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Peut-on penser par l'image ?

Publié le 21/12/2005

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Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n'était pas ni cette douceur du miel, ni cette agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, mais seulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sous ces formes et qui maintenant se fait remarquer sous d'autres. Mais qu'est-ce précisément parlant que j'imagine lorsque je la conçois en cette sorte? Considérons-le attentivement et éloignant toutes les choses qui n'appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste. Certes il ne demeure rien que quelque chose d'étendu, de flexible et de muable. Or qu'est-ce que cela, flexible et muable? N'est-ce pas que j'imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figure triangulaire ? Non certes, ce n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblables changements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cette conception que j'ai de la cire ne s'accomplit pas par la faculté d'imaginer. Qu'est-ce maintenant que cette extension ? N'est-elle pas aussi inconnue? Puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grande quand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus grande encore quand la chaleur augmente davantage ; et je ne concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c'est que la cire, si je ne pensais qu'elle est capable de recevoir plus de variété selon l'extension, que je n'en n'ai jamais imaginé.

Dans un sens premier, l'image est une représentation plus ou moins exacte d'une quelconque réalité. En ce sens, les images nous permettent d'évoquer, de nous représenter et c'est pourquoi on considère parfois qu'elles nous permettent de penser. Ainsi, une image peut véhiculer une idée, un sens, il suffit pour cela de se tourner vers la publicité pour s'en rendre compte. Toutefois, peut-on dire que les images peuvent constituer une pensée ? Pour cela, il faut que vous vous interrogiez plus précisément sur la notion d'image : cette dernière est toujours sensible ce qui signifie qu'elle est aussi toujours particulière. Ainsi, si vous avez en votre esprit l'image d'un chien, ce sera celle d'un chien d'une race déterminée et même au sein de cette race, d'un animal particulier. On pourrait alors penser que l'image a une vraie précision, mais il s'agirait de montrer que c'est ici une erreur.

On pourra aussi penser à l'usage intellectuel des images : par exemple, l'usage d'images en poésie, sous la forme de métaphores, permet-il de penser ? Permet-il, plus encore, de penser des choses qui ne seraient pas pensables sans le recours à ces images, des choses que le langage de la rationalité pure serait impuissant à évoquer et à proposer comme objets de pensée ?

 

« cependant la même cire demeure.

Peut-être était-ce ce que je pense maintenant, à savoir que la cire n'était pas nicette douceur du miel, ni cette agréable odeur des fleurs, ni cette blancheur, ni cette figure, ni ce son, maisseulement un corps qui un peu auparavant me paraissait sous ces formes et qui maintenant se fait remarquer sousd'autres.

Mais qu'est-ce précisément parlant que j'imagine lorsque je la conçois en cette sorte? Considérons-leattentivement et éloignant toutes les choses qui n'appartiennent point à la cire, voyons ce qui reste.

Certes il nedemeure rien que quelque chose d'étendu, de flexible et de muable.

Or qu'est-ce que cela, flexible et muable? N'est-ce pas que j'imagine que cette cire étant ronde est capable de devenir carrée, et de passer du carré en une figuretriangulaire ? Non certes, ce n'est pas cela, puisque je la conçois capable de recevoir une infinité de semblableschangements, et je ne saurais néanmoins parcourir cette infinité par mon imagination, et par conséquent cetteconception que j'ai de la cire ne s'accomplit pas par la faculté d'imaginer.

Qu'est-ce maintenant que cette extension? N'est-elle pas aussi inconnue? Puisque dans la cire qui se fond elle augmente, et se trouve encore plus grandequand elle est entièrement fondue, et beaucoup plus grande encore quand la chaleur augmente davantage ; et jene concevrais pas clairement et selon la vérité ce que c'est que la cire, si je ne pensais qu'elle est capable derecevoir plus de variété selon l'extension, que je n'en n'ai jamais imaginé.

