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Peut-on dire d'un désir qu'il est anormal ?

Publié le 19/01/2013

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Peut-on dire d'un désir qu'il est anormal ? Introduction : [Problématique] [a] C'est un fait incontestable de l'expérience courante que tous les désirs ne sont pas permis. Nous pensons en général qu'il est d'ailleurs légitime de faire des reproches à certains désirs et de les interdire à cause de la façon dont ils violent ou heurtent certaines normes auxquelles nous prêtons de l'autorité. Un désir sera ainsi jugé anormal, et par conséquent sera surveillé, encadré, censuré, voire condamné, s'il est viole une norme d'ordre juridique, moral, culturel, statistique, naturel, politique, esthétique, ou tout autre règle faisant l'objet d'un accord au sein d'une communauté donnée : respectivement, la tentation du vol, l'humiliation publique d'un plus faible, l'étalement narcissique de sa vie privée lorsqu'on est un homme politique français, la concupiscence sado-masochiste1, le désir de mourir, la haine de la République, le goût pour l'obscène sont considérés comme des appétits non conformes à la norme, c'est-à-dire selon les cas à la règle en vigueur au sein d'un groupe, à la moyenne ou encore à l'accord des sensibilités et des volontés. [b] Et pourtant, l'évidence selon laquelle certains désirs peuvent être clairement qualifiés d'anormaux s'effondre aussitôt que nous nous penchons sur le mécanisme par lequel nous désirons. De deux choses l'une : ou bien c'est parce qu'une chose nous paraît bonne que nous la désirons, et alors ce sont les propriétés objectives de la chose considérée ou la représentation que nous nous en faisons qui nous portent au-delà des normes reconnues légitimes. Notre désir est donc innocent. Il est en effet tout à fait normal, c'est-à-dire conforme à la nature des choses, que notre volonté se porte à poursuivre ce que nous nous représentons comme un bien, et que notre corps réagissent par une impulsion attractive lorsqu'il est en contact avec un objet dont les propriétés sont une cause de plaisir. Il n'est peut-être pas normal, par exemple, de se représenter la vie comme un fardeau et d'éprouver de la souffrance à être soi, mais il est normal de désirer mourir quand on se représente la vie ainsi et quand on souffre d'être soi-même. Ou bien c'est parce que nous désirons une chose que nous la jugeons bonne, et dans ce cas le désir est à lui-même son propre critère d'évaluation de ce qui doit ou ne pas pas être désiré. Toute norme extérieure aux désirs eux-mêmes qui prétend s'autoriser d'un jugement sur eux est donc nécessairement arbitraire et s'apparente à une violence faite à la conscience intime du sujet désirant. Décider par une norme, juridique par exemple, qu'aimer un homme quand on est un homme est anormal, est un acte arbitraire et violent, car rien dans la nature des hommes n'indiquent qu'ils 1 Cf. Le 1er novembre 2012, Gala Fur (écrivain, dominatrice), Eric Marty (professeur de littérature contemporaine à Paris VII), Maïa Mazaurette (chroniqueuse et blogueuse), et Sarah Chiche (écrivain, psychologue clinicienne et psychanalyste), étaient sur France Inter, invités dans l'émission de Guillaume Erner, Service Public, pour évoquer quelques questions autour du sadomasochisme. 1 devraient ou ne devraient pas être un objet d'amour pour d'autres hommes. C'est parce qu'un homme en désire de fait un autre qu'il juge bon cet amour qu'il a pour lui, et par suite qu'il se juge autorisé (de droit) à l'aimer. Le désir est donc ici toujours à lui-même son propre critère de validation, et par conséquent ne peut jamais être jugé anormal par ou en lui-même. [Question] L'évidence qu'il existe des désirs anormaux se heurtent donc à la difficulté de trouver un critère objectif ou légitime de la normalité et nous conduit donc à poser la question : est-il légitime de dire qu'un désir est anormal ? [I] N'est-ce pas toujours par rapport à ses conséquences, à des conventions ou à des croyances extérieures au désir lui-même que nous le jugeons anormal ? [II] Un désir peut-il être anormal en lui-même ? [III] Peut-on mettre en évidence l'existence d'invariants anthropologiques qui offriraient une base objective à l'évaluation de nos désirs ? I L'acceptation des désirs. 1. L'anormalité selon la loi : illégal. Il semble tout d'abord étrange de classer les désirs selon leur conformité ou non à une norme afin d'autoriser les premiers et de condamner les autres. Un désir en lui-même n'est en effet ni bon ni mauvais, mais seulement l'entreprise de le satisfaire. Aucun désir, par exemple, n'est condamné par la loi. Le droit est une norme conventionnelle destinée à régler les relations entre les individus appartenant à une même communauté politique. Il fixe les limites du comportement humain, pas celles de notre vie intérieure. La pédophilie, par exemple, est condamnée non pas en tant que désir, mais en tant qu'atteinte à l'intégrité physique et morale du mineur : « Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende. «2 Chacun est autorisé à nourrir dans son for intérieur tous les désirs dont son imagination est capable, la contrainte et la sanction de la loi n'intervenant qu'au moment où il passe à l'acte pour satisfaire ceux d'entre eux qui portent atteinte à la liberté d'autrui. C'est sur cette limite entre le désir, intérieur, et la satisfaction, extérieure que joue Gainsbourg en 1984 lorsqu'il présente sa chanson Lemon incest3 : il y revendique la possibilité d'exprimer avec simplicité le désir qu'il a pour sa fille Charlotte, et que tout parent peut avoir pour son enfant, mais sans perversion, puisqu'il ne s'agit à aucun moment de réclamer le droit de le satisfaire. L'anormalité, ici, serait donc que la loi surveille non seulement nos actes, mais encore nos pensées, comme dans le roman 1984 de Georges 2 Code pénal, Article 227-25, modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art. 3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002 3 Cf. Annexe. 2 Orwell, où toute la société est soumise à l'impitoyable regard de Big Brother 4 et sa Police de la Pensée qui traque partout les signes d'une possible hérésie politique, d'un possible défaut de communion idéologique. 2. L'anormalité selon la raison : l'inintelligible, l'inexplicable. L'anormalité, par ailleurs, se présente encore comme un défaut dans la réduction d'un phénomène aux causes par lesquelles on l'explique. On qualifie alors d'anormal le désir non pas qui enfreint la règle, mais qui lui échappe, qui lui fait exception et la remet en cause. Le désir anormal, dans les sciences sociales, appartient à la classe des désirs qui n'entrent pas dans les modèles théoriques conçues pour rendre raison de la réalité sociale. Le premier réflexe des sciences sociales, imitant les sciences de la nature, conduit en effet à tenter de neutraliser les variations observables dans le réel en opérant d'abord une conversion des caractéristiques d'un ensemble catégoriel de faits en quantités de certaines unités. Par exemple, conversion des propriétés d'un être humain en quantité d'âges (25 ans), de revenus financiers (tant d'euros ou de dollars de salaire, etc.), de capital culturel (4 ou 7 années d'études supérieures, etc.), d'actes (achats de tels biens, sorties au cinéma, etc.). La sociologie tend fortement à cette conversion quantitative de ce qui au départ n'est saisissable que comme qualité, dans notamment sa mise en place de variables indépendantes com...

