Notes sur l'Art

« réussie, on aura l'impression d'avoir appris quelque chose de vrai sur l'amour.

L'importance de Roméo et Juliette tient à ce que la pièce de Shakespeare nous dévoile sur l'amour poussé jusqu'à la passion.    Maintenant que nous avons comparé goût et valeur, vous vous dites peut-être : qu'on fasse de l'oeuvre d'art une affaire de goût ou de valeur, le résultat est pratiquement le même; on ne fera jamais l'unanimité autour d'une production.

Vous avez raison.

On n'arrivera jamais à ce que tout le monde aime Bach ou Shakespeare.

De même y aura-t-il toujours des connaisseurs pour contester la valeur des grandes oeuvres.    Qu'en est-il de l'art aujourd'hui? Nous vivons dans un monde où on entend de la musique partout.

La télévision passe sa journée à raconter des histoires.

Les magazines étalent sous nos yeux de magnifiques images.

Tout cela tend à banaliser l'art.

Il y en a trop.

C'est un flot qui emporte les productions avant même qu'on les ait remarquées.

Les artistes, si on peut encore employer ce terme, se transforment en producteurs qui débitent une marchandise comme une autre.   Après toutes ces considérations sur l'art, la beauté, le goût et la valeur, quels rapports pouvons-nous établir entre l'art et la philosophie? La philosophie, par nature, s'intéresse aux idées générales.

Elle vise aussi la vérité.

Elle devrait donc être plus proche de la science que de l'art.

Et pourtant, ce n'est pas le cas.         L'art, on l'a déjà dit, fait dans le singulier et l'unique.

Le peintre ne dessine pas l'homme, mais tel homme. En quoi cela pourrait-il intéresser le philosophe? En ceci que le singulier bien compris et bien exprimé pointe vers l'universel.

Ce portrait qui représente une vieille femme peut être fort instructif : dans les rides, dans les chairs qui s'affaissent, dans le regard passent une tristesse et une mélancolie qui sont autant de facettes de cet âge de la vie.

Il n'y a qu'à cueillir cette riche moisson et à la mettre en forme.         Les grands philosophes ont toujours soutenu qu'il fallait partir du sensible. Platon enseignait que le regard doit d'abord se porter sur de beaux corps pour qu'ensuite l'esprit s'élève jusqu'à l'Idée de beauté. Kant, de son côté, rappelait que des idées qui ne renvoient pas à un contenu intuitif sont vides.

Or qui mieux que l'artiste peut nous montrer le concret? Par exemple, les personnages de Michel Tremblay nous en apprennent long sur les homosexuels.

À partir de là, on dispose d'une riche matière pour théoriser sur l'homosexualité.         Il est étrange de penser que la beauté conduit à la vérité, seulement si on la considère comme un effet du. »