venir d'horizons fort divers, qu'il s'agisse de l'immoralisme d'un Calliclès(dans le Gorgias de Platon), lequel préfère les fortes passions individuelles aux coutumes et lois produites par lesfaibles pour dominer les forts, ou bien qu'il s'agisse de quelque critique libertaire (exemple : Stirner), tendant àmettre en question les lois ou l'État.

Dans tous les cas, l'obéissance à la loi paraît limiter les penchants à l'égoïsmeou à l'individualisme, elle semble aussi nous enchaîner et nous asservir, faire de nous des esclaves, des animauxdomestiqués.Néanmoins, comme l'ont bien montré les grands penseurs politiques - Spinoza, Kant, Rousseau ou Hegel - échapperà l'esclavage n'est pas agir selon son bon plaisir et selon le pur principe de subjectivité, mais obéir à la loi civile quiest celle de la raison.

Quand il obéit aux lois civiles ou politiques fondées en droite raison, alors le citoyen, loin d'êtreasservi, s'affranchit.

Certes, toute loi ne libère pas, mais la loi de raison fait de l'homme un être véritablementautonome.

Il s'agit ici, non pas de la loi du bon plaisir, mais de celle de la raison.

Pourquoi nous libère-t-elle? Parceque nous y reconnaissons notre propre volonté raisonnable.

Or, en cette reconnaissance, tout être humain sait qu'iléchappe à l'arbitraire et au contingent.

Il accède à la vraie autonomie, comme obéissance à la loi universelle de laraison.

Dès lors l'obéissance à la loi affranchit profondément l'homme.

« La liberté de l'individu, dans la mesure oùcelui-ci se refuse à reconnaître l'universel et l'objectivité de la loi, où il veut se maintenir dans son individualité entant que subjective, n'est rien d'autre que l'arbitraire » (Eric Weil, Hegel et l'État, p.

53, Vrin).Contre l'arbitraire, la loi civile incarne la raison.

Certes, il est permis d'opter pour la passion ou le désir (contre lavolonté raisonnable), pour l'arbitraire contre la liberté! Mais alors il faut reconnaître qu'on s'oppose à toute libertépositive.

Par conséquent, c'est bien l'obéissance aux lois qui libère ici l'homme, car elle le fait accéder à la purerationalité. C) La loi morale et l'autonomie. Ici, nous franchissons le dernier palier.

La loi s'intériorise de plus en plus, devient plus proche de la vraie substancede l'homme, puisqu'il s'agit de la loi éthique, du commandement moral, de l'impératif catégorique.

Il s'agit ici d'unimpératif, d'une proposition ayant la forme d'un commandement : agis uniquement d'après la maxime qui fait que tupeux vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle.

Cette loi morale est universelle, elle est catégoriqueet non point hypothétique, tomme les impératifs de l'habileté ou de la prudence.L'obéissance à cette loi du devoir réduit-elle l'homme à la servitude et à l'esclavage? Force est de reconnaîtrequ'elle humilie toute la partie sensible de l'homme.

Il faut obéir à la loi.

Or cette obéissance humilie la présomption,les penchants, la sensibilité.

Elle aboutit donc à affaiblir l'influence contrariante des penchants et des désirssensibles vis-à-vis de la raison.

Mais cet affaiblissement ^ n'est pas asservissement et esclavage.

Bien au contraire.Être libre, c'est pouvoir obéir à une loi morale rationnelle indépendamment de la sensibilité.

Il importe de ne pasconfondre la véritable autonomie morale (obéissance à la loi) avec le simple caprice ou la jouissance arbitraire.

Ainsi,être libre pratiquement, c'est être indépendant de la contrainte sensible des penchants, du caprice, de l'arbitraire.Ajoutons que cette obéissance à la loi morale conçue comme autonomie serait inintelligible si l'homme n'était pasl'auteur de la loi morale universelle.

En fait, il obéit à une loi qu'il se prescrit à lui-même.

Cette loi universelle dont ilest l'auteur le libère du même coup, dompte sa sensibilité égoïste et son moi uniquement soucieux de son bon plaisir.Tout culmine ainsi dans le célèbre principe de l'autonomie de la volonté : l'homme « n'est soumis qu'à sa proprelégislation, encore que cette législation soit universelle» (Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs, 2esection).

Kant note que la volonté n'est pas simplement soumise à la loi, mais elle y est soumise de telle sortequ'elle doit être regardée également comme instituant elle-même la loi.Ainsi retrouvons-nous dans l'ordre de la moralité l'idée soutenue par Rousseau dans l'ordre social : l'obéissance à laloi qu'on s'est prescrite est liberté (Du Contrat social). 3) Conclusion Plus la loi devient proche de l'essence même de l'homme, mieux se dessine l'idée d'autonomie.

La libération apparaîtalors de plus en plus vraie, conquête sur les données subjectives premières.

Si l'obéissance aux lois de la naturelibère déjà l'homme, l'authentique et la plus accomplie libération est celle qui s'accomplit avec la soumission aux loisciviles, politiques et morales.Quant au problème initial, il trouve sa solution.

Quand l'homme obéit à une loi qu'il se prescrit à lui-même, ils'affranchit du même coup.

Donc il n'y a nul paradoxe dans une autonomie acquise par l'obéissance aux lois que l'on. »

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