Il faut donc que je tombe d'accord, que jene saurais pas même concevoir par l'imagination ce que c'est que cette cire et qu'il n'y a que mon entendement seulqui le conçoive.

(...) Je suis presque trompé par les termes du langage ordinaire ; car nous disons que nous voyonsla même cire, si on nous la présente, et non pas que nous jugeons que c'est la même, de ce qu'elle a même couleuret même figure : d'où je voudrais presque conclure, que l'on connaît la cire par la vision des yeux, et non par laseule inspection de l'esprit, si par hasard je ne regardais d'une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vuedesquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire; etcependant que vois-je de cette fenêtre sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres etdes hommes feints qui ne se remuent que par ressorts? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, et ainsi jecomprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux.

» Le premier problème posé par le recours à l'image par la pensée est que l'image est par définition sensible et doncsusceptible d'être l'objet d'erreurs de perception ou de jugement dues aux insuffisances des sens ou de la raison.Autrement dit, l'image n'est pas suffisamment fiable pour constituer un socle de la pensée. * L'image et l'erreur Pascal « Imagination.

- C'est cette partie dominante dans l'homme, cette maîtresse d'erreur et de fausseté, et d'autantplus fourbe qu'elle ne l'est pas toujours ; car elle serait règle infaillible de vérité, si elle l'était infaillible du mensonge.Mais, étant le plus souvent fausse, elle ne donne aucune marque de sa qualité, marquant du même caractère le vraiet le faux.

Je ne parle pas des fous, je parle des plus sages ; et c'est parmi eux que l'imagination a le grand don depersuader les hommes.

La raison a beau crier, elle ne peut mettre le prix aux choses.

Cette superbe puissance,ennemie de la raison, qui se plaît à la contrôler et à la dominer, pour montrer combien elle peut en toutes choses, aétabli dans l'homme une seconde nature.

Elle a ses heureux, ses malheureux, ses sains, ses malades, ses riches, sespauvres ; elle fait croire, douter, nier la raison ; elle suspend les sens, elle les fait sentir ; elle a ses fous et sessages : et rien ne nous dépite davantage que de voir qu'elle remplit ses hôtes d'une satisfaction bien autrementpleine et entière que la raison.

Les habiles par imagination se plaisent tout autrement à eux-mêmes que les prudentsne se peuvent raisonnablement plaire.

Ils regardent les gens avec empire ; ils disputent avec hardiesse et confiance; les autres, avec crainte et défiance, et cette gaieté de visage leur donne souvent l'avantage dans l'opinion desécoutants, tant les sages imaginaires ont de faveur auprès des juges de même nature.

Elle ne peut rendre sages lesfous ; mais elle les rend heureux, à l'envi de la raison qui ne peut rendre ses amis que misérables, l'une les couvrantde gloire, l'autre de honte.

» On peut amplifier la question de risque des erreurs de perception ou de jugement en montrant les dangers del'imagination du point de vue de la pensée : l'imagination, ou autrement dit la pensée par images, n'est pas enmesure de se vérifier, de contrôler elle-même sa validité, de sorte qu'elle ne constitue en rien une protection contrel'erreur, mais, bien au contraire, y précipite. * Ce n'est pas par l'image que se forme la pensée Hegel « Nous n'avons conscience de nos pensées, nous n'avons des pensées déterminées et réelles que lorsque nous leurdonnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, et que par suite nous les marquons de laforme externe, mais d'une forme qui contient aussi le caractère de l'activité interne la plus haute.

C'est le sonarticulé, le mot, qui seul nous offre une existence où l'externe et l'interne sont si intimement unis.

Par conséquent,vouloir penser sans les mots, c'est une tentative insensée.

Mesmer en fit l'essai, et, de son propre aveu, il en faillitperdre la raison.

Et il est également absurde de considérer comme un désavantage et comme un défaut de lapensée cette nécessité qui lie celle-ci au mot.

On croit ordinairement, il est vrai, que ce qu'il y a de plus haut c'estl'ineffable.... »

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