« devraient ou ne devraient pas être un objet d'amour pour d'autres hommes.

C'est parce qu'un homme en désire de fait un autre qu'il juge bon cet amour qu'il a pour lui, et par suite qu'il se juge autorisé ( de droit ) à l'aimer.

Le désir est donc ici toujours à lui-même son propre critère de validation, et par conséquent ne peut jamais être jugé anormal par ou en lui-même.

[Question] L'évidence qu'il existe des désirs anormaux se heurtent donc à la difficulté de trouver un critère objectif ou légitime de la normalité et nous conduit donc à poser la question : est-il légitime de dire qu'un désir est anormal ? [I] N'est-ce pas toujours par rapport à ses conséquences, à des conventions ou à des croyances extérieures au désir lui-même que nous le jugeons anormal ? [II] Un désir peut-il être anormal en lui-même ? [III] Peut-on mettre en évidence l'existence d'invariants anthropologiques qui offriraient une base objective à l'évaluation de nos désirs ? I L'acceptation des désirs.

1.

L'anormalité selon la loi : illégal.

Il semble tout d'abord étrange de classer les désirs selon leur conformité ou non à une norme afin d'autoriser les premiers et de condamner les autres.

Un désir en lui-même n'est en effet ni bon ni mauvais, mais seulement l'entreprise de le satisfaire.

Aucun désir, par exemple, n'est condamné par la loi.

Le droit est une norme conventionnelle destinée à régler les relations entre les individus appartenant à une même communauté politique.

Il fixe les limites du comportement humain, pas celles de notre vie intérieure.

La pédophilie, par exemple, est condamnée non pas en tant que désir, mais en tant qu'atteinte à l'intégrité physique et morale du mineur : « Le fait, par un majeur, d'exercer sans violence, contrainte, menace ni surprise une atteinte sexuelle sur la personne d'un mineur de quinze ans est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende.

» 2 Chacun est autorisé à nourrir dans son for intérieur tous les désirs dont son imagination est capable, la contrainte et la sanction de la loi n'intervenant qu'au moment où il passe à l'acte pour satisfaire ceux d'entre eux qui portent atteinte à la liberté d'autrui.

C'est sur cette limite entre le désir, intérieur, et la satisfaction, extérieure que joue Gainsbourg en 1984 lorsqu'il présente sa chanson Lemon incest 3 : il y revendique la possibilité d'exprimer avec simplicité le désir qu'il a pour sa fille Charlotte, et que tout parent peut avoir pour son enfant, mais sans perversion, puisqu'il ne s'agit à aucun moment de réclamer le droit de le satisfaire.

L'anormalité, ici, serait donc que la loi surveille non seulement nos actes, mais encore nos pensées, comme dans le roman 1984 de Georges 2 Code pénal , Article 227-25, modifié par Ordonnance n°2000-916 du 19 septembre 2000 - art.

3 (V) JORF 22 septembre 2000 en vigueur le 1er janvier 2002 3 Cf.

Annexe.

2. »

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