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Peut-on considérer le journal comme l'histoire du présent ?

Publié le 05/03/2005

Extrait du document

histoire

* Il faut entendre ici histoire comme récit historique, au sens de l'allemand : Histoire par différence avec Geschichte.

* Distinguer le journal comme chronique quotidienne d'un homme (journal de Stendhal, des Goncourt, d'une femme de chambre ou d'un curé de campagne...) et la publication quotidienne consacrée à l'actualité dans tous les domaines. * Le journal comme recueil et récit de ce qui se passe, de ce qui arrive dans le monde. Il serait en ce sens écriture de l'histoire sur le vif, témoignage des contemporains sur des événements de l'histoire.

* Ce que recueille le journal c'est l'événement. Cf. ce texte de Pierre Nora : « Les mass média ont désormais le monopole de l'histoire. Dans nos sociétés contemporaines, c'est par eux et par eux seuls que l'événement nous frappe et ne peut pas nous éviter. «

* Le journal ne relate pas seulement l'événement, il crée aussi l'événement et en ce sens fait aussi l'histoire du présent : « Les média transforment en actes ce qui aurait pu n'être que parole en l'air, ils donnent au discours, à la déclaration, à la conférence de presse la solennelle efficacité du geste irréversible.

Ce sujet est tout à la fois difficile et captivant. Ou plus exactement, c'est dans la mesure où il est captivant qu'il devient du même coup difficile. La première chose à faire est de souligner l'aspect apparemment paradoxal de la question. Si le propre de l'histoire est l'étude du passé, comment peut-on parler d'une histoire du présent ? Ce sujet, on le voit, fait donc appel à réflexion sur la notion d'histoire et nous suggérons de commencer par traiter succinctement ce point. Il serait bon ensuite de tenter de faire apparaître le journal dans l'histoire, autrement dit de brosser un rapide historique du journal. On s'intéressera particulièrement à l'évolution des journaux depuis ces cinquante dernières années. Nous avons essayé ici d'appuyer nos analyses sur des chiffres et des documents susceptibles de fournir aux élèves une base de discussion suffisante. Il convient d'ailleurs d'étendre la question à l'ensemble de la presse («journaux radiodiffusés ou télévisés «). Si en un sens il est possible de répondre oui à la question du sujet, il faut en revanche répondre par la négative dès lors que l'histoire se réduit à l'actualité. La conclusion pourra, par exemple, insister sur la différence qu'il convient d'établir entre le présent et la présence d'une part et l'actualité d'autre part.

histoire

« On répète souvent à la suite d'Albert Camus par exemple que le journal représente l'histoire du présent.

Être aucœur de l'actualité, ce serait ainsi écrire l'histoire au jour le jour.

Il faut d'ailleurs noter que de nombreux journalistesécrivent actuellement des livres d'histoire.

Les historiens quant à eux n'hésitent pas à utiliser des techniquesjournalistiques telles que l'enregistrement sur magnétophone de témoignages portant sur les conditions de vie desgens il y a vingt ou trente ans.

La parution de revues historiques, les émissions radiodiffusées ou télévisées danslesquelles il est question de l'histoire, tout semble sinon confondre du moins rapprocher l'historien du journaliste.Mais faut-il se laisser fasciner par cette actualité ? Une telle fascination ne constituerait-elle pas le pire écran quise puisse imaginer entre le passé et même le véritable présent et nous ? Peut-on, pour reprendre la question dusujet, considérer le journal comme l'histoire du présent ? Si la question, justement, se pose, c'est peut-être bienque les choses ne sont pas aussi nettes qu'on aurait d'abord pu le croire.

En premier lieu, cette question repose surun paradoxe.

Ce paradoxe est contenu dans l'expression « l'histoire du présent ».

Comment peut-on en effet parlerde l'histoire du présent alors que, par définition, l'histoire porte sur le passé qu'elle cherche à connaître ? Nous nousinterrogerons donc pour commencer sur l'histoire avant de faire apparaître le journal dans l'histoire.Si, dans une conception traditionnelle, « l'histoire se fait avec des documents » (L'initiation aux études historiques,Langlois et Seignobos), elle se fait aussi grâce à une méthode de recherche qui indique notamment comment ilconvient d'étudier les documents.

Le rôle dévolu classiquement à l'histoire est la connaissance du passé et lacompréhension de son évolution.

Dans la seconde de ses quatre Considérations inactuelles (ou intempestives), cellequi s'intitule : « De l'utilité et des inconvénients de l'histoire pour la vie », Nietzsche distingue trois aspectsessentiels de l'histoire : l'histoire monumentale, antiquaire ou traditionaliste et enfin critique.

