Peut-on aimer sans passion ?
Publié le 08/12/2005
Extrait du document
«
dans le monde que font et défont les passions, pour s'accomplir.
Telle est: « la tragédie que l'absolu joueéternellement avec lui-même: il s'engendre éternellement dans l'objectivité, se livre sous cette figure quiest la sienne propre, à la passion et à la mort, et s'élève de ses cendres à la majesté».Ainsi, l'histoire du devenir des hommes coïncide avec l'histoire du devenir de Dieu.
Etats, peuples, hérosou grands hommes, formes politiques et organisations économiques, arts et religions, passions et intérêts,figurent la réalité de l'Esprit et constituent la vie même de l'absolu .« L'Esprit se répand ainsi dans l'histoire en une inépuisable multiplicité de formes où il jouit de lui-même.Mais son travail intensifie son activité et de nouveau il se consume.
Chaque création dans laquelle il avaittrouvé sa jouissance s'oppose de nouveau à lui comme une nouvelle matière qui exige d'être oeuvrée.
Cequ'était son œuvre devient ainsi matériau que son travail doit transformer en une œuvre nouvelle.
»
Dans cette dialectique ou ce travail du négatif, l'Esprit, tel le Phénix qui renaît de ses cendres, se dressechaque fois plus fort et plus clair.
Il se dresse contre lui-même, consume la forme qu'il s'était donnée,pour s'élever à une forme nouvelle, plus élevée.
De même que le Fils de Dieu fut jeté « dans le temps,soumis au jugement, mourant dans la douleur de la négativité », pour ressusciter comme « Esprit éternel,mais vivant et présent dans le monde », de même l'Absolu doit se vouer à la finitude et à l'éphémère pourse réaliser dans sa vérité et dans sa certitude.
Dès lors, ce n'est pas en vain que les individus et les peuples sont sacrifiés.
On comprend aussi que lespassions sont, sans le savoir, au service de ce qui les dépasse, de la fin dernière de l'histoire: laréalisation de l'Esprit ou de Dieu.
Chaque homme, dans la vie, cherche à atteindre ses propres buts,cache sous des grands mots des actions égoïstes et tâche de tirer son épingle du jeu.
Et la passion, cen'est jamais que l'activité humaine commandée par des intérêts égoïstes et dans laquelle l'homme mettoute l'énergie de son vouloir et de son caractère, en sacrifiant à ses fins particulières et actuelles toutesles autres fins qu'il pourrait se donner:
« Pour moi, l'activité humaine en général dérive d'intérêts particuliers, de fins spéciales ou, si l'on veut,d'intentions égoïstes, en ce sens que l'homme met toute l'énergie de sa volonté et de son caractère auservice de ses buts en leur sacrifiant tout ce qui pourrait être un autre but, ou plutôt en leur sacrifianttout le reste.
»
Mais si les passions sont orientées vers des fins particulières, elles ne sont pas, pour autant, opposées àl'universel.
Le tumulte des intérêts contradictoires, des passions se résout en une loi nécessaire etuniverselle.
L'individu qui met son intelligence et son vouloir au service de ses passions sert, en fait etmalgré lui, autrui, en contribuant à l'œuvre universelle.
Telle est la ruse de la Raison: les individus font ceque la Raison veut, sans cesser de suivre leurs impulsions, leurs passions singulières, de même que grâceà la ruse de l'homme, la nature fait ce qu'il veut sans cesser d'obéir à ses propres lois.
L'universel est donc présent dans les volontés individuelles et s'accomplit par elles et particulièrement parla médiation des grands hommes de l'histoire.
Ainsi, par exemple, Jules César ne croyait agir que pour sonambition personnelle en combattant les maîtres des provinces de l'empire romain.
Or, sa victoire sur euxfut en même temps une conquête de la totalité de l'empire: il devint ainsi, sans toucher à la forme de laconstitution, le maître individuel de l'Etat.
Et le pouvoir unique à Rome « que lui conféra l'accomplissementde son but de prime abord négatif » ouvrait une phase nécessaire dans l'histoire de Rome et dansl'histoire du monde:
« Les grands hommes de l'histoire sont ceux dont les fins particulières contiennent la substantialité quecontre la volonté de l'Esprit du monde.
»
Les individus historiques sont donc les agents d'un but qui constitue une étape dans la marcheprogressive l'Esprit universel.
Mais sans la passion, ils n'auraient ri pu produire.« Ce n'est pas le bonheur qu'ils ont choisi, mais la peine, le travail pour leur but.
[...
] En fait, ils ont étépassionnés, c'est-à-dire ils ont passionnément pour leur but et lui ont consacré tout leur caractère, leurgd et leur tempérament.
[...] La passion est devenue l'énergie de leur moi; sans la passion ils n'auraientrien produire.
»
Les grands hommes, les peuples avec leur esprit, 1eur constitution, leur art, leur religion, leur science nemaîtrisent pas le sens de ce qu'ils font.
Ils ne sont, que « les moyens, les instruments d'une chose plusélevée, plus vaste qu'ils ignorent et accomplissent inconsciemment ».
Si « Rien de grand ne s'est accomplidans le monde sans passion », c'est bien parce que les passions sont énergie, incandescence du vouloir,tension vers un but, mais aussi et surtout parce qu'elles ne sont que « les moyens du génie de l'universpour accomplir sa fin ».
Hegel ne juge pas les passions d'un point de vue moral, mais du point de vue de l'histoire.
On peutremarquer que, même sur un plan personnel, toute passion comporte un élan susceptible d'être finalisé etpeut ainsi être à l'origine de grandes découvertes ou d'œuvres personnelles.
Ainsi, par exemple,Dostoievski qui avait la passion du jeu a réussi à transcender sa passion, à lui donner un sens, dans sonœuvre « Le Joueur ».Hegel compare l'histoire du monde à une tapisserie dont , les la chaîne est l'Idée ou l'Esprit,.
»
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