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Merleau-Ponty: pudeur et métaphysique

Publié le 27/02/2008

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Il faut sans aucun doute reconnaître que la pudeur, le désir, l'amour en général ont une signification métaphysique, c'est-à-dire qu'ils sont incompréhensibles si l'on traite l'homme comme une machine gouvernée par des lois naturelles, ou même comme un « faisceau d'instincts », et qu'ils concernent l'homme comme conscience et comme liberté. L'homme ne montre pas ordinairement son corps (...). En tant que j'ai un corps, je peux être réduit en objet sous le regard d'autrui et ne plus compter pour lui comme personne, ou bien au contraire, je peux devenir son maître et le regarder à mon tour, mais cette maîtrise est une impasse, puisque, au moment où ma valeur est reconnue par le désir d'autrui, autrui n'est plus la personne par qui je souhaitais d'être reconnu, c'est un être fasciné, sans liberté, et qui à ce compte plus pour moi. Dire que j'ai un corps est donc une manière de dire que je veux être vu comme un objet et que je cherche à être vu comme sujet, qu'autrui peut être mon maître ou mon esclave, de sorte que la pudeur et l'impudeur expriment la dialectique de la pluralité des consciences et qu'elles ont bien une signification métaphysique. MERLEAU-PONTY

•    Contrairement à l'animal, « l'homme ne montre pas ordinairement son corps «. Ainsi la pudeur a-t-elle une signification métaphysique puisqu'elle implique la conscience (du corps). •    C'est sous le regard d'autrui que je peux faire l'expérience de la perte de ma liberté. Le regard de l'autre peut me transformer en chose (me choséifier), « me voler « ma liberté. Je deviens objet. •    Mais la liberté de celui qui me regarde est menacée à son tour. Autrui me reconnaît comme valeur dans son désir. C'est un être fasciné, sans liberté. •    Ainsi le regard manifeste-t-il la pluralité des consciences. •    La thèse et l'analyse du regard faite par Merleau-Ponty rejoint celle de Sartre (cf. L'Etre et le néant). Toutes deux pourront également être rapprochées de l'analyse hégélienne de la dialectique du maître et de l'esclave (cf. La Phénoménologie de l'Esprit).

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« « signification métaphysique » ? Bien étrange assertion qui s'éclaire rapidement avec la conception spécifique que l'auteur se fait du terme « métaphysique » (qui, originellement concerne tout ce qui se situe au-delà du mondephysique et plus particulièrement l'idée d'Être suprême), intervenant successivement en guise d'éclaircissement desa thèse intiale : « […] c'est-à-dire qu'ils sont incompréhensibles si l'on traite l'homme comme une machine gouvernée par des lois naturelles, ou même comme un « faisceau d'instincts »...

» C'est une condamnation philosophique qui se cache sous cette explication.

Les thèses et théories « mécanistes »(La Mettrie) considéraient les sentiments humains comme des résultantes physiologiques d'un certain stimulus corporel.

Merleau-Ponty a donc beau jeu de contredire ces thèses en indiquant – à l'aide d'un jeu sur le sens du mot« métaphysique » – que cette sphère sentimentale renvoyait bien au contraire à ce qu'il y a de plus profond,invisible, abstrait, idéal chez l'homme : à sa « conscience », à sa « liberté ». Ce « faisceau d'instincts » dont parle l'auteur pourrait, d'autre part, stigmatiser l'attitude cartésienne à l'égard du vécu animal, tout entier régit, de manière mécanique et purement physiologique, par la sphère instinctive.

Merleau-Ponty affine et affermit simultanément sa thèse sur les sentiments mentionnés : « ils concernent l'homme comme conscience et comme liberté » L'homme est cet être remarquable et unique qui, par sa conscience et son idéal de liberté, se place au-delà dusimple monde physique.

Il n'en reste pas à la surface des choses, pourrait-on dire autrement.

C'est donc de cettereconnaissance de la part « métaphysique » de l'humain, envers et contre les théories mécanistes, qu'il est questiondans ce passage. II) L'incarnation dialectique de la conscience corporelle Comme pour illustrer son propos à l'aide d'une phrase courte (qui dénote avec la précédente reconnaissance desfacultés spirituelles de l'homme), Merleau-Ponty nous enjoint à considérer la manière dont nous percevons etprésentons nos propres corps.

Et à ce titre, force est de constater avec l'auteur que : « L'homme ne montre pas ordinairement son corps » L'auteur prend plus qu'un exemple en abordant subitement la notion de « corporéité ».

Il « incarne » sa thèse,pourrait-on dire.

Et la méthode est toujours la même : ce qui intéresse l'auteur, c'est le phénomène tel qu'il estperçu et vécu par le moi.

Ici, c'est notre perception et notre comportement vis-à-vis de notre propre corps. « En tant que j'ai un corps, je peux être réduit en objet sous le regard d'autrui et ne plus compter pour lui comme personne, ou bien au contraire, je peux devenir son maître et le regarder à mon tour » Le fait d'avoir un corps n'est pas neutre.

Il n'est pas, comme le considérait Husserl , un simple outil voire un résidu animé par les intentions du Cogito cartésien , mais bel et bien un espace dans lequel se joue un jeu dialectique : la relation de confrontation à autrui.

Nous nous présentons, certes, d'abord « charnellement » à autrui.

Il me voitd'abord comme corps, potentiellement comme « objet ».

Le corps, nous dit Merleau-Ponty, est l'espace constitutifdes relations de type « Maître/esclave », dont parlait déjà Hegel en désignant cette relation dialectique de recherche mutuelle de reconnaissance et de domination entre les hommes. « mais cette maîtrise est une impasse, puisque, au moment où ma valeur est reconnue par le désir d'autrui, autruin'est plus la personne par qui je souhaitais d'être reconnu, c'est un être fasciné, sans liberté, et qui à ce titre necompte plus pour moi » En incarnant sa thèse, dans l'illustration du fondement corporel de la lutte pour la reconnaissance des consciences,Merleau-Ponty redonne à la phénoménologie une orientation véritablement existentielle.

Le vécu, la perception et l'« intentionnalité » de l'humain sont autant de marques « physiologiques » des significations métaphysiques qui lecaractérisent. III) La dialectique plurielle révélatrice Merleau-Ponty va alors tirer les enseignements philosophiques de son analyse complexe : « Dire que j'ai un corps est donc une manière de dire que je veux être vu comme un objet et que je cherche à être vu comme sujet, qu'autrui peut être mon maître ou mon esclave » C'est la dualité, l'ambiguïté de la conscience ainsi « incarnée » (enfin réconciliée avec le corps !) que Merleau-Pontyaffirme en guise de conclusion.

Également dans le désir paradoxal d'être d'abord vue comme corps-objet et d'êtrereconnue comme conscience par autrui.

C'est en prenant ce paradoxe dialectique (issu de nos existencescharnelles, apparaissant au regard autrui) en compte que la phénoménologie se rapproche des « racines », desfondements des phénomènes et donc de la phénoménologie en son sens radical. « de sorte que la pudeur et l'impudeur expriment la dialectique de la pluralité des consciences et qu'elles ont bienune signification métaphysique. ». »

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