La première « est avanttout l'affaire de l'homme actif et puissant, de celui qui livre un grand combat, qui a besoin de modèles, d'initiateurs,de consolateurs qu'il ne trouve pas dans son entourage ni dans l'époque présente » (Nietzsche, p.

223, 1.1).

Laseconde est « le bien de l'homme qui veut conserver et vénérer le passé, de celui qui jette un regard fidèle etaimant vers ses origines...

» (id., p.

239).

Quant au troisième aspect de l'histoire, l'aspect critique, il est le proprede l'homme qui doit être capable « de briser et de dissoudre un fragment du passé, afin de pouvoir vivre » (id., p.247).

L'histoire est ainsi l'équilibre des trois aspects.

Mais quand, au sein de l'évolution de la civilisation occidentale,apparaissent les premiers journaux ? En d'autres termes, puisqu'il s'agit ici des rapports entre l'histoire et le journal,quand donc le journal surgit-il dans l'histoire ?La condition fondamentale de l'apparition du journal est bien sûr l'invention de l'imprimerie par Gutenberg vers lemilieu du xv« siècle.

Mais ce n'est guère qu'au xvii' siècle que les gazettes voient le jour.

Citons pour mémoireNieuwe Tidjinghe hebdomadaire publié à Anvers dès 1605 et mentionnons le premier journaliste français :Théophraste Renaudot.

Les quotidiens datent du xviiie.

C'est ainsi que The Daily Courant, crée en 1702 est lepremier quotidien britannique tandis que la création de The Observer remonte à 1791.

C'est cependant au cours duXIXe et du XXe siècles que la presse se développe le plus.

Au début du xixe, le philosophe Hegel, écrit que la lecturedes journaux est « une prière du matin réaliste » avant d'ajouter plus tard « que la raison domine le monde et quepar conséquent l'histoire universelle s'est elle aussi déroulée rationnellement » (La Raison dans l'Histoire).Prenons à présent un exemple précis qui va nous permettre de mieux répondre à la question du sujet.

Il s'agit del'histoire de la presse en France depuis la guerre de 1914-1918 jusqu'à aujourd'hui.

En analysant cet exemple, nousvoudrions montrer que la presse (et non seulement « le journal ») peut bien en un sens être considérée commel'histoire du présent mais qu'en un autre sens cela est impossible.

En effet le journaliste qui décrit un événement,informe ses lecteurs, ses auditeurs ou ses spectateurs, cherche à comprendre la raison d'être de cet événementpeut bien être considéré comme écrivant l'histoire au présent.

Mais si ce présent n'a plus le visage de la nouveautéet de la mode mais celui de l'actualité, si des groupes de presse, pour des motifs financiers ou politiques, grossissenttel événement et passent sous silence tel autre, alors la presse n'est plus que la première prisonnière du royaume del'actualité.

Elle peut alors, peut-être, servir de documents à de futurs historiens, mais elle ne peut plus êtreconsidérée comme l'histoire du présent.

C'est au fond ce caractère ambigu de la presse qui donne pour ainsi dire lieuà la question du sujet.

Venons-en maintenant aux faits et voyons ce qui caractérisait la presse française en 1914.C'était principalement sa diversité.

Quarante-six quotidiens d'information générale paraissaient régulièrement à Paris.La plupart d'entre eux avaient une tendance politique marquée.

A côté de journaux à grands tirages comme Le PetitParisien, Le Matin, Le Petit Journal, l'Écho de Paris figuraient des journaux qui ne « tiraient » même pas à vingt millenuméros.

Si l'Humanité était située politiquement très à gauche, on trouvait en allant de la gauche vers la droite enpassant par le centre, La Petite République, L'Homme libre, L'Aurore, L'Éclair, Le Journal des Débats, Le Temps, LeFigaro, L'Action française, La Croix, Le Gaulois, La Patrie.

Plusieurs de ces journaux cessèrent de paraître dès lelendemain de la mobilisation qui vida leur rédaction.

Pendant les hostilités le nombre des pages avait été réduit etles nouvelles avaient été soumises à la censure.

Ce qui marque l'après-guerre, c'est la naissance et ledéveloppement d'une presse économique quotidienne (La Journée industrielle.

Le Réveil économique, Le Peuple).

Lascission du parti socialiste, en 1920, se répercuta dans la presse.

L'Humanité devint l'organe du parti communistetandis que les rédacteurs qui venaient de quitter ce journal se groupèrent autour du Populaire dont Léon Blum fut. »

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